PLAN PHARAON FILS DE RE
C’est celui qui multiplie les biens, qui sait donner.
Il est le dieu, roi des dieux.
Il connaît qui le connaît.
Il récompense qui le sert.
Il protège ses partisans.
C’est Rê dont le corps visible est le disque
et qui vit pour l’éternité.
Origine du nom Pharaon
Les origines divines et le protocole royal
Caractères divin et humain de la royauté
Portrait d'un grand Pharaon
Pharaon, les risques du métier
Liturgies royales : mystère de la naissance divine - couronnement - jubilé trentenaire
Quelques exemples de titulatures royales
Album Pharaon Fils de Rê
La société égyptienne pourrait être comparée à l’une des toutes premières formes de la grande architecture qui prit naissance sur la Terre d’Egypte : la pyramide. En effet, la société égyptienne s’est structurée selon le schéma classique d’une société pyramidale dont le sommet, le pyramidion, se trouve être Pharaon. Nous étudierons dans un autre chapitre les éléments qui descendent vers la base. Voir Organisation de la société et du Pouvoir.
Cependant la personnalité de Pharaon, ses origines divines, ses fonctions au sein du pays, son rôle qui dépasse celui d’un simple chef d’Etat méritaient bien une page exclusivement réservée à sa royale personne. Dans les Instructions Loyalistes, textes politiques du Moyen Empire voici ce que l’on dit de Pharaon :
" Il est Sias, la Connaissance qui est dans les cœurs ; ses yeux scrutent tous les êtres. Il est un Rê : la vie est en son pouvoir, il voit grâce à ses rayons, il éclaire les Deux-Terres plus que le disque solaire, crée la prospérité plus qu’un Nil en crue, remplissant les Deux-Terres de force et de vie ".
Tout un programme que je vous propose de découvrir en ma compagnie… et celle de Pharaon !
ORIGINE DU MOT PHARAON
Le mot Pharaon vient de le version grecque de la Bible où il apparaît dans la Vulgate sous la forme Pharao. Cependant, les Egyptiens antiques avaient bien d’autres façons de nommer leur souverain.
Le titre de Pharaon dérive de l’expression égyptienne per aâ qui signifie Grande Maison. Cette expression attestée depuis l’Ancien Empire désignait en fait le Palais royal dans sa globalité avec ceux qui l’habitaient, qui le dirigeaient et qui y travaillaient. C’est seulement au Nouvel Empire, sous Thoutmosis III, que l’expression sera utilisée de façon plus restrictive pour désigner le souverain et non plus le Palais royal.
La désignation la plus commune était celle de n(y)-sw.t que l’on traduit par Roi lorsqu’elle n’apparaît pas dans l’expression n(y) sw.t bjty qui veut dire Roi de Haute et de Basse-Egypte. Voir Protocole plus bas.
Plus couramment les Egyptiens appelaient leur roi jty que l’on peut traduire par souverain et qui dérive du mot jt, père. Pharaon était ainsi compris comme un parrain veillant sur ses enfants, son peuple.
Il existait un dernier terme hm traduisible par Majesté que l’on rencontrait dans les expressions telles Ma Majesté, Ta Majesté, etc.
Enfin un dernier terme celui de neb, Maître ou Seigneur que l’on retrouve dans l’expression neb Taouy, Seigneur du Double-Pays.
Il était de coutume de faire suivre ses désignations par des formules d’eulogie susceptibles d’apporter bien-être et chance au souverain. Ainsi le nom du souverain était presque toujours suivi des termes ankh, oudja, seneb, c’est à-dire vie, force, santé (en abrégé v.s.f).
On pouvait aussi rencontrer des expressions telles :
Qu’il soit vivant à jamais ou doué de vie ou doué de vie comme Rê ou juste de voix (pour les noms des défunts, rois ou particuliers) ou comme sur la Chapelle Blanche de Sesostris I à Karnak : doué de vie, de toute stabilité, de tout pouvoir et de toute santé ; qu’il soit vivant à jamais

LES ORIGINES DIVINES ET LE PROTOCOLE ROYAL
Pour bien appréhender le caractère divin de Pharaon, il nous faut faire un petit retour aux sources mêmes de l’Histoire égyptienne. Au début des temps, Rê-Atoum, issu du Noun, règne sur la terre. Cependant, fatigué de la méchanceté des hommes et las de leurs révoltes incessantes, il décide de monter au ciel léguant ainsi sa royale charge à l’un de ses descendants Geb. Geb, à son tour, offre la royauté en héritage à Osiris, son fils, qui l’abandonne après bien des malheurs à son fils Horus. Voir Mythes et Légendes
La royauté échoit finalement à des humains, les Pharaons, désignés par le démiurge lui-même et parfois même engendrés par lui selon le principe de la théogamie. Descendant d’Horus, le dernier dieu à avoir régné sur terre, engendré ou élu par le démiurge, le Pharaon idéal se définit donc par sa capacité à poursuivre, en tant que digne successeur des dieux, l’œuvre du Créateur, lequel se permet de surveiller et de contrôler les faits et gestes du souverain. Pharaon était donc bien désigné comme étant l’intercesseur entre les dieux et les hommes.
Il n’en fallait pas plus pour établir, progressivement, le protocole royal.
Cette titulature commence à être définie dès l’époque archaïque pour être peaufinée à l’Ancien Empire et atteindre sa maturité au Moyen Empire.
La titulature est l’ensemble des cinq noms qui composent l’identité du souverain. Ces noms serviront à le qualifier et à le différencier de ses prédécesseurs ou successeurs.
Nom I
Le Nom d’Horus
Il présente le roi comme l’incarnation du dieu faucon Horus. Horus est le dieu modèle de tout roi égyptien. Le nom d’Horus est placé phonétiquement dans un serekh, représentation de la façade du palais royal, surmonté de l’image du faucon protecteur.
Nom II
Le Nom des Deux Maîtresses
Le nom des Deux Maîtresses, nebty, place Pharaon sous la protection des deux divinités tutélaires censées avoir présidé aux royaumes de Haute Egypte, la déesse-vautour Nekhbet d’el-Kab et de Basse-Egypte, la déesse-cobra Ouadjet de Dep (Bouto). Cette composante ne deviendra obligée qu’à partir de la Dynastie XII (Moyen Empire).
Nom III
Le Nom d’Horus d’Or
Ce troisième nom est introduit par une image du faucon Horus assis sur le signe de l’or, nebou. Cette identification du faucon avec le symbole de l’or, image du soleil, traduit le caractère inaltérable du corps d’Horus et, par voie de conséquence, du corps de Pharaon. On disait que la chair des dieux était faite avec de l’or (les os sont en argent, les cheveux en lapis-lazuli) et que le faucon était le seul oiseau à pouvoir voler dans le soleil.
Nom IV
Le Nom de Roi de Haute et de Basse-Egypte
En égyptien n (y) sw.t bjty soit Roi de Haute et de Basse-Egypte ou Celui qui appartient au Roseau (jonc) et à l’Abeille. Le roseau symbolise la Haute Egypte du Sud et l’abeille symbolise la Basse-Egypte du Nord. Pharaon affirme ainsi sa souveraineté sur le Double-Pays tout entier.
Ce quatrième nom est le nom de règne qu’adopte Pharaon le jour de son couronnement. Il sera inscrit dans un cartouche dont l’emploi est généralisé par Snéfrou (Ancien Empire, Dynastie IV).
Diverses expressions peuvent accompagner ce titre : Seigneur du Double-Pays, dieu parfait ou seigneur de l’accomplissement des rites.
Nom V
Le Nom de Fils de Rê
Ce cinquième nom est également inscrit dans un cartouche et il souligne la filiation de Pharaon au dieu Rê, son père, qui a institué la monarchie terrestre. Ce titre n’apparaîtra qu’à l’époque de Didoufri (Ancien Empire, dynastie IV), successeur de Kheops et qui incorporera ce titre pour compenser l’absence du nom Rê dans son nom. Le nom de Rê apparaîtra alors dans son cartouche et son exemple sera suivi par les souverains de l’Ancien Empire et leurs successeurs. Khéops avait, quant à lui, innové cette pratique d’inclure le nom d’un dieu dans le cartouche puisqu’il avait introduit le nom du dieu Khnoum dans son patronyme (khenemou-khouef). Le Nom de Fils de Rê est le nom de naissance du roi, celui qu’il avait porté avant son accession au trône.
L’ensemble de ce protocole était mis en place lors de la cérémonie du couronnement (voir plus bas) et pouvait être compris comme une sorte de programme de règne idéal que Pharaon se devait de respecter.
CARACTERES DIVIN ET HUMAIN DE LA ROYAUTE
Il apparaît donc clairement que les origines divines de Pharaon en font un être exceptionnel. Descendant d’Horus, protégé par les deux déesses tutélaires, Nekhbet et Ouadjet, ses prétentions se font plus impérieuses : il se proclame Fils de Rê, fils du Créateur suprême qui fonde ainsi en droit ses aspirations à gouverner le monde entier. Il est l’incarnation terrestre du pouvoir divin. D’ailleurs ses attributs rappellent à qui aurait pu l’oublier qu’il est un dieu parmi les humains. Son visage est orné de la barbe postiche des dieux et ses mains serrent les insignes du pouvoir : le sceptre et le fouet tandis qu’à son front se dresse l’uraeus, ce terrible cobra chargé de le protéger et d’éloigner les attaques ennemies.
Il est à la fois dieu (dieu parfait) et roi humain. C’est donc l’interlocuteur privilégié entre les dieux et les hommes et ce rôle d’intermédiaire en fait le premier Prêtre d’Egypte.Sa fonction cultuelle n’est pas négligeable : il unit, par la pratique quotidienne des rites, le monde des dieux à la société des hommes. Il est le Maître qui accomplit les rites et notamment le rite suprême qui permet à la Maât de s’exercer en toute quiétude. Maât, petite déesse coiffée d’une plume d’autruche, fille de Rê, symbolise la vérité, la justice, l’équilibre en toutes choses, l’ordre universel qui fait de la terre un monde organisé. C’est grâce à elle que le monde ne retourne pas au chaos des origines. En toute logique, le devoir essentiel de Pharaon est de tout mettre en œuvre pour qu’elle soit respectée et pratiquée s’il veut que cet équilibre subsiste.
Ces forces néfastes, malgré tout, surgiront aux époques noires et obscures de l’Histoire égyptienne. Les tragiques expériences des années troubles qui suivront la chute de l’Ancien Empire serviront de dures leçons à la royauté. Et c’est l’aspect humain de Pharaon qui apparaîtra dans ces moments de reprise en main du pouvoir. Le roi donne des conseils au futur roi, l’intelligence et la raison priment sur les armes, la royauté exige un effort de réflexion, c’est un apprentissage que chaque Pharaon régnant se doit d’inculquer au jeune prince. Si l’aspect divin de Pharaon est juridiquement nécessaire pour légitimer l’accession au trône, il n’est cependant plus suffisant. Le jeune roi, prince dès l’œuf, doit apprendre, se former à l’expérience des anciens.
Apparaissent alors les Enseignements royaux qui deviennent une tradition obligée pour les futurs souverains :
" Imite tes pères, tes ancêtres,
Ils ont assujettis leurs gens par leur savoir…
… on ne devient exceptionnel qu’après avoir été enseigné ."

Voir Extraits de textes.
Mais Pharaon reste avant tout le Maître Universel et, s’il intercède entre les dieux et les hommes, il a aussi le pouvoir de communiquer avec les dieux. Pharaon peut agir, dans l’exercice de ses fonctions sous le coup de l’inspiration divine. Les actes ainsi légitimés deviennent décrets royaux.
Une autre forme de communication se matérialise aussi sous la forme de rêves prémonitoires qui alertent Pharaon sur une intention du dieu. Ainsi, un jeune prince, le futur Thoutmosis IV, fatigué après une course éreintante dans le désert, décida de se reposer à l’ombre bienfaitrice du Grand Sphinx de Guizeh. Assoupi, il fit un rêve dans lequel le sphinx lui promettait la royauté en échange du désensablement de la gigantesque statue. Thoutmosis, une fois sur le trône, tint promesse et commémora son acte par une grande Stèle placée entre les pattes du Sphinx dont les écrits affirmaient la volonté divine de voir le jeune prince accéder à la royauté. Ce principe ainsi que celui de la théogamie étaient d’excellents outils permettant de justifier une accession au trône controversée ou quelque peu illégitime.
Le dieu peut aussi communiquer avec Pharaon sous la forme de signes prodigieux. Ainsi, lors d’une expédition dans le désert, une jeune gazelle mit bas sur une pierre qui fut choisie comme étant le support le plus adapté au futur sarcophage royal.
En résumé Pharaon décide des actes du pouvoir à la lumière du discernement divin et il les décide à travers la parole divine.
PORTRAIT D'UN GRAND PHARAON
Pharaon, grand Prêtre du dieu, son Père
Nous l’avons vu, un grand Pharaon est d’abord celui qui sait être un excellent interlocuteur entre les dieux et les hommes, il est celui qui sait communiquer avec les dieux, il est celui qui fait respecter la Maât dans un souci d’équilibre du monde. Son rôle religieux est incontestable : c’est grâce à lui que le soleil se lève tous les matins à l’horizon oriental, c’est grâce à lui que le Nil enrichit les terres qu’il inonde, il est l’expression même d’une vie qui se perpétue au sein d’une Egypte prospère. Garant de l’ordre cosmique par les actes cultuels qu’il accomplit quotidiennement, il doit cependant se concilier la faveur des dieux qui l’ont élu Grand Prêtre Suprême.
Les constructions disséminées à travers toute l’Egypte prouvent son énergie débordante à honorer les dieux. Officiant du rite, il se doit de pourvoir chaque place d’Egypte de temples et de domaines où les rites seront célébrés. Pharaon endosse alors les qualités d’un infatigable architecte : il construit, agrandit, modifie, restaure achève les demeures des dieux, les temples, et tous les monuments sacrés. Pour éviter l’ire des dieux, Pharaon entretient par des dons et des offrandes quotidiennes ces lieux de culte. En échange, les divinités lui promettent secours et assistance à tout moment. Les prêtres répartis dans toutes les régions du pays agissent en son nom par délégation.
Pharaon, première personnalité d’Egypte
Garant de l’intégrité de l’Egypte toute entière, il est chargé de mettre en bon ordre les deux pays. L’inspiration divine ne fait pas tout, Pharaon doit aussi réfléchir, prendre les bonnes décisions au bon moment et choisir ce qu’il est juste de faire. Il doit assurer la subsistance de son peuple, veiller à ce que les greniers soient bien remplis, les réserves judicieusement distribuées et, le plus important, exploiter rationnellement les crues du Nil. Il se doit de savoir arbitrer à bon escient et en toute justice les conflits internes et à ce titre il se présente comme le premier Grand Juge d’Egypte. Garant des lois, il a la lourde charge de les faire respecter et s’il détient le pouvoir suprême de vie ou de mort sur chacun de ses sujets, il ne peut, en aucun cas, se placer au-dessus des lois, se soustraire à elles ou en abuser arbitrairement
Pharaon, celui qui fait toujours mieux
Un bon Pharaon peut se vanter d’avoir fait mieux que son prédécesseur et de l’avoir dépassé dans tous les domaines. Le Pharaon idéal pourrait être celui que l’on qualifie inlassablement de celui qui dépasse ce qu’avaient fait les autres rois - ceux qui ont existé avant ne l’ont pas fait - le Pharaon untel faisant donc exception - il n’y a pas de roi qui ait fait ce que tu as fait dans ce pays depuis le temps de Rê.
Et cette compétition entraîne, de la part de leurs auteurs, des actes de plus en plus extraordinaires. Ainsi Thoutmosis II se vantait de la célérité et de l’impact de ses flèches qui transperçaient des cibles de trois doigts d’épaisseur pour en ressortir de trois palmes. Amenhotep III fit beaucoup mieux, les 7/9 de la tige ressortaient derrière la cible. Toutankhamon dépassa toutes les espérances puisque sa tige parvint à retomber carrément derrière la cible !
De même, chaque Pharaon pouvait s’enorgueillir d’avoir dépassé ses ancêtres dans la construction de temples, de monuments et l’on pouvait mesurer la grandeur de Pharaon au nombre de constructions qu’il avait laissées dans le pays tout entier. Le site de Karnak est un témoignage de cette surenchère, chaque souverain ayant eu à cœur de faire plus haut, plus grand et mieux que celui qui l’avait précédé.
Pharaon, Chef de l’Armée
L’idée conductrice était sans nul doute de passer à la postérité et de faire en sorte que les générations suivantes gardent un souvenir infaillible de tel ou tel souverain. Outre les innovations architecturales et la mise en place de grands chantiers, Pharaon se devait aussi de se distinguer par ses faits de guerre. Les Egyptiens antiques ont toujours profondément admiré ceux de leurs rois qui avaient montré quelque vaillance sur les champs de bataille. Thoutmosis III est resté dans les mémoires comme le plus grand Pharaon guerrier de la dynastie XVIII. La conquête victorieuse de la Nubie par Sesostris III frappa l’imagination des générations suivantes. De même, l’épopée héroïque de Ramsès II contre les Hittites ne passa pas inaperçue, Pharaon ne se privant de laisser un peu partout dans ses temples les images de sa victoire (Voir Ramsès II).
Pharaon n’est pas seulement le chef d’une nation, l’Egypte. Il est aussi le Maître du Monde, il ne connaît pas de limites géographiques et son rôle étant de parfaire l’œuvre du démiurge solaire, il est de son devoir d’élargir les frontières et d’asseoir sa toute puissance sur les peuples étrangers, incarnations du chaos et du désordre. Il est donc le Chef de l’Armée et se lance dans la conquête des pays étrangers :
Il est celui qui entre dans la bataille et ne fait jamais retraite, le Généralissime de son armée, le vaillant sur son char, qui saisit son arc et tire à sa droite sans manquer le but, celui qui se tient sur le sol, puissant par la bravoure, le bras fort portant la masse et l’écu, lui qui foule les rois sous ses sandales.
Et l’iconographie le représentera très souvent foulant aux pieds ses ennemis, les massacrant victorieusement à l’aide d’une massue, les tenant fermement par les cheveux. Le roi dominera de sa taille gigantesque le champ de bataille jonché de prisonniers vaincus et gémissants. Ces représentations devenues des éléments conventionnels de l’iconographie royale affirment symboliquement la supériorité et la suprématie de Pharaon sur les peuples étrangers générateurs de désordre.
Inévitablement, Pharaon sera aidé dans son entreprise guerrière par les dieux eux-mêmes : Amon, Ptah, Sekhmet, Montou participent à l’effort de guerre du souverain qui leur offre en échange, dons, offrandes et présents. Pharaon inspire la crainte car son courage est incommensurable :
" C’est un victorieux qui agit par son bras… On ne peut rester debout à sa portée… Il n’a pas à redoubler son coup quand il tue. "
"Il n’y a personne qui puisse tendre son arc parmi ses soldats, parmi les princes des pays étrangers, parmi les grands du Retenou "

Pharaon, une personnalité qui se dessine
Cependant, la réputation d’un grand Pharaon peut aussi passer par sa capacité à apprécier la vie et ses plaisirs. Malgré ses talents de bâtisseur (voir Arts et Monuments ou Ancien Empire) et les innovations qu’il apporta dans le domaine de la grande architecture des pyramides, le bon roi Snefrou, bien longtemps après sa mort, est attesté comme un roi débonnaire, très populaire, le roi bienfaisant par excellence. Khéops, quant à lui, se montrait sous un bien mauvais jour, impression laissée par le fameux conte du Papyrus Westcar qui le décrit comme un monarque cruel, despote et bien peu soucieux de la vie de ses semblables. Quelques siècles plus tard, Akhenaton, le Pharaon réformateur, s’il marqua son époque par l’audace de sa vision religieuse, ne fit pas l’unanimité, loin s’en faut, lui qui avait perturbé l’ordre établi depuis des siècles, et l’on s’occupa rapidement de marteler son nom et d’effacer sa mémoire de l’histoire égyptienne
Pharaon, le charisme
On imagine, dès lors, quelle pouvait être l’aura extraordinaire qui émanait de sa personne. Les attributs royaux de sa fonction participaient, certes, à l’impression de souveraine autorité qu’il dégageait mais l’étiquette participait aussi grandement à faire de lui une personnalité hautement terrifiante. Un haut fonctionnaire put se vanter, insigne honneur dont il ne fut pas peu fier, d’avoir flairé le pied royal au lieu de flairer le sol comme il était d’usage. Sinouhé l’Egyptien, courtisan d’Amenhemat I raconte, terriblement impressionné par Pharaon :" Tandis que j’étais étendu sur mon ventre, je perdis connaissance devant lui."
Pharaon après sa mort
Finalement, c'est à sa mort que Pharaon réalise pleinement son statut divin. En effet, c'est à ce moment précis qu'il rejoint enfin son Père, Rê dans les cieux et pour l'éternité. L'aspect céleste de la religion funéraire se dessine à travers les mots, subtils et délicats : on ne dit pas que Pharaon meurt, on dit qu'il s'envole au ciel.
Très tôt, les Souverains d'Egypte se sont occupés de bâtir leurs demeures éternelles. Ce sont les principaux vestiges qui s'offrent à nous aujourd'hui. Ces tombes ont pris au cours des générations successives des proportions impressionnantes : de simples mastabas se sont transformés en gigantesques pyramides entourées d'un complexe funéraire très élaboré. Signes de la grandeur et de la splendeur de Pharaon, ces tombes puis ces hypogées étaient des lieux de repos éternel pour le roi défunt. Sous le règne d'Ounas (Ancien Empire) les pyramides s'enrichissent de textes gravés sur les parois, les Textes des Pyramides. Les Pharaons postérieurs enrichiront leur viatique vers l'éternité par une série de Livres divers destinés à leur garantir l'immortalité.
Après sa mort, un culte funéraire était rendu au Pharaon défunt dans le temple annexé à la pyramide ou, plus tard, dans des temples construits dans la Vallée thébaine. Des dotations à long terme étaient nécesaires pour garantir la divinité perpétuelle du roi. Pour construire de tels monuments, il fallait de la part du peuple une grande foi et une grande vénération, autant de critères qui tendent à prouver leur ferme croyance dans les pouvoirs de Pharaon, pouvoirs tangibles sur terre mais aussi virtuels dans l'au-delà.
Pharaon, en tant que dieu, a transcendé sa vie terrestre : Lève-toi, ô Roi ! Tu n'es pas mort. Et cette transfiguration se comprend mieux quand on sait que Pharaon mort est identifié à Rê et à Osiris. Cette assimilation osirienne fait allusion à l'épisode au cours duquel Osiris est ressuscité pour devenir roi dans l'Au-delà. Mais Osiris est aussi le dieu de la fertilité et de l'éternel retour des cycles de la croissance. Pharaon devient ainsi Roi-Osiris Untel.
Pharaon défunt est aussi identifié à Rê, dieu suprême, qu'il accompagne dans sa course diurne et nocturne à bord de la Barque Solaire.
Malheur, Pharaon est mort ! La triste nouvelle endeuille le Double-Pays. Pharaon monte au ciel pour rejoindre ses Pères, les dieux. Même dans la mort, Pharaon oeuvre pour la terre d'Egypte : il rejoint Osiris, il symbolise alors la régénération continue, il rejoint Rê, il symbolise le cycle quotidien de la renaissance.
PHARAON, LES RISQUES DU METIER
Dieu sur terre, fils charnel du démiurge en personne, intermédiaire privilégié entres les dieux et les humains, garant de la Maât et de l’Ordre, infatigable bâtisseur, invincible guerrier, seigneur d’Egypte et de l’Univers, personnalité charismatique, Pharaon est bien un surhomme et l’on a bien envie de souscrire à un tel portrait tant il est flatteur. Divinisé, craint, adoré, respecté par tous ses sujets, Pharaon est cependant un homme de chair et de sang et il est aussi considéré comme tel par le même peuple qui le porte aux nues. Et le bon peuple n’est pas dupe. Il sait faire la différence entre une certaine idée de la monarchie essentielle pour le bien-être du pays et la bonne marche du monde, et le monarque qui pouvait faillir à sa mission, voire ne pas en être digne. Dans les maisons de pisé, tout comme dans nos demeures, les critiques devaient aller bon train soulignant tel ou tel aspect négatif du souverain. Bon nombre de contes populaires, très peu flatteurs, ne se privaient pas pour dépeindre Pharaon comme un simple mortel avec ses qualités et ses défauts.
Si Pharaon a des droits, il a aussi des devoirs et une immense responsabilité pèse sur ses épaules. Bon berger de son peuple, il est le garant de l’intégrité du Double-Pays sous toutes ses formes. Premier grand gestionnaire, chef suprême de l’administration, Pharaon contrôle tout mais lorsque le gouvernement central s’affaiblit, c’est l’Egypte toute entière qui est malade. Et le pas fatal peut très vite être franchi qui accuse Pharaon de ne pas avoir accompli ses devoirs. Si Maât représente l’Ordre et l’équilibre, à tout moment Isefet, l’injustice, le Désordre peut ravager le pays. Une année de faible crue ou au contraire de flux dévastateurs, voire même plusieurs années de disette, l’ennemi qui gronde aux frontières, l’injustice ou l’iniquité et voilà Pharaon mis au pilori de la vindicte populaire.
L’Histoire de l’Egypte fut une très longue histoire qui a subi quelques vicissitudes inhérentes à tout système. Malgré tout, la théocratie royale habilement charpentée et judicieusement remaniée au fil des siècles a su préserver la grandeur et la splendeur de l’Egypte durant près de trois millénaires.
LITURGIES ROYALES
Le mystère de la naissance divine
Par essence, Pharaon est le fils charnel du dieu. Cependant, le besoin de légitimer une accession au trône qui se révèle un peu litigieuse, imposera quelquefois le recours à une méthode de filiation particulière : la théogamie ou mariage divin unissant un dieu et un simple mortel. Elle peut se décomposer en trois temps : l’union du dieu et de la reine, la naissance de l’héritier et la reconnaissance par les dieux. Prenons l’exemple célèbre de la reine Hatchepsout (Nouvel Empire, dynastie XVIII) qui, en butte aux contestations des partisans de Thoutmosis III, décida de confirmer sa légitimité au trône d’Egypte par ce subterfuge. Elle en fera la reconstitution exacte sur les parois de son temple de Deir el-Bahari :
En premier lieu, Amon, le grand dieu dynastique annonce à l’Ennéade qu’il va engendrer un roi.
S’en suit un discours entre Amon et Thot, le grand ordonnateur dont la présence est indispensable. Amon revêt l’apparence du souverain régnant, Thoutmosis I, et vient s’unir à la reine Ahmes pour concevoir la jeune enfant Hatchepsout.
Puis, Amon ordonne à Khnoum, le dieu potier de façonner sur son tour l’enfant à naître. Khnoum est secondé dans son entreprise par sa parèdre, la déesse Heqet qui tend au nez de l’enfant divin et de son ka, le signe de vie, ankh. La reine met ainsi au monde le futur héritier du trône car le corps de la future reine est celui d’un jeune homme.
Enfin, au dernier épisode, l’enfant, porté par Hathor, est reconnu par son père, Amon puis il est confié aux vaches célestes qui vont le nourrir de leur lait divin et veiller sur lui. Suivent la présentation aux dieux, et la prédiction des années de règne par Thot.
Un tableau identique peut être lu dans la Chambre d’Amenophis III à Louxor. S’il s’inspire de celui de Hatchepsout, la signification n’est toutefois pas la même. Si Hatchepsout avait besoin de justifier sa royauté, Amenhotep III voulut simplement illustrer l’origine de son pouvoir par ailleurs universellement reconnu.
Ramses II, conscient des origines de son père, simple militaire, et de sa mère Touy voulut asseoir sa légitimité et adopta le même principe sur les parois du Ramesseum.
L’implication politique des naissances royales qui voulait rapprocher Pharaon encore plus des dieux est évidente. A Basse Epoque, le principe de la théogamie sera généralisé et enrichi par l’ajout d’un sanctuaire spécifique dédié aux naissances divines, le mammisi.
Les cérémonies du couronnement
Elles intronisaient le nouveau roi sur le trône d’Egypte. Après avoir rendu visite aux différents dieux locaux qui devaient le reconnaître, le futur Pharaon était coiffé des deux couronnes, la couronne blanche de Haute-Egypte et la couronne rouge de Basse-Egypte, puis du Pschent, réunion des deux coiffes. Pharaon était alors reconnu apte à gouverner les deux régions correspondantes. Puis, assis sur son trône, le nouveau roi assistait à l’union des deux plantes symboliques de la Haute et Basse-Egypte, le sema-taouy. Enfin, Le souverain faisait le tour de la ville, expression qui symbolisait la prise de possession du Double-Pays telle qu’avait pu le faire le roi Mènes lors de la fondation de Memphis, la Balance des Deux Terres. C’est au cours de la phase ultime de cette cérémonie que le protocole royal était annoncé officiellement au souverain.tre le principe de la théogamie, d’autres liturgies commémoraient cette conception divine de la royauté.
Les cérémonies du heb-sed
Elles semblent avoir répondu à certaines préoccupations qui pouvaient bouleverser la royauté du souverain. Organisées au bout de trente années effectives de règne, elle devaient participer à la régénération de la puissance royale et garantir sa longévité. Les solennités débutaient le premier jour de la saison peret. Le roi se rendait alors aux naos des dieux locaux au sein d’une grande procession où prenaient place les statues des dieux sous la protection de la vache Sekhat-Hor, Celle-qui-se-souvient-d’Horus et qui avait allaité le jeune dieu. Les grands dignitaires venaient porter aux pieds de Pharaon l’hommage de leur fidélité et de leur soumission.
Enfin un acte capital et hautement symbolique avait lieu : le roi courait autour d’un champ tenant dans ses mains, l’imyt-per, sorte de document juridique ayant valeur de titre de propriété. Pharaon prenait ainsi possession de la propriété royale, l’Egypte, et se définissait donc parfaitement comme l’héritier des dieux : le roi règne essentiellement comme héritier légitime de ses prédécesseurs et, en définitive, des dieux.
Puis quatre grands pavillons étaient dressés aux quatre coins du monde en direction desquels Pharaon tirait quatre flèches destinées à repousser les forces néfastes qui pouvaient, à tout moment, s’abattre sur le Double-Pays.
QUELQUES EXEMPLES DE TITULATURES ROYALES
Voici quelques exemples de titulatures royales. Celles d’Amenhotep III et de Ramsès II sont complètes. Les suivantes ne comportent que les noms IV et V.
Amenhotep III 
Nom I
Taureau puissant apparaissant en Maât
Nom II
Celui qui établit les lois et apaise les Deux Terres
Nom III
Grand de puissance, vainqueur des Asiatiques
Nom IV
Rê est le Maître de Maât
Nom V
Amenhotep, Prince de Thèbes
Amenhotep IV/Akhenaton
Nom I
Taureau puissant aux hautes plumes/Taureau puissant aimé d’Aton
Nom II
A la grande royauté dans Karnak/A la grande royauté dans l’Horizon d’Aton
Nom III
Qui élève les couronnes dans Héliopolis du Sud/Qui élève le nom d’Aton
Ramses II
Nom I
Taureau puissant aimé de Maât
Nom II
Qui protège l’Egypte et subjugue les pays étrangers
Nom III
Riche en années, grand en victoire
Nom IV
Riche en Vérité, élu de Rê
Nom V
Rê lui a donné naissance, l’aimé d’Amon
(V) Snefrou Celui de la beauté 
(V) Khéops Khnoum me protège
(V) Kephren Il apparaît comme Rê 
(V) Mykerinos Durable comme les âmes de Rê 
(V) Sesostris I L’homme de la grande déesse - (IV) Kheperkarê, l’âme de Rê vient à l’existence
(V) Amenhemhat II Amon est en tête – (IV) Noubkaourê, en or sont les âmes de Rê 
(V) Sesostris II L’homme de la grande déesse - (IV) Khakheperrê, la transformation de Rê apparaît
(V) Ahmosis La lune est née – (IV) Nebpehtyrê Rê est maître de la force
(V) Amenhotep I Amon est satisfait – (IV) Djeserkarê sainte est l’âme de Rê
(V) Thoutmosis I Né de Thot – (IV) Aakheperkarê grande est la forme du ka de Rê
(V) Thoutmosis II Né de Thot – (IV) Aakheperrê grande est la forme de Rê 
(V) Hatchepsout La première des femmes – (IV) Maâtkarê la justice est le ka de Rê
(V) Thoutmosis III Né de Thot - (IV) Menkheperourê durables sont les manifestations de Rê 
(V) Amenhotep II Amon est satisfait – (IV) Aakheperourê grandes sont les manifestations de Rê
(V) Amenhotep III Amon est satisfait – (IV) Nebmaâtrê Rê est le Maître de Maât
(V) Amenhotep IV Amon est satisfait – (IV) Neferkheperourê parfaites sont les manifestations de Rê
(V) Toutankhamon Image vivante d’Amon – (IV) Nebkheperourê maître des manifestations de Rê
(V) Ramses I Rê l’a engendré – (IV) Menpehtyrê durable est la puissance de Rê 
(V) Seti I Merenptah Celui de Seth, l’aimé de Ptah – (IV) Menmaâtrê ferme est la justice de Rê 
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