Plan de Deir el Medineh
Présentation du Village
Organisation du Village
Autour du Village
Les Serviteurs de la Tombe
Personnages pittoresques

Album I Deir el-Medineh
Album II Deir el-Medineh
Album III Deir el-Medineh
... le 13, sous la Majesté du Roi de Haute et de Basse Egypte, Ouser Maât Rê Setepen Rê...
Nakhtamon roula soigneusement la natte qui avait fait office de matelas en cette douce nuit d’akhet. 
L’air frémissait de la fraîcheur nocturne, fraîcheur qui agissait encore comme un baume tant la journée avait été épuisante à creuser sans relâche au plus profond des entrailles étouffantes de la montagne : l'antre sacrée cachait, avec une efficacité redoutable aux yeux des profanes, les secrets de la tombe royale.
La journée qui s’annonçait, la sixième de la semaine, promettait d’être encore éprouvante quoique plus excitante.
Toute la petite famille dormait encore :
Merit sa jeune épouse, Hori et Neferou ses deux enfants, surtout ne pas les réveiller, pour eux aussi la journée serait fort riche en préparatifs.
Sa natte sous un bras, son appuie-tête en bois poli sous l’autre, il dévala la volée de marches qui le menait de la terrasse vers la cuisine à ciel ouvert.
Il n’avait vraiment pas le temps de prendre sa collation du matin, il se dirigea directement vers une seconde pièce où trônait un petit coffre en bois peint, délicatement orné de motifs floraux, un des rares éléments du mobilier ayant quelque valeur.
Il ouvrit le battant et dégagea, plié avec soin, un pagne de lin fin d’une blancheur éclatante.
Le jeune homme noua l’étoffe autour de ses reins, l’ajusta convenablement,
il pouvait être fier, sa carrure, inhabituelle pour un égyptien, le ferait certainement remarquer de Pharaon.
En effet, la rumeur qui avait circulé dans le petit Village depuis quelques jours s’avérait très bien fondée :
Pharaon Ramsès II se déplaçait en personne pour venir constater l’avancée des travaux lancés en l’an II de son règne pour le creusement de sa tombe.
Nakhtamon se souvenait très bien encore. Emu par tant de faste, terriblement impressionné par la grandiose cérémonie, le bruit mat du premier coup de burin qui avait entaillé la roche de la montagne à l’emplacement précis qu’avait choisi le Roi résonnait encore à ses oreilles.
Pharaon ne venait pas seul, loin s’en faut, et parmi les hauts dignitaires qui devaient l’accompagner, figurait le vizir Paser, celui-là même qui l’avait choisi, lui Nakhtamon pour faire visiter à Ramsès ce lieu unique appelé La Place de Vérité. Bien lourde responsabilité pour un si jeune garçon. Pharaon, avait-on murmuré, était exigeant et très curieux.Le scribe Ramose, si actif et si diligent avait bien confirmé le souhait royal de tout connaître sur ce curieux petit Village à nul autre pareil sur la Terre de Kemet.

Mais avant d’écouter Nakhtamon, avant de le suivre, comme une ombre anachronique aux côtés du Grand Ramsès, nous qui ne sommes que des touristes modernes perdus dans l’immensité de la Vallée Occidentale, quelques repères s’imposent.
PRESENTATION DU VILLAGE
Localisation de Deir el-Medineh
Deir el-Medineh est le nom actuel d’un site nommé, aux temps anciens de Nakhtamon, La Place de Vérité, la Set Maât. En arabe Dayr al-Medina signifie précisément le couvent de la ville, toponyme évoquant l’occupation chrétienne du site conquis un peu plus tard par les Musulmans.
Situé sur la rive occidentale, la rive des morts, à quelque 730 km du Caire, quasiment en face de l’ancienne Thèbes orientale mais séparé de la rive des vivants par le fleuve sacré, niché au cœur d’un vallon de la montagne thébaine, voici notre petit Village, pa demi pour les anciens égyptiens, comme enclavé entre les contreforts de la chaîne Libyque à l’Ouest et la colline de Gournet Mouraï à l’Est. Il faut presque marcher un bon kilomètre pour atteindre les premières terres cultivables et découvrir l’alignement des temples funéraires de Medinet-Habou, le petit temple d’Amenhotep, fils de Hapou, celui d’Amenhotep III, du Ramesseum et de Deir el Bahari, le plus décalé dans la montagne. Bien caché, difficile d’accès, à priori construit en un lieu inhospitalier, ce petit Village dont les habitants sont favorisés par Pharaon, est protégé par l’imposante Cime, cette montagne en laquelle on a voulu voir une pyramide naturelle et par un curieux éperon rocheux naturel s’élevant entre le Village et la Vallée des Reines, personnifiant par son aspect de cobra dressé, la déesse serpent Meretseger, la grande déesse de la nécropole, gardienne des tombes royales et protectrice de la communauté. Il est vrai que l’on peut se demander quelles furent les bonnes raisons qui incitèrent des hommes, des femmes et des enfants à venir s’établir en ces lieux désertiques, accablés tous les jours de l’année par une chaleur torride, éloignés de toute vie et donc tenus à la plus grande discrétion, dominés par des tons qui se déclinent du rouge au marron le plus foncé en passant par l’ocre le plus jaune sans jamais s’attarder sur le vert tendre d’un palmier aux larges ramures. C’est que les hommes de ce lieu ont été choisis pour leur grand savoir- faire et pour la maîtrise parfaite de leur art, ils sont investis d’une mission capitale : oeuvrer pour le devenir post-mortem de leur Pharaon en construisant son ultime demeure et servir, par le biais de leur art, la Maât fondamentale qui guide leur talent infaillible. 








Les origines de Deir el-Medineh
Au plus lointain que se souvienne Nakhtamon, la naissance de son petit Village est étroitement liée au nouveau mode d’inhumation des Pharaons défunts. En effet, jusqu’à la fin du Moyen Empire, le tombeau royal se présente sous la forme d’une pyramide, plus ou moins importante selon les Pharaons et les époques mais nettement visible tant sa silhouette impressionnante barre l’horizon désertique de la Basse et de la Moyenne Egypte. Peu à peu, sous la pression des pillages répétés, probablement aussi sous le couvert d’une nouvelle vision religieuse développant plus largement le culte d’Osiris, la tombe royale se déplace vers la Haute-Egypte pour être creusée à même la montagne de la rive Ouest qui fait face à Karnak/Louxor.
A l’aube de la dynastie XVIII, Amenhotep I, fils et successeur d’Ahmosis considéré comme le libérateur du joug hyksos et le fondateur de la dynastie, décide de construire sa tombe au cœur de la Vallée occidentale (certainement la tombe connue sous le sigle AN B de Dra Aboul’Nag), tombe dotée d’un temple funéraire indépendant, probablement la plus ancienne tombe de ce type répertoriée sur le site et la première à être séparée de son temple funéraire. On peur supposer qu’il "créa" alors la confrérie d’ouvriers chargés de creuser son hypogée, hypothèse qui peut être rendue valable par le fait qu’Amenhotep I et sa mère Ahmès-Nefertari furent révérés tout au long de l’existence de la communauté comme les saints patrons fondateurs du Village. Régulièrement et durant près de cinq siècles, la statue du Pharaon divinisé fut portée en procession vers la Vallée des Rois lors d’une fête qui se déroulait le onzième jour du troisième mois de la saison shemou (d'autres sources avancent la date du quatorzième ou quinzième jour du troisème mois de shemou ?) C'est l'occasion, alors, pour le saint Pharaon de rendre des oracles très appréciés et très attendus. Par respect pour sa personne, il est aussi de coutume pour les familles d'éviter de nommer leur rejeton du prénom sacré d'Amenhotep !
Les premières preuves tangibles apparaissent sous le règne du successeur d’Amenhotep I, Thoutmosis I qui fait élever un mur d’enceinte autour des maisons du Village. De nombreuses briques composant ce mur furent retrouvées, frappées au nom royal de Thoutmosis I. Et c’est ce même roi qui inaugure la première tombe dans un lieu qui allait devenir la fameuse Vallée des Rois.
Bien sûr, le Village connut de nombreuses modifications au moins douze phases de constructions successives (Valbelle) 
Dynastie XVIII : Le règne de Thoutmosis III vit l’agrandissement du Village au Nord et le règne de la reine Hatchepsout livra les premiers vestiges, notamment les premières tombes du cimetière de l’Est près de la colline de Gournet Mourai. Il ne semble pas que sous la dynastie XVIII le petit Village soit soumis à l’autorité du Vizir mais plutôt supervisé par le maire de Thèbes. Ainsi, sait-on que ce fut Ineni, Grand Maître d’œuvre de Karnak, architecte entre autres réalisations des deux obélisques de Thoutmosis I, qui supervisa l’organisation des travaux pour la tombe de ce même Pharaon. Plus tard, Hapuseneb supervisa le creusement de la tombe de la Reine Hatchepsout. Mais tous les documents relatifs à l’organisation du Village à cette époque sont rares, tout au plus peut-on supposer que les ouvriers sont enrôlés de manière traditionnelle, venant de régions différentes, distincts cependant des ouvriers commandés pour la construction des Châteaux des Millions d’Années, et obéissant aux ordres d’un ou plusieurs contremaîtres.
Le règne d’Amenhotep III est peu prolixe à ce sujet, la seule preuve un peu plus bavarde que les autres est la tombe du contremaître Khâ. La chapelle de celle-ci fut malheureusement pillée mais le tombeau souterrain fut découvert vierge de toute intrusion. Dans un double sarcophage entouré d’une guirlande de fleurs, reposait le défunt Khâ encore recouvert de son suaire, tandis qu’à ses côtés reposait son épouse, la défunte Meryt. Les deux personnages coulent une éternité tranquille au musée de Turin et de nombreux examens ont révélé qu’ils étaient encore parés tous deux de leurs bijoux et amulettes.
Quelques bouleversements significatifs perturbent l’évolution du Village qui est abandonné durant la trouble période amarnienne. Sous la férule d’Amenhotep IV/Akhenaton, les ouvriers du Village sont déplacés à Akhetaton en Moyenne Egypte, la nouvelle capitale fondée par le Pharaon hérétique. Là, un village presque semblable à celui de Deir el Medineh est bâti à la hâte et les importants vestiges restitués actuellement par ce site sont autant de témoignages capitaux qui aident l’archéologue à mieux comprendre Deir el-Medineh. Certes, les plans sont quelque peu différents mais ils sont intéressants à étudier et à comparer dans la mesure où les deux villages sont tous deux des structures planifiées par l'Etat.
Un peu moins d’un vingtaine d’années plus tard, les ouvriers déplacés reviennent à pa demi et à partir du règne d’Horemheb qui réorganise le site, le Village adopte sa structure plus ou moins définitive. Sous le règne de ce Pharaon militaire, le maire de Thèbes, Djoutmosé commence à mettre en place une véritable organisation du travail des ouvriers des tombes royales, le Village commence une lente structuration à tous les niveaux.
Dynastie XIX et dynastie XX : Peu d’éléments nous sont parvenus du règne de Seti I mais l’on suppose que la communauté est dès lors bien établie. Désormais La Place de Vérité est sous l’autorité directe du Vizir plaçant les ouvriers de la nécropole royale encore plus près de la personne de Pharaon, ce dont ils ne sont pas peu fiers, se nommant avec emphase les hommes du roi et devenant les artisans exclusifs des hypogées royaux. L’organisation se fait plus précise sur les chantiers (voir Organisation du Village), les moindres actes de la vie communautaire sont enregistrés, vérifiés, archivés et c’est ainsi que sont parvenus jusqu’à nous de nombreux éléments archéologiques ou épistolaires ressuscitant la vie quotidienne du Village.
Sous le règne du Grand Ramsès II, La Place de Vérité s’agrandit vers le Sud et la lignée des différents Ramsès offre un épanouissement complet au Village. Sous la dynastie XX, elle fonctionne parfaitement, exceptionnellement elle comptera une équipe opérationnelle de 120 ouvriers mais elle connaît aussi sa première rébellion, la première grève de l’Histoire, en l’an 29 du règne de Ramsès III avant de s’éteindre lentement sous le règne de Ramsès XI (fin de la dynastie XX), victime des pillages qui affectent la Vallée des Rois et de l’insécurité latente liée à l’invasion des Peuples de la Mer. Les ouvriers déménagent donc une dernière fois et s’installent dans l’enceinte du temple de Ramsès III à Medinet-Habou. Jusqu’aux époques chrétienne et musulmane, le site conservera une notoriété religieuse certaine avant de s’éteindre peu à peu. Son silence traversera les siècles, il faudra attendre le XIXème siècle de notre ère et les premières fouilles aléatoires, dans un premier temps, des fellahs soucieux de s’enrichir en pratiquant un trafic d’antiquités de plus en plus florissant pour que l’on réalise l’importance du site de Deir el-Medineh. Puis en 1811, arrive sur les lieux un homme ambitieux, désireux de monter une collection d’antiquités destinées aux grands musées, le consul français Drovetti. Peu à peu, les fouilles s’organisent, de nombreux chercheurs se penchent sur les sables antiques, La Place de Vérité dévoile ses secrets consignés sur des centaines d’ostraca, de tessons, de papyri, et la lecture des tombes privées de la nécropole des artisans livre les aspirations émouvantes d’un petit peuple en quête d’éternité.


Mais revenons sur nos pas, Nakhtamon nous attend sur le seuil de sa petite maison, il piaffe d’impatience.
Au loin résonnent les pas des chevaux et les cris des hommes qui acclament l’arrivée du Soleil de l’Egypte...
... le ton monte, femmes et enfants se pressent joyeusement à l’unique porte de l’enceinte, dans leurs mains ils tiennent précieusement les fleurs qu’ils jetteront sous les pas de Pharaon.
Mentalement, Nakhtamon se remémore le plan qu’il a concocté des nuits durant pour que la royale visite soit la plus parfaite possible,
il s’embrouille, les mots lui échappent, la sueur monte à ses tempes.
Que Thot lui rende la mémoire qui lui fait défaut, déjà Pharaon s’installe sous le grand dais aux chatoyantes couleurs dorées, installé en son honneur dans l'unique rue.
Mais par Imhotep, les villageois ont eu bien du souci à tendre la toile de lin tant l'allée est étroite !
Ramessou attend son petit maître de conférence, courage Nakhtamon, Thot guide tes paroles !
PRESENTATION DU VILLAGE
Nakhtamon se prosterne devant son Roi,
il n’ose porter les yeux sur Pharaon, son regard vacille, ses yeux s’embrument d’une émotion à peine contenue,
le voilà qui présente pa demi :
Deir el-Medineh est composé de plusieurs éléments :
le Village proprement dit ceint d’une muraille de briques, un cimetière situé à l’Est, une nécropole située à l’Ouest, un poste de contrôle, de nombreux sanctuaires, chapelles votives et temples dont au Nord du Village le temple dédié à Hathor.
Mais bien au-delà encore du Village, les ouvriers et artisans laissent des traces visibles liées à leur activité : le bel oratoire de Ptah et Meretseger, le fameux puits et la station du Col.
Le village
Le tout premier Village construit sous Thoutmosis I est protégé par un mur d’enceinte s’élevant à cinq ou six mètres de haut puis il est agrandi vers le Nord par Thoutmosis III avant de prendre son allure définitive sous Ramsès II qui le prolonge vers le Sud. A son apogée, le Village occupe une superficie de 5600 m2.
Toutes les voies d’accès qui mènent au Village sont consciencieusement surveillées et gardées par une police spéciale, les medjayou, répartie dans cinq fortins. La confrérie qui "se cache" en ces lieux bénéficie de toute l’attention du roi régnant et de sa puissante protection. Toutes les mesures les plus efficaces sont prises pour que les ouvriers de Pharaon créent le royal hypogée loin des yeux et des oreilles. Seuls les habitants de la communauté ont le droit de franchir l’unique porte d’accès située au Nord de l’enceinte du Village.
Une fois cette porte dépassée, une longue rue partage le Village en deux et s’achève à l’autre extrémité, au Sud près de 140 m plus loin, seules deux rues perpendiculaires à cet axe médian permettent d’accéder à l’Ouest et à l’Est du Village (50 m d’Est en Ouest).
La "grande rue" est toutefois très peu large, certains pensent qu’elle était peut-être couverte mais il est certain que la circulation doit y être bien difficile au vu de son étroitesse. Actuellement on a dénombré 68 maisons (probablement 70 sous Ramsès II) presque toutes bâties selon le même plan à quelques variantes près. Les murs sont faits de petits blocs de pierre reliés entre eux par de la mouna et peints en blanc, ils s’élèvent à près de 2,50 m et leur partie supérieure est faite en brique. La hauteur d’une maison peut varier entre 3 et 5 m et le toit est plat afin de pouvoir être utilisé comme terrasse.
Pour contrecarrer les mauvais esprits, il n’est pas rare de voir certains montants de porte peints en rouge tandis que les linteaux sont gravés au nom du propriétaire des lieux, les hiéroglyphes pouvant eux aussi être tracés en rouge (il arrive aussi de trouver le nom du propriétaire sur une colonne ou sur un di pinto décorant le mur d’une pièce).
L’accès à la demeure se fait par deux ou trois petites marches en contre bas. Le seuil peut être en bois ou en pierre mais une fois à l’intérieur, le sol est de terre battue sauf, bien sûr, dans les maisons les plus nanties où le plancher peut être de bois peint. La porte qui protège l’accès à la maison peut être soit à un vantail unique soit à deux vantaux symétriques toutes deux condamnables par un verrou (voir un bon exemple dans le jeu l’Enigme de la Tombe). Conçue en longueur, cette demeure offre une surface habitable allant de 40 m2 pour la plus modeste à 120 m2 pour la plus luxueuse, la moyenne se situant dans les 72 m2. Les célibataires occupent des demeures modestes, les chefs d'équipe ou les scribes ayant droit, vu leur position, à une maison plus spacieuse.
Une maison de Deir el-Medineh
La première pièce couvre entre 8 et 24 m2, la première curiosité qui s’offre au regard est une structure en brique de forme généralement rectangulaire et s’élevant jusqu’au plafond évoquant ainsi l’aspect d’un lit à baldaquin muni de quelques marches. La fonction de cet élément reste encore incertaine, on pense qu’il pourrait s’agir d’un lit rituel utilisé par les parturientes, élément symbolique pouvant participer par sa présence physique à la perpétuité des générations futures. La décoration tend à prouver cette éventuelle possibilité dans la mesure où le dieu Bès, ce petit nain difforme associé à la sexualité, à la naissance et à la famille a souvent été représenté sur les parois de l’édifice. Six maisons du Village ont livré des images de cette divinité porteuse d'une force symbolique très puissante. Mais peut-on y voir, selon certains auteurs, une sorte de petite chapelle consacrée au culte des ancêtres car la pièce est aussi munie de petites niches destinées à recevoir les statues des dieux familiers ou des aïeux de la famille. La confrérie apporte un grand soin à honorer le culte de ses ancêtres, ceux qu'on nommait les esprits lumineux et efficaces et à qui l'on réserve des stèles ou des statues spécifiques. Destinée aux dévotions à caractère familial, cette pièce est une manifestation primordiale de la piété développée par les anciens égyptiens.

La seconde pièce est accessible par une volée de deux ou trois marches montantes cette fois-ci et c’est, de loin, la pièce la plus grande de la demeure d’une superficie allant de 14 à 26 m2. Là aussi, des niches peuvent être aménagées dans les murs, souvent dédiées au saint patron Amenhotep I. On peut y voir aussi une stèle fausse porte tandis qu’une colonne (parfois plusieurs) occupe le centre de la pièce, posée sur un socle de pierre, faite en calcaire ou bois et supportant le toit. Celui-ci est constitué de feuilles de palmier posées sur des troncs d’arbre et d’astucieuses petites ouvertures percées entre le toit et le mur laissent passer la lumière et surtout l’air frais lorsqu’il souffle avec bonheur du Nord. C’est un peu ce système de fenêtre a claustra que l’on retrouve dans la Grande Salle Hypostyle de Karnak.
Une petite banquette court le long d’un mur faisant office de "canapé" pour recevoir les invités ou de lit, la nuit. Sous ce divan, dans certaines demeures, notamment au nord-ouest, une petite cave-cellier est creusée afin d’entreposer vaisselle ou denrées diverses. Dans cette seconde pièce, on peut trouver aussi, selon les moyens de la famille, des coffres destinés à recevoir les vêtements ou les articles de toilette nécessaires à une bonne hygiène quotidienne.
Puis un petit couloir mène à une ou deux autres pièces assez exiguës pouvant servir de débarras ou de chambre à coucher, probablement pour les femmes).
Enfin, tout au fond de la maison, la cuisine se présente comme une cour à ciel ouvert. C’est à cet endroit que l’on fit les découvertes les plus significatives : four, poteries diverses, petit silo à grains, etc.
De cette pièce s’élève l’escalier qui mène au toit-terrasse, peut-être l’un des endroits les plus utilisés par les membres de la famille. D’ailleurs, l’Egypte moderne a conservé cette ancestrale coutume et la terrasse est toujours un lieu où l‘on aime venir se reposer, se détendre après une journée de dur labeur, se réunir entre amis ou en famille ou tout simplement dormir lorsque les nuits sont trop étouffantes. Cet espace en plein air peut aussi servir de salle à manger, d’entrepôt pour faire sécher le grain ou d’étendoir pour faire sécher le linge. Peut-être même sert-il de moyen pour se déplacer, de toit en toit, de maison en maison dans la mesure où chaque terrasse doit à peu près être au même niveau que ses voisines ! Un excellent moyen de faciliter les communications, de faire circuler les nouvelles ou tout simplement d’éviter une rue principale trop étroite et un peu trop engorgée !
A ce moment du récit, Nakhtamon reprend son souffle, il ose un regard vers Ramsès.
Celui-ci le scrute d’un œil amusé mais fleurant la bienveillance la plus rassurante. Enhardi, Nakhtamon continue :
Ces demeures ne sont pas habitées pas plus de quatre ou cinq personnes, le père, la mère et deux ou trois enfants. (Certains auteurs ont tendance à supposer que la cellule familiale est nettement plus complexe comprenant parfois six ou sept enfants mais il faut tenir compte de la mortalité infantile très importante). Parfois, un membre de la famille plus éloigné rejoint le clan, soit acculé par un divorce qui l’a mis à la rue, soit endeuillé par un décès qui le laisse démuni. La solidarité et la cohésion familiale ne sont pas de vains mots. Voici ce que l'on peut lire sur un fragment de calcaire retrouvé, un message de réconfort écrit par un père soucieux du devenir de sa fille et peut-être inquiet pour son ménage :
"Si ton mari te chasse de sa maison, tu peux aller vivre dans une pièce de ma resserre, car c'est moi qui l'ai construite."
Le mobilier qui décore ces maisons varie, bien sûr, selon les moyens de la famille mais dans l’ensemble il est restreint et se limite à quelques meubles de facture très simple mais de bonne qualité :
Le tabouret est le siège le plus commun, comme le tabouret bas composé d’un siége canné ou le tabouret pliant en X dont on a trouvé un exemplaire dans la tombe de Sennefer. Mais l’on trouve aussi des chaises aux pieds décorés ou simples dont le dos peut-être dessiné et dont les éléments sont assemblés par un ingénieux système de tenons et de mortaises. Le mobilier de rangement se résume à des coffres plus ou moins grands, à un ou plusieurs compartiments et souvent munis d’un couvercle à glissière. Ils permettent de ranger linge de toilette, vêtements, articles de beauté ou bijoux.
Mais l’élément capital du mobilier reste toutefois ce fameux appuie-tête qui nous intrigue tant il peut sembler inconfortable comparé à nos doux oreillers ! Fait de bois, de calcaire ou d’ivoire, il est légèrement surélevé afin de protéger la tête du dormeur des insectes malvenus et l’on a retrouvé un très grand nombre de chevets de toutes sortes dans les tombes.
Indispensable et attachée à plusieurs usages, la natte est incontournable : elle peut servir de matelas pour la nuit, on peut la fixer sur un porte pour faire office de rideau, parfois aussi, on l'étend pour servir de nappe. L'Egyptien la transporte partout avec lui et l'expression veut qu'il la porte sur ses épaules lorsqu'il se déplace.

Les éléments pratiques de la vie quotidienne comme la vaisselle de métal ou de pierre, les instruments de cuisine nous sont parvenus en grand nombre : des poteries diverses, des jarres de stockage, des jarres à bière, des gobelets pour boire, des bouteilles dont le type étranger, cananéen ou mycénien, traduit les rapports étroits que les égyptiens entretiennent avec leurs voisins, des vases à onguents, des amphores à vin inscrites de manière très détaillée et qui nous livrent une foule de renseignements sur la provenance du liquide, le domaine qui l’a produit, le type de vignes dont il est issu et le nom du propriétaire, des coupes, des spatules ou des cuillères.
Très pratiques, largement utilisés et pas si éloignés de leurs modernes reproductions, les paniers, corbeilles et autres objets de vannerie ont été retrouvés en grand nombre. Les matériaux employés varient du jonc robuste en passant par la paille d’alfa la plus économique pour arriver au papyrus le plus précieux.
En tant qu’ouvriers spécialisés, on peut penser que les artisans de Deir el-Medineh ont tout fait pour rendre leur cadre de vie le plus agréable possible. Tous les instants qui ne sont pas accordés au creusement de l’hypogée royal sont sûrement réservés, d’une part à l’élaboration de leurs propres sépultures comme nous le verrons un peu plus loin (nécropole de l'Ouest) mais aussi à l’amélioration constante de leur habitat.
On a pu constater que les maisons avaient subi au hasard des fluctuations et des besoins de leurs propriétaires des modifications, des agrandissements propres à leur apporter un plus grand confort. N'étaient-ils pas les mieux placés pour de tels travaux et probablement devaient-ils s'aider, échangeant leurs compétences et leur savoir-faire :
"An 3, troisième mois de shemou, jour 16. Ce que l'ouvrier Paneb a donné au dessinateur pour le travail de construction accompli chez moi : une salle de tavail et un autre mur..." (Trad. Varille)











Emporté dans son élan, animé par la passion qui toute entière enflamme son récit, Nakhtamon ne peut endiguer le flot de paroles qui déferlent de sa bouche bavarde.
Ramsès semble sous le charme et, soudain, il réalise combien l'exercice du pouvoir l'éloigne de ce petit peuple si attachant.
Pharaon est encore un jeune roi plein d'ambition, nourri des expériences de son père, le défunt Seti I.
Très précocément associé à tous les faits tant guerriers que diplomatiques de celui-ci, le futur Pharaon a suivi son modèle dans ses campagnes à l'étranger, a présidé à ses côtés de nombreux conseils mais jamais encore, il n'avait côtoyé d'aussi près ces hommes qui font la terre de Kemet,
ces hommes et ces femmes qui vouent à leur Pharaon un tel amour, une confiance si absolue
que la mission qui lui a été confiée par les dieux au moment de son intronisation lui paraît bien lourde maintenant !


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