LE CHATEAU D'AMENHOTEP III
Il est bien dommage que les ravages du temps qui passe et de la terre qui gronde anéantissent les œuvres des hommes. Peut-être n’est-ce que justice en ce bas monde, mais, s’il avait pu survivre jusqu’à nous, nous aurions sûrement été fortement impressionnés par le Château des Millions d’Années d’Amenhotep III, le plus grand des temples funéraires jamais construits. Il fut élevé, contrairement à ses confrères, sur un terrain non plus situé au bord du désert mais sur un espace en grande partie cultivable. Nous ignorons encore quand les travaux commencèrent mais l’on peut supposer sans trop se tromper qu’ils occupèrent une bonne partie du règne de Pharaon et, qu’à son décès, l’œuvre n’était pas encore achevée. Toujours est-il que de ce gigantesque temenos, seules deux colossales statues appelées les Colosses de Memnon ont survécu et brandissent encore leur haute stature au regard admiratif des touristes
Le temenos et le temple funéraire
Le mur d’enceinte du temenos mesurait près de neuf mètres d’épaisseur, une véritable forteresse, muraille qui protégeait un espace s’étendant sur près de 385 000 m2 ! Les limites méridionale et septentrionale n’ont pas été arrêtées avec précision mais l’on peut penser que le complexe commençait au Nord à l’endroit où l’on a retrouvé les vestiges gisant à terre de deux statues délimitant probablement l’accès au temple de Ptah-Sokaris. Quant aux limites Est et Ouest, on peut affirmer que les deux colosses encore debout marquaient l’entrée Est du temple funéraire.
Un temenos aussi vaste devait bien englober de nombreux édifices tels que le temple funéraire proprement dit, le temple dédié au dieu Ptah-Sokaris, des magasins, des habitations réservées au personnel, des écuries, une caserne, des étangs, des bassins, tous ces éléments étant attestés sur une stèle d’Amenhotep III retrouvée dans le temple voisin de Merenptah.
Le temple funéraire complètement détruit a pu être défini d’après les relevés des statues et autres vestiges trouvés sur le site. Ainsi, aurait-on pu admirer trois grands pylônes construits en briques crues, précédés de trois avant-cours et débouchant sur une dernière et vaste cour, la seule dont on puisse affirmer avec plus ou moins de certitude l’apparence : elle était bordée, à l’ouest de quatre rangées de colonnes papyriformes de près de 14 m de haut entre lesquelles s’intercalaient des statues osiriaques de Pharaon. Les autres côtés de la cour était entourés de trois rangées seulement de colonnes.
La salle hypostyle a pu être attestée et on l’a supposée munie à l’époque de colonnes en papyrus ouvert alignées probablement sur trois rangées.
Heureusement pour nous, tout n’est pas perdu, et les nombreuses statues retrouvées sur le site, leur qualité et leur diversité font le bonheur des archéologues et des égyptologues. Amenhotep, fils de Hapou, le grand ordonnateur du temple de Louxor, scribe et architecte attitré d’Amenhotep III raconte comme sans imiter ce qui fut fait avant, il mit toute son énergie et son talent à produire des statues pour son Roi.
Ainsi deux colossales statues devaient garder chacun des trois pylônes, des colosses en quartzite et granit rouge tandis que d’autres retrouvées brisées au sol devaient marquer les limites septentrionales de l’enceinte à l’endroit où s’élevait le temple de Ptah-Sokaris.
La grande cour abritait aussi de gigantesques stèles, stèle du Sud et stèle du Nord sur lesquelles étaient gravées les intentions de Pharaon adressées à Amon ou à Ptah-Sokaris, précieux témoignages pour les savants d’aujourd’hui de la volonté royale :
" Il lui (pour Amon) fit construire un temple sur la rive occidentale de Thèbes, une forteresse d’éternité… de grès entièrement revêtu d’or. Son pavement est en argent, toutes ses portes sont en électrum. Il était richement orné de statues du maître en granit, en grès et toutes sortes de pierres précieuses…"
Outre ces colosses royaux, l’on trouva aussi un nombre impressionnant de statues divines représentant une bonne partie du panthéon égyptien : des statues de la lionne Sekhmet en grande quantité, des sphinx à tête ou à corps de crocodile, une statue d’hippopotame imageant probablement la déesse Thouéris, des statues à tête de serpent, de chacal ou d’ibis.
Mais, ce temple ne devait pas survivre longtemps à son fondateur. Dès la fin de la période ramesside, les activités qui animaient ce type de construction avaient pris fin, et déjà, certaines parties du temple furent détruites sous le règne de Merenptah qui n’hésita pas à utiliser les matériaux pour son propre compte (mais les opinions divergent sur ce point) d’autant plus qu’un tremblement de terre semblait déjà bien avoir endommagé une grande partie du complexe.
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LES COLOSSES DE MEMNON
Ces colossales statues, que l’on doit encore à la diligence d’Amenhotep fils de Hapou et qui se dressent toujours, imperturbables et indifférentes au trafic les entourant, dominaient un ensemble aujourd’hui disparu comme nous l’avons vu plus haut. Hautes de près de vingt mètres, sculptées dans du grès silicifié, elles traduisaient jadis la puissance royale et sont, en quelque sorte, devenues les gardiennes les plus impressionnantes de la Vallée occidentale thébaine. Pharaon est ainsi représenté assis sur son trône dont l’un des flancs est orné du fameux Sema-Taouy déjà étudié sur le trône du colosse de Ramsès II à Louxor. A ses côtés, de dimensions nettement plus réduites, les représentations en ronde-bosse de sa mère Moutemouia et de son épouse, la Reine Tiyi.
Le colosse Sud portait le nom de Souverain des Souverains, celui du Nord fut fragilisé en l’an 27 avant J.-C. par un tremblement de terre qui le fissura. Alors, la légende des Colosses de Memnon vint à l'esprit des hommes : tous les matins, à l’aurore naissante, le Colosse entamait un bruit singulier que l’imagination fertile de ses admirateurs transforma en une longue plainte. Comme il fallait bien trouver une explication, l’on avança la fameuse légende du héros Memnon, roi d’Ethiopie, assassiné par Achille alors qu’il allait secourir le ville de Troie. Heureusement, la belle Aurore, sa mère, ressuscita l’enfant chéri et lui conféra l’immortalité. Ainsi, naquit la confusion et l’on attribua au colosse d’Amenhotep III, l’identité de Memnon, le héros malheureux offrant à sa mère Aurore, une longue supplique matinale :
" C’est un son de cordes de cithare qui se cassent. Le phénomène a été expliqué par la présence, dans le bloc de quartzite dont est faite la statue, de cristaux qui travaillent sous l’effet des différences de température entre le jour et la nuit, vraiment très grandes dans cette contrée." D’après Barocas.
Strabon lui aussi fut impressionné par cet étrange phénomène :
" Ici, à Thèbes, il y a aussi deux colosses monolithes, l’un à côté de l’autre. L’un des deux est intact, tandis que l’autre a perdu la partie supérieure, au-dessus du siège, sous l’effet, dit-on, d’un tremblement de terre. Il est devenu célèbre parce que une fois par jour, il sort, de la partie restée en place, un son qui ressemble à un léger coup. Moi-même, lorsque je me suis trouvé là en compagnie d’Hélios Gallus, j’ai entendu ce son vers la première heure du jour. "
De nombreux visiteurs antiques déposèrent leurs signatures sur les socles de ces colosses dont l’empereur Hadrien. En l’an 199 après J.-C., Septime Sévère fit restaurer la statue bavarde, l’étrange miracle prit fin mais la légende continua de courir à travers les siècles et, de nos jours encore, ces deux statues portent le nom de Colosses de Memnon. Tradition, quand tu nous tiens ! |