PLAN
ORGANISATION DU POUVOIR I

Une certaine idée du pouvoir et de la gestion économique
La société dans tous ses rouages
ORGANISATION DU POUVOIR II
Le système de taxation
L'agriculture
L'exploitation minère
Expéditions commerciales et moyens d'échange
ORGANISATION DU POUVOIR III
Esclavage, mythe ou réalité
L'influence de la Bible
Les récits d'Herodote
L'individu sous l'Ancien Empire
L'individu au Moyen Empire
L'individu au Nouvel Empire
UNE CERTAINE IDEE DU POUVOIR ET DE LA GESTION ECONOMIQUE
La pyramide, un des monuments les plus représentatifs de la culture égyptienne, peut apparaître aussi comme l’une des structures les plus adaptées pour symboliser la société égyptienne. Et, effectivement, la civilisation de l’Egypte antique s’est édifiée, structurée selon le schéma suivant : le point culminant de la pyramide représente Pharaon, souverain élu par les dieux et omnipotent, tandis que, s’élargissant vers la base, nous trouvons les personnes et les organismes qui dépendent de lui : fonctionnaires, prêtres, armée, classe humble.
L’attribution du pouvoir absolu au roi et l’attachement aux valeurs qu’il incarne, paix et unité dans la Maât, ont permis, entre autres, l’émergence d’une société dont la prospérité dépendait essentiellement d’une exploitation maximale de la terre grâce à une gestion centralisée et à une organisation administrative rigoureuse.
L’Egypte, c’est Pharaon, suprême représentant de l’Etat monarchique, propriétaire du Double-Pays tout entier qu’il a reçu du démiurge, Rê et dont la cérémonie du heb-sed a officialisé par l’imyt-per l’héritage divin. Voir Pharaon. Sur le plan interne, c’est Pharaon qui décide de la planification, de la production et de la distribution des denrées de toute nature. Sur le plan externe, c’est Pharaon qui contrôle les échanges internationaux. Les masses humaines sont ainsi dirigées, conduites, contrôlées par une seule personne qui décide de tout et pour le bien de tous. L’unité de direction, la centralisation, l’utilisation par un pouvoir unique des revenus agricoles ou autres ont mené à une économie basée sur la redistribution des denrées. Redistribution directe ou indirecte par le truchement d’institutions spécialisées, peu importe, du moment que le roi a pu les contrôler.
Ce fut sûrement l’un des facteurs essentiels de la prospérité de l’Egypte même, si à certaines époques, dites périodes intermédiaires, périodes de troubles et de chaos, elle fut victime des vicissitudes du système qui avait participé à sa richesse. Car quand l’autorité centrale s’affaiblit, c’est l’Egypte toute entière qui se gangrène.

Dès la fin de l’Ancien Empire, les principes de la royauté égyptienne furent quelque peu malmenés. Ce fut une période délicate où la société amorça une mutation irréversible.
Nous sommes sous la royauté de Pepi II dont le règne interminable ne semble jamais vouloir prendre fin. Les grands chantiers royaux se font de plus en plus rares, les mastabas des hauts dignitaires prennent, au contraire, des dimensions stupéfiantes, dans les nomes les charges des nomarques ne sont plus octroyées par Pharaon mais se transmettent de père en fils et les temples sont exemptés d’impôts. Le pouvoir central n’est plus en mesure de contrôler un système qu’il avait lui-même défini. Les provinces s’enrichissent au détriment d’autres régions plus faibles, et plus grave, au détriment de la capitale. Pepi II s’envole vers ses pères, le pouvoir est à l’agonie, l’Egypte est alors plongée dans la crise de la Première Période Intermédiaire. La lumière viendra du Sud, des princes de Thèbes qui canaliseront l’énergie des nomarques un peu trop gourmands en les faisant participer à l’effort de colonisation de la Nubie. Dans le Fayoum, les énergies seront utilisées à redorer le blason royal et à reconstituer ses richesses perdues. La royauté de Sesostris III entraîne quelques bouleversements dans l’organisation administrative de la province. En effet, il décide de supprimer la charge de nomarque et nomme trois vizirs, un pour le Sud, un pour le Nord et un pour la Basse-Nubie,. Ainsi domptés, l’énergie et la prétention des nomarques à quelque hégémonie s’affaiblissent. On assiste dès lors à la montée d’une nouvelle classe que certains s’accordent à nommer bourgeoise mais que l’on qualifiera plutôt de moyenne. Voir Moyen Empire

Toujours est-il que ces tristes épisodes ont donné une bonne leçon à la royauté. Elle s’humanise et Pharaon n’hésite pas à s’adresser à son peuple et à communiquer davantage avec lui. Les inscriptions sur les stèles sont des moyens de s’adresser à l’humble citoyen, au nedjes. Pharaon est conscient du danger potentiel des nomarques mais pourtant l’histoire recommence. La Seconde Période Intermédiaire voit l’Egypte envahie par l’étranger Hyksos et, de nouveau, elle sera libérée par des princes du Sud. De nouvelles expéditions guerrières permettent de juguler les prétentions des classes montantes. La royauté fait encore un effort pour dialoguer avec le peuple. Dans la Vallée Thébaine, des temples funéraires sont édifiés où Pharaon communique par l’intermédiaire du culte. Amon, devenu dieu d’empire et qui s'octroie une place politique de plus en plus prépondérante. Toutefois, Thoutmosis III, par le biais de son aura divine, affiche ses intentions politiques : l’érection d’un obélisque, symbole solaire héliopolitain, dans le temple d’Amon, oblige le clergé thébain à partager ses prérogatives avec celui d’Héliopolis. L’épisode amarnien affaiblit un temps cette influence amonienne qui reprit aussitôt ses droits une fois Akhenaton déchu. Un certain militarisme verra le jour au travers des royautés d’Horemheb et de Ramsès I.
Tour à tour diverses forces sociales ont influencé la politique égyptienne : nomarques, prêtres, militaires. Si malgré tout Pharaon exerce toujours un contrôle étatique, ces forces internes ont, dans les moments de crises, pu se substituer à lui.

L’unification parfaite de toutes les potentialités des richesses du Double Pays n’a pu se faire que par l’utilisation d’une mesure bien impopulaire : l’imposition. En effet, au Néolithique, la naissance de l’agriculture avait fait naître un nouveau mode d’économie, celui du stockage des produits agricoles et, par voie de conséquence, avait entraîné le besoin de planifier l’avenir. Afin de gérer au mieux les nombreux aléas d’une économie basée essentiellement sur l’agriculture, l’Etat prélevait une partie de la production qu’il emmagasinait prudemment dans des greniers, silos, réserves afin de pourvoir aux besoins de la population lors des années de disette ou de plus faible production. Ces impôts en nature servaient aussi à payer les fonctionnaires ou les temples. On conçoit, dès lors, qu’une organisation rigoureuse était nécessaire tant de la part du Palais royal et de ses fonctionnaires que de la part des nomes et des ses nomarques.

LA SOCIETE DANS TOUS SES ROUAGES
Le peuplement de l’Egypte
Afin d’interpréter au mieux l’histoire économique de l’Egypte, il serait judicieux de connaître le chiffre de la population et sa variation au cours des millénaires. Il ne semble pas que l’Egypte ait été surpeuplée. Sous la XIIème dynastie, la population peut avoir été dense, plus encore sous la XVIIIème dynastie aux temps splendides de la ville de Thèbes. On peut avancer le chiffre de neuf à dix millions d’habitants recensés sous Amenhotep III. Le Double Pays aurait été bien peuplé, auto suffisant et sa consommation n’aurait jamais dépassé les limites de sa propre production. Ces données reposent sur des évaluations approximatives et ne reposent encore sur aucune donnée vérifiée.
La population toute entière est au service de son Pharaon dont les compétences premières furent d’organiser et de canaliser ces masses humaines au potentiel considérable.
Pharaon détient le pouvoir absolu, certes, mais dans l’exercice de sa toute puissance, il est contraint de s’appuyer sur un très lourd appareil administratif. Contraint et forcé par l’ampleur de la tâche à accomplir, Pharaon délègue une partie de ses charges à une myriade de fonctionnaires zélés sans qui rien ne serait possible. L’Egypte, c’est un fait, est gouvernée par la bureaucratie et ses complexités.
La société égyptienne n’est pas une société égalitaire. Imaginons-nous au sommet de la pyramide sociale aux côtés de la divine personne royale. Lorsque nous descendons la volée de marches qui nous mènent à la base, nous nous éloignons de Pharaon et les chances de s’enrichir deviennent de plus en plus minces. Tout en bas, sur la base élargie, trime le bon peuple, la source principale de richesse du pays. Cependant, tout espoir n’est pas perdu de remonter vers les hautes sphères du pouvoir : l’Egypte n’est pas non plus une société de castes intangibles rigoureusement closes sur elles-mêmes. La plupart des fonctions sociales, bon nombre de métiers étaient certes transmissibles au fils aîné. Mais, selon les nécessités sociales ou politiques de l’époque, accéder à un autre statut que celui reçu à la naissance par la position sociale des parents était possible.
On peut raisonnablement penser que tous les citoyens égyptiens étaient libres et égaux devant Pharaon. Il existait seulement des distinctions de niveaux qui plaçaient Pharaon d’un côté, solitude absolue du roi, et le reste de la population de l’autre.
Sous l’Ancien Empire, la préférence est accordée à l’entourage royal. Ce premier groupe favorisé embrasse le roi et l’imakhou, celui qui est dans l’ombre du roi. Le second groupe comprend tous les autres sujets.
Plus tard, la distinction se fera entre les grands, ur et les nedjes, personnes de condition modeste, les fonctionnaires.
Enfin, une ultime distinction séparera les pat, les nobles de l’humble peuple.
Dans le droit public, l’user, le fort sera opposé au nemehi, le faible ou huru, le pauvre.
Quelles que soient ces distinctions qui ont évolué au fil des temps, on peut reconnaître les principes suivants :

Appareil administratif
Quelques essais ont été faits pour tenter d'établir des frontières entre les diverses catégories de fonctionnaires qui occupaient l'appareil administratif égyptien. Tentative vouée à l'échec car le cumul des charges était chose relativement courante dans l'ancienne Egypte. Ce qui ne facilite pas, bien entendu, le travail de l'économiste. Mais, comme nous l'avons souligné un peu plus haut, faire carrière était possible à qui voulait s'en donner la peine et les moyens. La condition essentielle étant cependant d'avoir poursuivi des études de scribe au terme desquelles la réussite pouvait couronner des années de persévérance et de qualités personnelles.
Le vizir
Le premier grand fonctionnaire de l’Etat, le deuxième grand personnage après Pharaon est le tjaty (tchaty), que l’on nomme improprement par le terme de vizir. La première information que l’on ait recueillie de sa présence remonte à l’époque de Narmer. On peut le voir se présenter, sur la célèbre palette, devant le roi, identifié par le signe hiéroglyphique de sa fonction. Durant l’Ancien Empire, le titre, comme pour beaucoup de fonctions importantes tenues au sein de la société égyptienne, est transmis de père en fils et la fonction est octroyée à un membre de la famille royale. Au Nouvel Empire, l’évolution montre que le titre passe entre les mains de personnages non royaux. Théoriquement, celui qui avait fait d’excellentes études de scribe et qui s’était distingué dans sa fonction pouvait prétendre à la charge de vizir. L’histoire a même retenu l’exemple d’un tjaty d’origine étrangère, Aper-El, grand prêtre d’Aton sous Akhenaton dont le tombeau découvert récemment à Saqqarah a mis au jour ses origines peut-être asiatiques (voir Egyptologie).
A certaines époques, il y eut deux vizirs, un pour le Sud et un pour le Nord. La présence de vizirs plus nombreux a pu être aussi attestée et l’on pense que ces charges étaient purement honorifiques.
L’importance de la fonction de vizir était soulignée par le costume revêtu par ce haut fonctionnaire : pagne court, perruques diverses, jupe très rigide. Autour du cou, un large collier pouvait recouvrir la poitrine et, à la taille, sur le pagne, il pouvait ajouter une peau de panthère munie encore de ses griffes. Un bâton ou un sceptre complétait cet ensemble porté avec beaucoup de dignité par son propriétaire.
De façon générale, le vizir servait d’intermédiaire entre Pharaon et les autres organes du gouvernement. Bras droit du souverain, il coordonnait entre elles toutes les institutions. Son rôle était très vaste mais une des ses fonctions essentielles était celle de Juge : il était contrôleur des archives et il arbitrait les litiges entre les individus et entre les institutions. Mais il était bien plus que cela.
Etudions le cas du premier grand vizir connu, le génial Imhotep, grand vizir du Pharaon Djeser.
Il est qualifié de Premier au-dessous du roi d’Egypte, il est Grand Prêtre d’Héliopolis et Régent de la Grande Demeure. Pourtant, ces qualités religieuses et civiles ne suffisent pas. Il est aussi Grand Architecte du roi. C’est lui qui innovera dans le domaine de l’architecture funéraire en substituant à la brique crue la pierre, matériau d’éternité. Il était, en outre, Grand Médecin et sa réputation de sagesse traversa les siècles puisque les Grecs le divinisèrent et l’identifièrent à Esculape.
Voyons maintenant, le cas de Ptahhotep, vizir du roi Isesi, dynastie V, Ancien Empire. Il n’hésite pas à se nommer lui-même Noble Prince, Ami Unique d’amitié, Juge Suprême, Surintendant de tous les ordres royaux, Porteur du rouleau, Scribe du livre divin, autant de titres impressionnants que l’on peut lire gravés sur la fausse porte de son tombeau. Mais c’est sans compter les Chancelier du roi de Basse Egypte, Préposé à Bouto, Surintendant du Double Grenier, Surintendant de la Maison de l’Or. On peut penser que, de part ses lourdes charges, Ptahhotep avait acquis une profonde sagesse démontrée effectivement par son livre, les Enseignements de Ptahhotep dont les célèbres maximes ont bercé bon nombre d’apprentis scribes. Voir Extraits de Textes.
Passons un moment avec Mererouka, vizir du roi Teti, dynastie VI, Ancien Empire. Son tombeau aux dimensions impressionnantes (Arts et monuments) regorge de titres ronflants : Pupille du Roi, Celui qui est dans le cœur du roi dans son Double Rivage, Surintendant de tout ornement royal, Surintendant du harem du dieu, Directeur de tout vêtement, Grand Prêtre d’Héliopolis, Vénérable des Cinq dans la maison de Thot.
Bref, les charges du vizir sont diverses, parfois purement honorifiques, souvent de première importance : il traite des affaires militaires, des grands chantiers royaux, des transports, de la Justice et bien d’autres encore. C’est le grand intendant du royaume : il dirige les travaux exigés par l’irrigation, il surveille la crue du Nil, il ordonne l’ouverture ou la fermeture des entrepôts, il contrôle les redevances, mobilise l’Armée, s’occupe des déplacements royaux à travers le pays, surveille les salaires des employés de l’Etat qui sont payés par lui, organise l’administration des temples.
Aux époques troublées de l’Histoire égyptienne tous ces hauts titres ont excité la convoitise de quelques nomarques qui ont pu s’en emparer. Mais en réalité, ils n’en exerçaient pas les fonctions, simples dignités dirons-nous, mais qui prouve les dangers d’un affaiblissement central.
Autres ministères
Il est bien difficile de donner ici une liste exhaustive des autres ministères de l’Etat. Pouvons-nous citer simplement les plus essentiels :
Le Surintendant du Trésor ou ministre des Finances, titre ayant fluctué au cours des temps. Tout comme le vizirat, il était divisé en deux sections : le Trésor du Sud et le Trésor du Nord. Il contrôlait tous les produits directement livrés (céréales, miel, huile, vins, caroube), les produits manufacturés (sandales, papyrus, bois, métaux), les tributs étrangers (peaux, arcs, boucliers). Les salaires et autres paiements étaient issus de ce ministère.
Les biens de la Couronne étaient gérés par un Grand Intendant chargés de la gestion des biens fonciers royaux.
La gestion du sol n’était pas une mince affaire. Des commissions d’arpentage dirigées par un scribe du cadastre, évaluaient les dimensions des champs et les récoltes. L’exploitation du domaine royal permettait de pourvoir la table du roi. L’officier de la bouche du roi, le Grand Echanson étaient placés en contact direct avec la personne royale.
Nous pouvons aussi ajouter d’autres titres qui demeurent encore pour nous des énigmes. Des fonctions apparaissent pour disparaître et ne plus revenir, d’autres évoluent : Grand chef des troupes, grand scribe royal, etc
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Les scribes 
L’étude des scribes fait l’objet d’un lien spécifique, Scribes, Maîtres es Ecritures. Voici quelques grands traits de cette très honorable fonction.
Dans une société ou la bureaucratie tentaculaire gère les moindres aspects de la vie économique et politique de l’Egypte, le scribe était un personnage clé du système. Considéré comme le pilier de la société, le scribe pouvait être fier de sa charge : dans un pays où la majeure partie de la population était illettrée, l’écriture conférait au scribe une aura prestigieuse. Savoir lire et écrire ouvrait les portes de la connaissance et, en quelque sorte, d’une certaine forme de célébrité. La matière avec laquelle il travaillait, les medou netjer, les paroles du dieu, par la vertu magique qui leur était accordée avait de quoi rehausser encore un peu plus leur supériorité. Symbole donc, mais aussi rouage essentiel de vie administrative. Dans une société où le moindre fait était noté scrupuleusement dans ses moindres détails, le scribe était un personnage incontournable dont les listes et les registres étaient les outils du pouvoir économique et politique. Un sentiment de fierté, souvent poussé à l’extrême, caractérisait cette fonction dont les titulaires pouvaient recevoir les faveurs royales. Les scribes étaient partout : ils étaient la bête noire des paysans dont ils venaient mesurer les champs, recenser les récoltes et consigner le moindre boisseau de grain. Ils étaient dessinés sur les bas-reliefs des tombeaux, sculptés dans la pierre dans la noble attitude qui était la leur, la pose hiératique du scribe accroupi, dans les écrits, bien sûr, où les enseignements se font légion vantant ardemment les avantages du métier de scribe supérieur à tout autre métier.

Les prêtres 
Pharaon, nous l’avons vu, était la clé de voûte de la vie rituelle égyptienne (voir Pharaon). Dans l’absolu, c’était lui le premier Grand Prêtre qui officiait dans tous les rites sacrés à travers les temples. Il était le seul vrai ministre des dieux et il était garant de la propriété divine, la terre. Cependant, au quotidien, c’étaient des prêtres délégués par lui, en quelque sorte ses suppléants, qui accomplissaient à sa place les rites journaliers même si Pharaon, dans l’iconographie religieuse était toujours représenté seul officiant sur les bas-reliefs. Le souverain cédait aux temples des terres cultivables qui leur procuraient les moyens de subsister.
Ces personnes spécialisées étaient appelées prêtres même si ce terme inconnu des Egyptiens n’encadre pas les mêmes principes que nous mettons aujourd’hui sur cette fonction. Pour les Egyptiens, le prêtre était ouab, c’est-à-dire, pur.
Les temples étaient de véritables villes, plus ou moins importantes, qui comprenaient fonctionnaires, cultivateurs, artisans et bien sûr les religieux qui s’occupaient du service divin. Et la vie s’organisait à l’intérieur de ces temples qui pourvoyaient généralement à tous leurs besoins (vivres, vêtements, etc.).
Les ministres du culte comprenaient :
Les grands prêtres ou prophètes directement nommés par Pharaon (Karnak) étaient d’habiles administrateurs et veillaient à l’organisation et à la rentabilité du temple dont ils avaient la charge. Dans les grands temples, comme celui d’Amon à Karnak, on a pu dénombrer quatre grands prophètes, exemple qui souligne bien l’importance de ce clergé.
Le personnage le plus important après le prophète a pu être le porteur de rouleau, papyrus sacré sur lequel était inscrit le cérémonial.
Toute une série de servants du culte, spécialistes ou simples officiants œuvraient aussi pour le temple. Investis de tâches précises en rapport avec le culte, ils n’appartenaient pas au corps sacerdotal proprement dit. Le point commun avec les prêtres ouab était qu’eux aussi devaient être purs car en contact plus ou moins direct avec la divinité. Ils n’étaient pas membres permanents du clergé et étaient divisés en équipes qui se succédaient par roulement. De service durant un mois, ils attendaient que leur tour revienne. Ces servants du culte pouvaient être les solistes qui prenaient soin de la toilette de la statue du dieu et l’habillaient, les pastophores qui portaient les images du dieu lors des processions, et il y avait ceux qui s’occupaient des animaux pour les sacrifices.
D’autres étaient spécialisés dans les observations astronomiques et astrologiques, établissaient les calendriers des jours fastes et néfastes, l’horologue annonçait l’heure prescrite par le rituel et enfin, indissociables du culte, il y avait les musiciens, hommes ou femmes, le maître du chœur, les chanteurs.
La prise de service dans les temples était assujettie à des règles rigoureuses : les prêtres ouab étaient circoncis, ils se lavaient deux fois par jour dans une eau pure et froide où avait bu un ibis, leur tête devait être rasée (la chevelure étant signe de deuil), leurs vêtements étaient tissés du lin le plus fin, la laine étant proscrite, de nombreux jours de jeûne leur étaient imposés, l’huile leur était défendue et ils ne devaient pas saler leur nourriture, le sel étant considéré comme une abomination, la bave de Seth. Le célibat n’était pas une obligation mais ils étaient contraints à la monogamie.
Au cœur des temples qu’ils quittaient très rarement, ces prêtres, seuls dépositaires de la science sacrée de l’écrit, composaient les livres sacrés, les hymnes religieux, élaboraient de complexes cosmogonies, s’adonnaient à la philosophie, aux mathématiques, à l’architecture, au droit, à la médecine, à l’astrologie et à l’astronomie. Fins théologiens, ils remaniaient sans cesse les textes, les adaptaient, créaient des légendes mythologiques raffinées et subtiles. Excellents architectes, ils ne furent certes pas les maîtres d’œuvre des monuments disséminés tout au long de l’Egypte, mais ils avaient participé à leur orientation parfaite (exemple des pyramides et du temple de Dendera, voir Arts et monuments) et avaient fait en sorte que leurs constructions obéissent à tous les impératifs théologiques qu’ils étaient les seuls à connaître parfaitement. Enfin, il est important de souligner une dernière catégorie de prêtrise, celle qui avait un rapport avec le rituel funéraire. Le plus important de ces personnages était le prêtre sem qui avait pour tâche, lors de la cérémonie de l’ouverture de la bouche, de rendre à la momie l’usage de ses sens afin qu’elle puisse gagner sans encombre l’au-delà.
Le choix des prêtres, excepté le cas du premier Prophète qui était désigné par Pharaon, pouvait se faire par les prêtres eux-mêmes ou s’effectuait simplement par voie héréditaire.
L’armée
Il est évident que l’Armée joua un rôle important dans la société égyptienne. La structure même de l’Armée ne fut véritablement opérée, et par conséquent bien connue par les historiens, qu’à partir du Nouvel Empire. Cependant, soldats et autres fantassins avaient oeuvré bien avant pour la gloire de l’Egypte.
Au Pré dynastique, les campagnes d’unification de Narmer avaient mobilisé bon nombre de soldats. Pharaon soucieux de l’intégrité du Double-Pays et désireux d’élargir ses frontières avait lancé de nombreuses campagnes guerrières. Mais l’Armée n’était pas encore une armée de métier. Au fil des nécessités, le vizir, les nomarques et les temples, sous les ordres de Pharaon, procédaient à des levées de troupes temporaires.
Au Nouvel Empire, une fois l’Armée organisée et structurée pour en faire une armée de métier, Pharaon, Chef des armées, était secondé par son vizir chargé du recrutement et par ses généraux. Pour se faire une idée de l’armée égyptienne de cette époque il faut se référer aux troupes modèles du grand Ramsès II :
Les fantassins constituaient des compagnies de 200 hommes, composées de 20 pelotons et regroupées en divisions d’environ 5000 hommes sous la bannière des dieux Ptah, Amon, Rê, Seth. Les compagnies étaient commandées par des porte-enseignes tandis que les divisions l’étaient par des généraux. Les vaillants soldats étaient armés de javelots, d’arcs et de flèches, de poignards et l’armure se réduisait à un calot rembourré. Le char, emprunté à l’envahisseur Hyksos, était apprécié pour sa vitesse. A son bord deux soldats, l’aurige qui commandait les deux chevaux et son passager armé de son arc et de ses flèches. Considérée comme l’élite de l’armée, réservée aux plus nantis des dignitaires, la charrerie fut bien utile pour protéger les fantassins ou enfoncer les lignes ennemies.
A une armée de fantassins enrichie par une armée de marine, il fallait une organisation des plus organisées. Le scribe commis aux effectifs et le scribe commis au ravitaillement constituaient les généraux d’administration.
Pour soutenir l’effort de guerre, Pharaon avait aussi recours aux mercenaires. Les Nubiens, puis les Libyens formaient des troupes auxiliaires dont l’emploi un peu trop généralisé fut peut-être à l’origine de la décadence militaire. Lorsqu’ils n’étaient pas en activité, les soldats résidaient dans des casernes, certains obtenaient des lopins de terres, d’autres enfin encadraient les expéditions aux mines et aux carrières.
Voici un bref aperçu des armes dont se servaient les soldats égyptiens :
Arcs et flèches
On pouvait distinguer l’arc égyptien à une courbe et l’arc nubien à double courbe. Les flèches étaient dotées de pointes lithiques de différentes formes, pointes encastrées et collées avec des résines à la tige de bois.
La massue
Elle était soit à tête discoïde soit à tête piriforme, cette dernière devenant l’un des symboles du pharaon après l’unification du pays.
Le bâton de jet
Improprement appelés boomerang, ces armes furent utilisées dès la préhistoire par les Nubiens. Elles sont présentes dans la plupart des tombes de Nubie et, si on les fabriquait localement, un grand nombre venait du Soudan ou du pays de Pount.
Le poignard
Apparu dès la fin du pré dynastique, il avait une lame en pierre remplacée plus tard par une lame en bronze. Très souvent superbement travaillé, le manche du poignard pouvait être en ivoire finement sculpté de bas-reliefs.
La dague
Issue du poignard, elle avait un pommeau hémisphérique et une large lame effilée qui se terminait en pointe.
La hache
D’abord en pierre puis en bronze, elle était l’arme la plus prisée des Egyptiens.
Le char attelé
Char de combat à deux roues tiré par deux chevaux, il fut importé d’Asie vers la fin de la période Hyksos.
La classe humble des artisans et des paysans.
Nous voici au pied de la pyramide sociale, la base s’est considérablement élargie pour faire place aux artisans, paysans, masses humbles de la population qui ne laissent pas de traces tangibles de leur passage sur terre. On ne parle guère d’eux dans les livres, leurs tombes sont anonymes et comme le dit si justement Posener : au pays des hiéroglyphes, le silence épigraphique des masses rurales est regrettable.
Pourtant ce sont eux qui fournissent le plus gros effort de participation à la vie collective :
Les artisans et les artistes
Dans l’Egypte antique, l’art et l’artisanat ont toujours été indissociables, l’artiste et l’artisan se confondent l’un l’autre. Le terme hemout désigne aussi bien l’une ou l’autre de ces activités, il est issu du verbe hemou qui signifie travailler la pierre.
Et de nouveau Pharaon intervient en vertu du principe même de l’économie égyptienne qui fait du souverain le contrôleur et le distributeur de la richesse, en l’occurrence ici, de la matière première nécessaire aux métiers de l’artisanat. Les ouvrages sont commandés par le roi, les temples ou les nobles. Et qu’il s’agisse d’une statue, d’un monument, d’une tombe, l’œuvre exécutée par les artisans/artistes est toujours collective. Les ateliers sont au service du roi qui passe commande de ses désirs jusqu’à la Première Période Intermédiaire engendrée par la révolte sociale de la fin de l’Ancien Empire. Cette époque de bouleversements sociaux autorisera les artisans à se mettre à leur propre compte et à ouvrir des ateliers privés.
L’artisan/artiste était donc un personnage essentiel de la société égyptienne. Les artisans étaient réunis en confréries très hiérarchisées et dépendantes de hauts fonctionnaires. Certaines rues semblent leur avoir été attribuées et l’on retrouve, au travers des scènes peintes, les scribes tatillons qui enregistrent chaque étape du travail accompli comme ils l’ont fait précédemment dans les campagnes. Le quotidien de ces hommes, leur technique de travail, l’amour de leur métier nous sont connus surtout par les fresques sur les tombes, par certains écrits (la Satire des métiers) et par le village redécouvert de Deir-el-Medineh Voir Arts et monuments.
Cette page étant consacrée au statut du citoyen égyptien, vous trouverez dans Autres Temps, autres mœurs, un petit portrait des métiers de l’artisanat en Egypte antique.
Les paysans
Nous avons descendu tous les degrés de la pyramide sociale. Nous voici au pied des marches du majestueux monument. Nous touchons terre, nous prenons contact avec ceux qui, par leur dur labeur, font vivre et survivre le reste de l’édifice : les paysans. Ce sont eux les principaux acteurs de la richesse du pays. L’Egypte est essentiellement vouée à l’agriculture et ce depuis les hauts temps du Néolithique où cette forme de subsistance s’épanouit sur les bords du Nil.
De nouveau, nous retrouvons les principes de base de l’économie égyptienne. Le dieu créateur a confié à Pharaon la terre d’Egypte. Le souverain gère le bien divin, délègue certains pouvoirs à des fonctionnaires et demande aux paysans de faire fructifier les richesses latentes du Double-Pays. A ce titre, les paysans ont eux aussi un droit historique sur ces terres que Pharaon ne peut vendre puisqu’elles demeurent toujours la propriété divine. Pharaon se contente d’être le chef d’orchestre de toutes les énergies. En l’occurrence, dans les campagnes, il intervient dans les grands travaux hydrauliques, planifie le gigantesque réseau de canaux qui permet de maîtriser les crues, organise les réserves qui permettront, en cas de mauvais Nil, de lutter contre les disettes et les famines, sources de hantise pour tous les Egyptiens. Le contrôle de l’eau est un souci permanent pour l’Etat pharaonique. Une bonne gestion de l’eau entraîne une exploitation optimale des sols et une prospérité économique certaine. L’astreinte des paysans est donc très lourde, leur sort est peu enviable, pourtant sans eux rien ne serait possible. L’agriculture est la base de la richesse et toute source de richesse fait l’objet d’un contrôle soutenu. Un de ces contrôles s’exerce par le biais de mesures qui ont toujours cours de nos jours, mesures très impopulaires : les impôts.
Tout comme pour les artisans, une page est consacrée à la vie quotidienne des paysans dans Autres temps, autres mœurs.


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