"L’homme y passe
à travers des forêts de symboles
qui l’observent avec des regards familiers"
Les Chateaux des Millions d'Années
Retour Plan Arts et Monuments

A quoi bon, direz-vous, parler ou plutôt écrire à propos de quelque chose qui n’existe plus, que l’on a du mal à se représenter et dont on ne peut évaluer l’image qu’avec beaucoup de difficulté et d’incertitude ?
Tout simplement parce que ces vestiges d’un passé prestigieux,
aujourd’hui réduits à l’état de deux statues tristement endommagées et à quelques pierres gisant à terre méritent notre attention posthume dans la mesure où,
en leur temps, ils ont connu leur heure de gloire et que les vicissitudes du temps alliées à la rapacité des hommes ne sauraient avoir le dernier mot !
Visite du Château d'Amenhotep III
Les Colosses de Memnon
Le temple de Merenptah

Visite de Medinet-Habou
Le Ramesseum
La visite du Ramesseum
Album Ramesseum
Album Medinet-Habou/Memnon
LE CHATEAU D'AMENHOTEP III
Il est bien dommage que les ravages du temps qui passe et de la terre qui gronde anéantissent les œuvres des hommes. Peut-être n’est-ce que justice en ce bas monde, mais, s’il avait pu survivre jusqu’à nous, nous aurions sûrement été fortement impressionnés par le Château des Millions d’Années d’Amenhotep III, le plus grand des temples funéraires jamais construits. Il fut élevé, contrairement à ses confrères, sur un terrain non plus situé au bord du désert mais sur un espace en grande partie cultivable. Nous ignorons encore quand les travaux commencèrent mais l’on peut supposer sans trop se tromper qu’ils occupèrent une bonne partie du règne de Pharaon et, qu’à son décès, l’œuvre n’était pas encore achevée. Toujours est-il que de ce gigantesque temenos, seules deux colossales statues appelées les Colosses de Memnon ont survécu et brandissent encore leur haute stature au regard admiratif des touristes
Le temenos et le temple funéraire
Le mur d’enceinte du temenos mesurait près de neuf mètres d’épaisseur, une véritable forteresse, muraille qui protégeait un espace s’étendant sur près de 385 000 m2 ! Les limites méridionale et septentrionale n’ont pas été arrêtées avec précision mais l’on peut penser que le complexe commençait au Nord à l’endroit où l’on a retrouvé les vestiges gisant à terre de deux statues délimitant probablement l’accès au temple de Ptah-Sokaris. Quant aux limites Est et Ouest, on peut affirmer que les deux colosses encore debout marquaient l’entrée Est du temple funéraire.
Un temenos aussi vaste devait bien englober de nombreux édifices tels que le temple funéraire proprement dit, le temple dédié au dieu Ptah-Sokaris, des magasins, des habitations réservées au personnel, des écuries, une caserne, des étangs, des bassins, tous ces éléments étant attestés sur une stèle d’Amenhotep III retrouvée dans le temple voisin de Merenptah.
Le temple funéraire complètement détruit a pu être défini d’après les relevés des statues et autres vestiges trouvés sur le site. Ainsi, aurait-on pu admirer trois grands pylônes construits en briques crues, précédés de trois avant-cours et débouchant sur une dernière et vaste cour, la seule dont on puisse affirmer avec plus ou moins de certitude l’apparence : elle était bordée, à l’ouest de quatre rangées de colonnes papyriformes de près de 14 m de haut entre lesquelles s’intercalaient des statues osiriaques de Pharaon. Les autres côtés de la cour était entourés de trois rangées seulement de colonnes.
La salle hypostyle a pu être attestée et on l’a supposée munie à l’époque de colonnes en papyrus ouvert alignées probablement sur trois rangées.
Heureusement pour nous, tout n’est pas perdu, et les nombreuses statues retrouvées sur le site, leur qualité et leur diversité font le bonheur des archéologues et des égyptologues. Amenhotep, fils de Hapou, le grand ordonnateur du temple de Louxor, scribe et architecte attitré d’Amenhotep III raconte comme sans imiter ce qui fut fait avant, il mit toute son énergie et son talent à produire des statues pour son Roi.
Ainsi deux colossales statues devaient garder chacun des trois pylônes, des colosses en quartzite et granit rouge tandis que d’autres retrouvées brisées au sol devaient marquer les limites septentrionales de l’enceinte à l’endroit où s’élevait le temple de Ptah-Sokaris.
La grande cour abritait aussi de gigantesques stèles, stèle du Sud et stèle du Nord sur lesquelles étaient gravées les intentions de Pharaon adressées à Amon ou à Ptah-Sokaris, précieux témoignages pour les savants d’aujourd’hui de la volonté royale :
" Il lui (pour Amon) fit construire un temple sur la rive occidentale de Thèbes, une forteresse d’éternité… de grès entièrement revêtu d’or. Son pavement est en argent, toutes ses portes sont en électrum. Il était richement orné de statues du maître en granit, en grès et toutes sortes de pierres précieuses…"
Outre ces colosses royaux, l’on trouva aussi un nombre impressionnant de statues divines représentant une bonne partie du panthéon égyptien : des statues de la lionne Sekhmet en grande quantité, des sphinx à tête ou à corps de crocodile, une statue d’hippopotame imageant probablement la déesse Thouéris, des statues à tête de serpent, de chacal ou d’ibis.
Mais, ce temple ne devait pas survivre longtemps à son fondateur. Dès la fin de la période ramesside, les activités qui animaient ce type de construction avaient pris fin, et déjà, certaines parties du temple furent détruites sous le règne de Merenptah qui n’hésita pas à utiliser les matériaux pour son propre compte (mais les opinions divergent sur ce point) d’autant plus qu’un tremblement de terre semblait déjà bien avoir endommagé une grande partie du complexe.

LES COLOSSES DE MEMNON
Ces colossales statues, que l’on doit encore à la diligence d’Amenhotep fils de Hapou et qui se dressent toujours, imperturbables et indifférentes au trafic les entourant, dominaient un ensemble aujourd’hui disparu comme nous l’avons vu plus haut. Hautes de près de vingt mètres, sculptées dans du grès silicifié, elles traduisaient jadis la puissance royale et sont, en quelque sorte, devenues les gardiennes les plus impressionnantes de la Vallée occidentale thébaine. Pharaon est ainsi représenté assis sur son trône dont l’un des flancs est orné du fameux Sema-Taouy déjà étudié sur le trône du colosse de Ramsès II à Louxor. A ses côtés, de dimensions nettement plus réduites, les représentations en ronde-bosse de sa mère Moutemouia et de son épouse, la Reine Tiyi.
Le colosse Sud portait le nom de Souverain des Souverains, celui du Nord fut fragilisé en l’an 27 avant J.-C. par un tremblement de terre qui le fissura. Alors, la légende des Colosses de Memnon vint à l'esprit des hommes : tous les matins, à l’aurore naissante, le Colosse entamait un bruit singulier que l’imagination fertile de ses admirateurs transforma en une longue plainte. Comme il fallait bien trouver une explication, l’on avança la fameuse légende du héros Memnon, roi d’Ethiopie, assassiné par Achille alors qu’il allait secourir le ville de Troie. Heureusement, la belle Aurore, sa mère, ressuscita l’enfant chéri et lui conféra l’immortalité. Ainsi, naquit la confusion et l’on attribua au colosse d’Amenhotep III, l’identité de Memnon, le héros malheureux offrant à sa mère Aurore, une longue supplique matinale :
" C’est un son de cordes de cithare qui se cassent. Le phénomène a été expliqué par la présence, dans le bloc de quartzite dont est faite la statue, de cristaux qui travaillent sous l’effet des différences de température entre le jour et la nuit, vraiment très grandes dans cette contrée." D’après Barocas.
Strabon lui aussi fut impressionné par cet étrange phénomène :
" Ici, à Thèbes, il y a aussi deux colosses monolithes, l’un à côté de l’autre. L’un des deux est intact, tandis que l’autre a perdu la partie supérieure, au-dessus du siège, sous l’effet, dit-on, d’un tremblement de terre. Il est devenu célèbre parce que une fois par jour, il sort, de la partie restée en place, un son qui ressemble à un léger coup. Moi-même, lorsque je me suis trouvé là en compagnie d’Hélios Gallus, j’ai entendu ce son vers la première heure du jour. "
De nombreux visiteurs antiques déposèrent leurs signatures sur les socles de ces colosses dont l’empereur Hadrien. En l’an 199 après J.-C., Septime Sévère fit restaurer la statue bavarde, l’étrange miracle prit fin mais la légende continua de courir à travers les siècles et, de nos jours encore, ces deux statues portent le nom de Colosses de Memnon. Tradition, quand tu nous tiens !
LE PALAIS ROYAL DE MALQATA
Notre petite visite en compagnie d’Amenhotep III ne saurait s'achever sans faire halte du côté de Malqata, au sud-ouest de Medinet-Habou où Pharaon fit construire un palais grandiose aujourd’hui complètement détruit. Qu’à cela ne tienne, NebMaâtRê/Amenhotep III nous fait les honneurs de sa prestigieuse résidence.
En l’an 30 de son règne, à Malqata, mot arabe signifiant lieu où des choses ont été ramassées, Amenhotep III ordonna la construction d’un complexe qui devint une véritable cité au sein de laquelle s’élevait le beau palais royal, la maison d’allégresse, le domaine de la joie. Et il y avait bien de quoi se perdre tant ce palais était vaste : on pénétrait d’abord dans une grande cour baignée par les rayons de l’astre divin et… l’on se perdait ensuite dans le dédale des pièces qui se succèdaient telles plusieurs salles d’audience, une salle du trône, des salles hypostyles, les appartements privés de Pharaon indépendants de ceux de la Reine Tiyi, des salles annexes indispensables à la bonne marche du palais avec des ateliers, des magasins, des greniers et une nombreuse intendance. La décoration était somptueuse, les appartements royaux étaient un enchantement pour les yeux, murs, plafonds, sols étaient ornés des plus belles représentations bucoliques et champêtres, des pièces étaient réservées aux nombreux invités qui ne cessaient d’affluer dans ce palais des mille et une nuits, même Amon était présent à qui l’on avait réservé un beau temple au Nord du palais.
A proximité de la Résidence, à Birket-Habou, un superbe lac étalait ses eaux soyeuses et miroitantes, c’était le joyau de Pharaon à la fois petit port desservant le palais et lac de plaisance où Pheaon se plaisait à naviguer en compagnie de son épouse. Et si l’on en croit les scarabées commémoratifs de NebMaâtRê, ce lac aux dimensions impressionnantes fut creusé en quinze jours ! Et, une fois de plus, nous devons ce prodige à l’immense talent d’Amenhotep fils de Hapou, le bâtisseur infatigable de son Maître Pharaon, celui qui a établi durablement le nom du roi !
LE TEMPLE DE MERENPTAH
Merenptah était l’un des nombreux fils de Ramsès II et sa mère n’était autre que la belle Isisnofret. Son règne fut très court, à peine une dizaine d’années mais il eut cependant le temps de faire construire un Château des Millions d’Années à proximité de celui de son ancêtre Amenhotep III. Quelques ruines sont encore visibles et l’on retrouve dans les plans d’ensemble de son complexe une certaine influence venue du Ramesseum.
Ce temple a beaucoup souffert de la rapacité des chaufourniers qui n’ont pas hésité à le démanteler lamentablement pour leur usage personnel. F. Pétrie fut l’un des premiers à se pencher sur l’étude de ces ruines et il réussit à tracer un plan de l’ensemble du complexe d’après les vestiges restés en place. Il en conclut que Merenptah n’avait pas hésité à réemployer des matériaux issus du temple voisin d’Amenhotep III. Cette allégation communément admise fut remise en cause par les recherches approfondies de l’Institut Suisse de Recherches architecturales de l’ancienne Egypte. En effet, les gros blocs de calcaire retrouvés dans le temple de Merenptah ne proviendraient pas directement du temple funéraire d’Amenhotep III mais plutôt du temple dédié à Ptah-Sokaris et situé un peu plus à l’Ouest, à la limite de l’enceinte d’Amenhotep III.
Malgré tout, les recherches de cet Institut ont permis de dégager les grandes lignes d’ensemble de ce temple décomposé : un pylône, une première cour probablement munie de salles hypostyles à proximité desquelles devait se trouver le palais royal construit en briques crues, une seconde cour flanquée de piliers osiriaques, le temple funéraire proprement dit et le sanctuaire dédié au dieu, le saint des saint composé de trois salles.
Dans la première cour supposée de ce temple, Pétrie mit à jour la fameuse stèle de Merenptah où Pharaon raconte son triomphe contre les Peuples de la Mer qui avaient envahi l’Egypte vers l’an V de son règne.
Si le fils a laissé bien peu de traces de son passage en ce lieu, le père, le Grand Ramsès II, fidèle à la démesure qui l’accompagna durant tout son règne, n’a pas manqué d’édifier un Château des Millions d’Années, heureusement encore en partie visible de nos jours et d’une telle beauté que bien longtemps après son passage sur terre, on en parlait encore à l’époque païenne comme l’un des hauts lieux touristiques qu’il fallait absolument avoir vu. Champollion, bien plus tard encore, ne fut pas insensible à son charme et il tomba éperdument amoureux de ce temple qu’il baptisa Ramesseum, le plus prestigieux d’entre tous les temples funéraires de la Vallée Occidentale.
© Reproduction des textes non autorisée sans le consentement de son auteur. Meretseger