"L’homme y passe
à travers des forêts de symboles
qui l’observent avec des regards familiers"

Le Temple d'Amon, Karnak l'histoire
Le Temple d'Amon, Karnak la visite guidée
Karnak, le plan
Album Karnak
Retour Plan Arts et Monuments

Le Temple d'Opet, Louxor, l'histoire
Le Temple d'Opet, Louxor, la visite guidée
Louxor, le plan
Album Louxor
La felouque glisse, silencieuse et aérienne, sur les eaux encore endormies du Nil.
L’aube n’a pas encore rosi le ciel oriental que déjà nous percevons les rumeurs matinales d’une ville qui s’éveille à la vie.
J’ai toujours apprécié ce moment béni où le temps semble suspendu pour quelques heures encore,
oscillant maladroitement entre la nuit et le jour.
Les ailes sombres des heures nocturnes se retirent à l’horizon,
Nout peut enfin rougir de plaisir sous la tendre caresse des premiers rayons de son père adoré, Rê le Grand.
Remonter la voie royale du Nil, c’est remonter le temps, c’est tendre son esprit vers un peuple et une terre qui ont connu, tout près d’ici, sur la rive orientale, au détour de cette boucle, une histoire épique que le plus merveilleux des contes n’aurait osé imaginer.
Symbole, ô combien fabuleux, de l’Egypte du Nouvel Empire,
Louxor la moderne se dessine et se rapproche imperceptiblement de nous.
Avant de découvrir cette vaste zone monumentale qui s’étale, superbe et généreuse, sur la rive orientale du fleuve sacré
entre un espace appelé aujourd’hui Karnak et Louxor,
essayons de saisir l’atmosphère qui anima la capitale durant près de deux mille ans, au cœur du Nouvel Empire,
tentons de capter les odeurs qui parfumèrent les rues et venelles,
écoutons les bruits et rumeurs aux alentours des temples et sanctuaires.
Fermons les yeux et laissons nous aller à la plus douce des rêveries, celle qui nous emporte au-delà du temps, au-delà des siècles,
au cœur de Thèbes aux Cent Portes.

Un proverbe égyptien dit que celui qui a bu l’eau du Nil ne pourra plus jamais étancher sa soif avec un autre breuvage. Ainsi celui qui est né à Thèbes n’aura de cesse d’y terminer ses derniers jours. Thèbes ne libère plus jamais celui qu’elle a ensorcelé, c’est une perle dont on ne peut oublier l’éclat, c’est une passion éblouissante qui éclaire l’existence de mille éclats. Jamais aucune ville au monde n’a frappé les imaginations des hommes. Homère, le conteur de belles histoires, l’a appelée Thèbes aux Cent Portes (peut-être devrait-on dire Thèbes aux Cents Pylônes), les Egyptiens l’appelaient Ipet Isut, l’endroit élu (nom donné au temple d’Amon) ou tout simplement Niout, la Ville, ou Héliopolis du Sud, les Grecs préféraient Ouaset s’inspirant du nom de la butte de Djêmé, les Arabes l’ont surnommée Karnak et El- Ouqsour, les Châteaux. On a dit que Karnak a été construit pendant près de deux mille ans, c’est dire si cette Ville a des choses à raconter !
Mais Thèbes n’est pas née, un beau matin, des songes des dieux même si elle fut la patrie du grand dieu dynastique Amon le Caché à qui, selon un rituel remarquablement bien orchestré, l’on rendait les honneurs qui lui étaient échus par des prières chantées le matin et le soir :
« Les portes de ce haut lieu sont ouvertes, la chapelle du palais est grande ouverte. Thèbes est en fête, le ciel et la terre crient leur joie…. Amon s’unit à l’horizon du ciel, il apparaît à l’Occident dans sa gloire… son cœur est plein de joie… sur terre, ton fils Horus, le Pharaon, le Taureau puissant aimé de Maât, est assis sur son trône,… puisses-tu l’aimer et le vénérer pour l’éternité. »
Thèbes a eu une histoire avant la glorieuse hégémonie du Nouvel Empire et l’on peut dire, en lisant cette histoire, que rien ne la prédestinait à tant de suprématie.
Durant l’époque fastueuse de l’Ancien Empire, le nome thébain n‘était qu’un nome parmi tant d’autres, la royale Memphis s’occupant d’abriter derrière ses murailles la capitale de l’Empire. Dans la province thébaine, deux cités se disputaient les faveurs de ses habitants : Hermonthis sur la rive occidentale patronnée par Montou, faucon céleste et taureau fertile. Sur la rive orientale, Karnak était protégée par Amon. Puis se fut la Première Période Intermédiaire, période de troubles et d’incertitude politique durant laquelle les Pharaons se succédèrent sans vraiment avoir le temps de gouverner et abandonnèrent des rênes de plus en plus lâches en faveur des nomes qui devinrent autant de petits états dans l’Etat.
La reprise en main d’un empire qui tendait à l’éclatement s’opéra par la Sud et ce furent de rudes guerriers venus de Thèbes qui montèrent sur le trône d’Egypte et réunifièrent les Deux Terres. La réunification totale fut réalisée par Montouhotep II (nom donné en l’honneur du grand dieu guerrier Montou), Pharaon qui ouvrit l’ère du Moyen Empire.
Lorsque la dynastie des Montouhotep s’éteint avec Montouhotep IV, ce fut son vizir, Amenemhat qui devint roi et ouvrit l’ère des Pharaons placés sous la protection d’Amon. Paradoxalement, la capitale fut déplacée à Licht au Sud de Memphis. La succession des Sesostris et des Amenemhat de souche thébaine n’empêcha nullement ces pharaons de préférer la province du Fayoum et de révérer le dieu Sobek (Amenemhat III) tandis qu’à Thèbes, Amon devenu roi des dieux preçait lentement tant sur le plan religieux que politique.
Cependant l’Histoire se répète et à la mort d’Amenemhat IV la situation se dégrade. Une femme, Neferousobek, monte sur le trône et à son décès commence la Deuxième Période Intermédiaire, nouvelle période de troubles, qui vit s’affronter deux pôles opposés : les Hyksos, envahisseurs étrangers venus d’Asie placés en concurrence avec les princes thébains de la dynastie XVII. La réunification viendra une nouvelle fois du Sud et de Thèbes sous le commandement de Kamose qui refoule les Hyksos, puis d’Ahmosis qui reprend Memphis et Avaris.
Ahmosis, fondateur de la dynastie XVIII laisse à sa mort le trône à Amenhotep I, nommé d’après Amon et qui inaugure la longue succession des Amenhotep du Nouvel Empire.
Dès lors, Amon commence à envahir le devant de la scène religieuse. A Karnak, les prêtres thébains lui associent une parèdre, Mout et un fils Khonsou. Petit à petit, au sein du grand sanctuaire, les usages cultuels fixent le quotidien religieux et sont mises en place de grandes festivités que nous étudierons un peu plus loin, les belles fêtes d’Opet et de la Vallée qui voient défiler à travers la Ville en liesse la triade thébaine dans son plus grand apparat.
Les débuts glorieux de la dynastie XVIII n’ont de cesse de transformer la ville de Thèbes en une capitale d’empire, digne rivale d’Héliopolis qui s’arroge progressivement les prérogatives du grand dieu créateur de ce foyer religieux, . En effet, on n’hésite pas à invoquer les faveurs d’Amon dans la remarquable mise en scène de la théogamie. Et si, en définitive, ce recours est nécessaire pour légitimer une accession au trône quelque peu litigieuse (Thoutmosis IV ou Hatchepsout), il n’en reste pas moins qu’Amon, le Caché, devient l’unique créateur du futur Roi appelé à régner sur l’Egypte.
Mais, tout au long du Nouvel Empire, Amon étend son pouvoir bien au-delà des portes de Thèbes. Il porte sa puissance jusque dans la Basse-Egypte, à Memphis où il préside aux Châteaux des Dieux et, à l’opposé, il investit le Sud lointain de la Nubie aurifère où l’on édifie des temples en son honneur.
Amon est donc devenu le Chef suprême du panthéon égyptien, il supplante Rê d’Héliopolis et Ptah de Memphis sans pour autant les évincer, les prêtres savants de Karnak élaborent pour ce dieu présent en toute chose mais caché aux regards une théologie non moins savante. Et les vocables se succèdent pour louer sa puissance : « Roi des dieux, maître du ciel », « Maître des trônes du Double-Pays », « Celui qui réside à ses chapelles » notamment à Louxor.
Les architectes de Karnak et Louxor concrétisent avec magnificence les désirs et ordres des Pharaons successifs qui n’ont de cesse, les uns après les autres, d’agrandir, de modifier, d’embellir le sanctuaire, toujours pour la plus grande satisfaction du dieu, souvent au détriment des rois précédents dont les édifications personnelles sont souvent démantelées pour flatter l'ego d'un Pharaon un peu plus mégalomane que les autres.
La crise atonienne qui propulse Aton sur le devant de la scène politique religieuse, laisse dans une ombre toute relative le grand dieu dynastique. Si Amenhotep/Akhenaton ne jure que par et pour Aton, le Disque solaire, dans sa belle ville d’Akhetaton, à Thèbes, les prêtres d’Amon et une bonne partie de la population égyptienne restent sourds à ce nouveau dogme qui perturbe les esprits. Un fois le danger atonien écarté, Amon reprend le flambeau et continue d’investir les futurs Pharaons. Ramsès II, le Grand des Grands, abandonné au plus sombre de la bataille de Kaddesh, s’en remet à son père Amon qui entend ses prières et lui porte l’aide divine dont il avait besoin.
Amon est omniprésent, certes, mais les prêtres qui agissent en son nom deviennent de plus en plus pressants et gourmands.
Le règne de Ramsès III, affaibli par un complot de harem et par des invasions aux frontières, préfigure une longue période où guerres intestines, pillages de sépultures et risques latents aux portes de l’Empire deviennent autant d’atouts en faveur de la mainmise du clergé amonien sur la vie politique. Le gigantesque domaine d’Amon a permis la montée en puissance de familles sacerdotales et à partir de l’époque ramesside, le pontificat tend à devenir héréditaire même si le pouvoir royal tient toujours à donner son assentiment. Sous la dynastie XXI, débute une ère nouvelle, de relative stabilité, où les militaires cumulent les fonctions de Général et de grand prêtre d’Amon. On peut parler alors de régime théocratique localisé sur Thèbes, c’est la période des prêtres-rois : Ramsès XI nomme un militaire, Hérihor, Grand prêtre d’Amon ce qui lui accorde les pleins pouvoirs en Haute-Egypte. Par la suite, le gouvernement de Smendes qui s’installe à Tanis perpétue ce double gouvernement avec le Grand Prêtre Piankhy, successeur d’Hérihor. Il n’en reste pas moins que Thèbes, la richissime, Thèbes l’opulente, demeure, et ce jusqu’à la domination romaine, le joyau de l’Egypte. Elle tire une bonne partie de son rayonnement de part sa situation géographique : située à quelque deux cent cinquante kilomètres d’Eléphantine, elle ramène à elle de nombreuses denrées exotiques : bois précieux, animaux sauvages, aromates et bien sûr, or divin. Au Nord, Coptos, importante ville portuaire, entretient avec la Ville d’étroits rapports commerciaux dans la mesure où elle se trouve à la croisée des chemins qui partent vers la mer Rouge dont on rapporte les précieuses denrées du pays de Pount : encens, oliban, épices rares, myrrhe et résines diverses. Chemins qui partent aussi vers les gisements du Sinaï (malachite, cuivre) et les oasis (vins doux).
Le clergé amonien tire aussi sa richesse des stupéfiantes donations royales, notamment cet or fabuleux versé par le pays de Pount, le pays de Koush et quelques pays asiatiques. Un exemple révélateur : Thoutmosis III se targue d’avoir versé dans les caisses du temple d’Amon quelque 13 841 kg d’or ! Mais les revenus fonciers d’Amon ne sont pas moins éloquents : la plus grande partie des terres d’Amon sont réparties dans le pays et l’on estime ainsi, pour la période de Ramsès III, à quelque quatre-vingt pour cent de terres offertes par le roi en faveur d’Amon. Les personnes qui oeuvrent pour ces domaines représentent une part non négligeable de la population : d’après P. Grandet, sous Ramsès III, quelque 3 250 000 personnes (l’Egypte abriterait un peu plus de quatre millions d’habitants) seraient dépendantes du domaine d’Amon, chiffres à prendre avec prudence mais qui sont révélateurs de l’incontestable pouvoir de Thèbes sur le reste de l’Egypte. Le temple de Karnak, quant à lui, toujours sous le même Ramsès III, emploierait 81 322 personnes à son service, superviserait une flotte de 83 navires et 65 villes seraient placées directement sous son autorité !
On parle très souvent pour désigner cette Ville incomparable de Thèbes Est et de Thèbes Ouest.
Thèbes Est, sur la rive orientale du Nil comprenait le grand complexe de Karnak relié à celui de Louxor, le palais rituel du roi puis les bâtiments administratifs du vizir (Nouvel Empire, dynastie XVIII). C’est sur cette rive que se déroulaient des fêtes inoubliables dont la Belle fête d’Opet où l’on assiste à la solennelle sortie d’Amon-Rê, sur sa barque divine, porté en procession vers le domaine de Louxor, son harem méridional afin d’y célébrer son aspect fertile et annonciateur de la crue à venir. Après quelques jours de festivités, la procession entamait le chemin en sens inverse. Mais l’on y célébrait aussi la Belle Fête de la Vallée qui unissait, une fois l’an, les deux rives du fleuve.
Karnak était aussi un immense foyer administratif, centre directeur de tous les autres domaines d’Amon et des complexes funéraires royaux situés sur la rive occidentale.
Thèbes Ouest, sur la rive occidentale, abritait le siège gouvernemental, les complexes funéraires royaux, les Temples des Millions d’Années, ainsi que le Grand champ, cette vaste nécropole où furent inhumés les rois, les reines et les nobles. Sans oublier, bien sûr, le fameux village de Deir el-Medineh où vivaient les ouvriers et leurs familles chargés de la construction des tombes de la nécropole.
Malgré ce tremplin géographique extraordinaire, au cours du Nouvel Empire, la capitale fut transportée vers le Nord, à Memphis dans un premier temps, puis à Pi-Ramsès. Thèbes continua, cependant, à être le foyer religieux le plus actif et le mieux doté de Kemet.
Voir Photo de Thèbes orientale et Thèbes occidentale


























































Mais laissons l’Histoire derrière nous, notre felouque vient d’accoster et,
lorsque nous posons pied à terre, nous pénétrons dès lors dans un univers hors norme
qui se conjugue au rythme des verbes agrandir, embellir, surpasser.
Fermons les yeux et écoutons les bruits qui montent de la Ville et s’amplifient à notre approche :
les rues grouillent d’une population partagée entre pauvres et mendiants, 
dames fortunées et nobles seigneurs qui se laissent porter par leurs serviteurs dans le confort de leurs litières.
Les odeurs se mêlent, fortes et agressives, tempérées par l’effluve des belles fleurs de lotus que des enfants vendent au coin d’une rue
ou par le parfum des fruits exotiques que des marchands bavards mettent sous le nez des chalands.
Soudain, une fragrance subtile et particulière nous invite à poursuivre et à hâter le pas.
Car nous sommes sur le chemin des dieux, celui qui mène vers les portes des temples :
ce sont les senteurs d’encens qui nous guident et,
soudain, notre vision semble diminuée car ce qui s’offre à nos yeux est tout simplement pharaonique.
Prudemment, il nous faut dérouler le fil d’Ariane qui instruira notre visite.
Le temple d’Amon : le plus grand des trois temples, au centre, entouré relié à Louxor par un dromos
Le temple de Mout : le temple le plus au Sud relié à Amon par un dromos
Le temple de Montou : le temple le plus au Nord.
Le temple de Karnak est sûrement le sanctuaire le plus complexe de tous ceux qui jalonnent les rives du Nil. Sa lecture est rendue, actuellement, d’autant plus difficile qu’il se présente comme un gigantesque fouillis de ruines dont les plans d’origine ont tellement été désorganisés qu’il est bien compliqué, parfois, de dire qui a fait quoi dans la mesure où les Pharaons bâtisseurs n’ont pas hésité à « emprunter » à leurs prédécesseurs quelques pierres déjà en place.
L’ordre de visite communément admis ne respecte pas la chronologie de construction qui a commencé dès le Moyen Empire. Logiquement, notre visite devrait commencer par le sanctuaire du Moyen Empire, au cœur du temple, et peu à peu, nous étudierions l’expansion voulue par les Rois du Nouvel Empire et des périodes suivantes. Cependant, pour plus de facilité, la coutume veut que l’on pénètre dans le sanctuaire par le pylône I de Nectanebo I.
Si vous désirez poursuivre la visite, je vous propose de cliquer ici Amon guidera vos pas jusqu’au cœur du monde.
Si vous n’êtes pas tentés, continuons notre promenade et engageons nous sur le dromos qui relie Karnak à Louxor, une autre merveille nous attend, le harem méridional du dieu Amon, la belle Louxor.
© Reproduction des textes non autorisée sans le consentement de son auteur. Meretseger