Ramses II
Nom I
Taureau puissant aimé de Maât
Nom II
Qui protège l’Egypte et subjugue les pays étrangers
Nom III
Riche en années, grand en victoire
Nom IV
Riche en Vérité, élu de Rê
Nom V
Rê lui a donné naissance, l’aimé d’Amon
Six juillet 1881. Tout semble calme sur la rive occidentale du Nil. La chaleur accablante resserre son étau implacable, hommes et bêtes économisent le moindre de leurs efforts à l’ombre des maisons de pisé. Malgré tout, l’atmosphère semble électrique et, à l’intérieur de l'une de ces petites maisons, il est des consciences qui ne sentent pas tout à fait en paix. Depuis quelques jours, la tranquillité de ces âmes coupables a en effet été perturbée par l’arrivée d’un homme de poigne et de raison, Auguste Mariette dit Auguste Mariette Pacha. Efficace et direct, cet homme a créé un service spécialisé dans la protection du patrimoine pharaonique et a lancé aux trousses des pilleurs de nécropoles d’énergiques inspecteurs dépendant du Service des Antiquités. Et le résultat ne se fait pas attendre longtemps. En cette journée mémorable, les inspecteurs fins limiers, Brugsch et Ahmed Bey Kamal, débusquent le repaire d’une bande de pillards célèbres, voleurs de père en fils et, du même coup, ils découvrent la fameuse Cachette de Deir el –Bahari
Revenons quelques siècles en arrière : vers l’an 1000 av. J.C., les prêtres d’Amon, lassés du pillage incessant des tombes de la Vallée des Rois où tentaient, en vain, de reposer en paix des générations de Pharaons, ces prêtres donc, inhumèrent un nouvelle fois les dépouilles royales dont celle de notre Ramsès II au plus profond de la montagne thébaine, là, où, pensaient-ils, personne n’aurait l’idée de venir troubler leur repos éternel. La quiétude de ces rois n’allaient souffrir aucun dommage plusieurs centaines d’années durant, jusqu’à ce jour fatal où des paysans en mal de sensations fortes et de trésors trouvèrent la Cachette dans le plus grand secret. Commença alors un allègre pillage de tout ce qui pouvait être facilement monnayable sur le marché trouble des antiquaires, vandalisme, heureusement rapidement contrecarré par les autorités égyptiennes.
L’extraction de tous les trésors et des momies entassés dans la Cachette s’effectua manu militari et au pas de course. Le 11 juillet 1881, le précieux chargement avait déjà rejoint le Caire. En Egypte, les nouvelles vont vite et se diffusent rapidement le long des berges du fleuve. Et c’est un curieux spectacle qui attendait la procession redescendant le Nil vers la Basse-Egypte : comme un ultime hommage à leur lointain ancêtre et pour se faire pardonner en quelque sorte des dommages pitoyables que certains de leurs compatriotes avaient faits subir à la royale momie de Ramsès II, les Egyptiens, massés le long du trajet du cortège funèbre manifestèrent, comme aux temps jadis, leur tristesse en pleurant bruyamment et en se couvrant de poussière. Mais le grand Ramsès II n’avait pas fini d’être étonné et, avant de connaître de nouveau un repos éternel, cette fois-ci bien à l’abri des convoitises, au Musée du Caire, il allait devoir faire preuve de patience et de bonne volonté.
Episode I
Transportées au musée de Boulaq, au Caire, les momies royales furent accueillies dans des salles conçues à leur intention et, dès 1882, on protégea certaines d’entre elles derrière le verre de vitrines. Mais leur plus grand ennemi avait commencé sa patiente œuvre de destruction : la perfide humidité s’insinua peu à peu au cœur des momies, danger dont elles avaient été protégées au sein de la montagne thébaine en raison d’un climat extrêmement sec.
Episode II
Presque dix années après son arrivée au Caire, Ramsès II fut dérangé par la soudaine lubie de Mohammed Pacha Tewfik, alors Khédive d’Egypte, qui désira qu’on lui prouve l’identité de la momie du Grand Pharaon. Qu’à cela ne tienne, Maspero qui avait succédé à Mariette entreprit sous le regard médusé des autorités égyptiennes le débandelettage du défunt. Et apparut le nom de Ramsès II, écrit par Hérihor, le dernier des grands prêtres à avoir touché la momie. La preuve était indiscutable mais l’on put aussi constater combien la dignité de Pharaon avait souffert des pillages antiques : le lin le plus grossier avait remplacé le fin tissu des origines et l’on suppose que la seconde inhumation avait du se faire dans des conditions bien précipitées.
Mais l’heure du repos n’avait pas encore sonné. Les momies royales furent transportées dans un nouveau musée, l’actuel Musée du Caire où elles jouirent d’un répit de courte durée puisqu’elles furent entreposées, ensuite, dans la maison de fonction du Directeur des Antiquités Egyptiennes. Cette idée saugrenue ne fut pas du goût du chanoine Drioton, directeur de ce Service. On imagina, curieuse pensée, les installer dans la tombe de Saad Zaglhoul mais elles réintégrèrent finalement le musée du Caire.
Episode III
Malheureusement, le sort s’acharna sur les défunts. Mises au contact d’un nombreux public venu les "visiter", elles souffrirent de l’humidité ambiante dégagée par ces curieux mais aussi de l’humidité remontant du Nil. Ramsès II, le pauvre, commença à dégager une odeur quelque peu dérangeante : Pharaon était malade, on s’attroupa à son chevet, le verdict fut sévère et l’urgence était réclamée.
C’est alors qu’entre en scène une femme extraordinaire qui mit tout son cœur à vouloir sauver Ramsès : Christiane Desroches-Noblecourt, qui s’engagera aussi pour la cause des beaux temples nubiens, persuada les deux chefs d’Etat, V. G d’Estaing et Anouar el-Sadate qu’il fallait absolument transporter Pharaon en France, au Musée de l’Homme, afin qu’il reçoive de la part de scientifiques compétents tous les soins dont il avait grandement besoin.
Ramsès II quitta sa terre natale dans des conditions qu’il n’aurait jamais pu imaginer. Jamais il ne fut plus près des étoiles qu’en ce jour du 26 septembre 1976, où, sous bonne escorte militaire il prit son envol dans les cieux dominant pour une courte minute les tombes pyramidales de ses glorieux ancêtres !
L’arrivée à Paris se fit en grande pompe, on déploya la Garde Républicaine sur la base aérienne du Bourget, militaires et civils de haut rang attendaient respectueusement un grand Chef d’Etat !
Episode IV
Ramsès séjourna sept mois au musée de l’Homme. La cour de ses soignants ne comptait pas moins de cent dix scientifiques dont le doyen Balont. Un scientifique égyptien faisait partie de ce corps médical un peu spécial, le docteur Menialaoui. Dans une chambre stérile, on procéda à des radiographies et des endoscopies, on en profita pour remettre en ordre bandelettes et chevelure. Mais il fallait cependant traiter le mal dont souffrait notre pauvre Ramsès. Un autre chercheur égyptien, le docteur Mouchaka étudia le tissu de lin grossier dont avait été revêtu la momie car le gouvernement égyptien avait bien spécifié dans ses conditions de remise du défunt à la France qu’aucune agression ne serait faite sur la momie et que toute recherche devait être effectuée à partir d’éléments extérieurs. Cet éminent spécialiste découvrit les causes du mal qui rongeait notre Roi, non pas un microbe comme on l’avait supposé mais une espèce de champignon néfaste parmi une soixantaine d’espèces témoignant d’une activité fongique récente et intense, le Daedalea Biennis. Restait à trouver le traitement adéquat, on élimina les gaz et produits liquides trop dévastateurs et l’on opta pour l’irradiation aux rayons gamma B. Ramsès était sauvé, il allait pouvoir continuer à "vivre".
Nous sommes rassurés à son sujet mais toute cette folle aventure nous a appris quand même une multitude de petits détails très intéressants :
Ramsès devait bien mesurer dans les 1,75 m, sa peau était blanche, et son profil mettait en avant un nez fortement busqué, jusque là rien que de très banal. La stupeur vint de la révélation que notre grand Roi était porteur d’une chevelure dont la couleur était pour le moins inhabituelle : Ramsès, c’est prouvé (expériences faites par les laboratoires l’Oréal) était roux et l’on verra, dans la suite de ce dossier, comment notre habile stratège manœuvra pour que cette "difformité" devienne un avantage miraculeux ! De plus, des grains de sable éparpillés dans sa rougeoyante chevelure, finement analysés, laissent à penser que la momification eut lieu dans le Delta.
A l’intérieur du thorax momifié on trouva des traces de bitume, des feuilles de tabac hachées et une multitude de pollens de fleurs de camomille mélangées à des feuilles de sauge, de tilleul et de platane. On retrouva même quelques petits morceaux de linge d’embaumement délicatement tissés de fils d’or et de fils bleus.
De son vivant, Ramsès II dut souffrir horriblement de graves lésions dentaires, d’un artériosclérose avancée et on peut l’imaginer sans peine courbé par le poids d’une spondylarthite ankylosante, au moins dans les dernières années de son règne. Ramsès s’éteignit probablement dans sa quatre-vingt-quinzième année. Un beau parcours de vie qui allait se perpétuer bien longtemps après comme nous venons de le constater.
Le retour de Pharaon se fit dans les mêmes conditions que son départ, un avion militaire l’emporta vers la terre de ses ancêtres.
Dernier hommage symbolique et d’une attention touchante : un grand drap brodé aux deux plantes héraldiques de Haute et de Basse-Egypte recouvrait le cercueil lors de ce dernier voyage, commandé par les soins de son infirmière dévouée, Madame Noblecourt. Les aventures de Ramsès II, Ouser-Maât-Rê Setepen-Rê sont enfin terminées, il repose en paix au Musée du Caire dans son sarcophage d’origine, Pharaon peut partir en quête d’éternité en toute quiétude puisque son corps est redevenu parfaite momie.
Vous imaginez bien qu’un homme ayant eu un destin post-mortem aussi original et extraordinaire avait de fortes chances d’être placé sous les auspices d’une étoile peu commune. C’est que je vous propose de découvrir dans ces nouvelles pages à venir…

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