"L’homme y passe
à travers des forêts de symboles
qui l’observent avec des regards familiers"

Les Chateaux des Millions d'Années
Le Ramesseum
La visite du Ramesseum
Visite du Château d'Amenhotep III
Les Colosses de Memnon
Le temple de Merenptah

Visite de Medinet-Habou
Album Ramesseum
Album Medinet-Habou/Memnon
R
etour Plan Arts et Monuments
Quelques repérages
Le Château de Millions d’années d’Ouser-Maât-Rê-Setepen-Rê qui s’unit à Thèbes dans le domaine d’Amon à l’Occident, tel est le nom complet de ce majestueux temple qui s’élève à la lisière du désert entre le village de Gournah et les champs verdoyants de la Vallée du Nil. Il fut conçu par Ramsès II, bien sûr, secondé en cette tâche par Nebounenef, Grand Prêtre de Karnak, Ounenefer, Grand Prêtre d’Abydos et le scribe Ramose. Ce gigantesque ouvrage s’étend, dépendances comprises, sur une superficie de plus de cinq hectares. Son orientation Est-Ouest peut surprendre car si l’on observe le plan, il est clair que le rectangle décrit par l’ensemble du temple montre une légère déviation probablement dans le but de respecter l’orientation du temple (A) dédié par Ramsès II à Mout-Touy, sa mère et à Nefertari, son épouse, temple construit sur une chapelle projetée par Seti I mais dont la finalité fut autre sous Ramsès II.
Le complexe comprend le temple (A) proprement dit, le Palais royal (B), le mammisi de Mout-Touy et Nefertari (C), les dépendances et magasins divers formant le secteur économique du complexe.
Le mur d’enceinte, le port et le portail
L’entrée du temple s’effectue par l’Est et comme tout temple égyptien, il est protégé par un mur d’enceinte dont il ne reste malheureusement que très peu de traces, les seules reconnues étant celles situées à l’Ouest. De plus, des fouilles ont mis à jour l’existence d’un dromos entourant le complexe sur trois de ses côtés, Sud, Ouest et Nord, allée supposée de sphinx se faisant face et permettant un passage entre le mur d’enceinte et les dépendances.
Tout comme le mur d’enceinte, le port et le portail qui précédaient le pylône d’entrée ne peuvent être que supposés dans la mesure où il ne reste pas grand chose de visible. La seule preuve qui subsiste nous est apportée lors de la visite de la tombe à Gournah d’un certain Nedjemger, inspecteur des jardins dans le domaine d’Amon. Les reliefs et peintures qui tapissent les parois de sa tombe décrivent, entre autres, un portail et de beaux jardins verdoyants.
VISITE DU RAMESSEUM PLAN DE VISITE
A. LE TEMPLE
(1) Le pylône d’entrée
Le pylône d’entrée marquait, jadis, l’entrée du temple. Les visiteurs modernes n’ont plus le privilège d’accéder au temple par ce majestueux pylône car, très dégradé et en partie effondré, son état précaire n’autorise plus les touristes à le franchir, l’entrée se faisant par les magasins. Pour la toute première fois dans l’histoire des temples égyptiens, les architectes royaux abandonnèrent pour édifier les pylônes du Ramesseum l’emploi de la brique crue au profit de la pierre. Malgré tout, ce pylône reste imposant et digne d’intérêt dans la mesure où il présente sur sa face interne (a) plusieurs scènes illustrant la célèbre bataille de Kaddesh que Pharaon livra contre les Hittites en l’an V de son règne. Cet épisode fameux où finalement aucun des deux camps en lice ne sortit véritablement vainqueur fut traduit par Pentaour, scribe de Pharaon, qui, probablement sous la dictée de son maître, raconta avec emphase les exploits royaux pour le moins miraculeux. D’autres faits guerriers sont mis à l’honneur sur le môle Nord de ce pylône, exaltant les expéditions militaires que Ramsès II, en l’an VIII de son règne, mena contre quelques cités syriennes un peu trop récalcitrantes.
(2) La première cour
Faisant suite au premier pylône, cette vaste cour est un témoignage considérable qui démontre à quel point le temple était voué à l’exaltation du pouvoir royal. Ceinte à l’origine par des murs épais, elle proposait sur son côté Nord (b) un portique de piliers osiriaques représentant Ramsès II en costume d’apparat, vêtu du pagne cérémoniel. A ses côtés, la représentation de deux de ses enfants. De l’autre côté de la cour, au Sud, un autre portique (c) présente un ensemble de colonnes à chapiteaux ouverts et, derrière elles, s’étend le Palais royal (B) sur lequel nous reviendrons plus loin.
En face de nous, au fond de cette cour, s'élève le second pylône et devant lui se dressaient, à l’origine, deux fabuleux colosses (d) : au pied du môle Sud, un de ces colosses, d’une hauteur de près de neuf mètres n’existe plus, il représentait la mère de Ramsès II, la Reine Mout-Touy. A ses côtés, à gauche, toujours au pied du môle Sud, l’autre représentait Ramsès II, assis sur un piédestal, vêtu d’un pagne et arborant le nemes. Sa hauteur spectaculaire de près de seize mètres en faisait la statue la plus gigantesque avec celles des Colosses de Memnon. La monumentalité de cette statue a fait dire à Diodore de Sicile, fortement impressionné :
" Un des pieds mesurait plus de sept coudées et la statue dépassait en grandeur toutes les autres statues d’Egypte."
De nos jours, elle gît à terre et on a longtemps cru qu’un violent séisme était à l’origine de cette chute. Pourtant, l’orientation de cette chute laisse perplexes géologues et chercheurs qui préfèrent axer leurs recherches sur une intention délibérée de la part de certains de voir ce colosse à terre. De récentes études ont pu démontrer, en outre, que cette statue fut probablement débitée par des carriers. Christian Leblanc, directeur de la Mission archéologique du CNRS pour la sauvegarde du Ramesseum pense fortement qu’il y a eu intention délibérée probablement à l’époque chrétienne d’attenter aux colosses de Ramsès II et aux statues osiriaques de la seconde cour décapitées volontairement.
Certains égyptologues, dont Nicolas Grimal, pensent que le môle Nord du second pylône devait supporter lui aussi, un autre colosse de Ramsès II. Toutefois, aucune preuve ne vient étayer, à ce jour, cette supposition.
(3) Le second pylône
Une volée de marches permettait de franchir le porche du second pylône. Fortement endommagé, seul le môle Nord de cet ouvrage a subsisté : il présente des scènes racontant la célébration de la fête donnée en l’honneur du dieu Min (e). Je vous propose d’en retrouver les principaux épisodes ici évoqués par C. Desroches-Noblecourt dans son CD-Rom sur Ramsès II.
Le reste de la paroi est consacré, de nouveau, à la célébration de la bataille de Kaddesh.
(4) La seconde cour
Lorsque nous sommes au cœur de cette cour, quatre portiques nous entourent : au Nord et au Sud, nous découvrons une double rangée de colonnes fasciculées à chapiteaux ouverts (f). A l’Est et à l’Ouest, ce sont des piliers osiriaques représentant Pharaon gainé dans un suaire sous l’aspect momiforme d’Osiris (g).
Je vous propose de lire ici l’interprétation très intéressante que C. Desroches-Noblecourt donne dans son livre consacré à Ramsès II sur l’ordonnancement de ces deux cours et la signification des différents piliers qui la composent.
Une nouvelle volée de marches nous conduit vers la Salle hypostyle et de chaque côté de cette rampe, deux statues royales prenaient place dont il ne reste que quelques vestiges, la tête de l’une d’elles exposée encore à ce même endroit et le buste de l’autre. C’est ce buste qui fut transporté par Belzoni afin de le protéger de la rapacité des pillards et que l’on exposa au British Museum. Sa facture parfaite trouble encore les visiteurs admiratifs.
(5) La Grande Salle Hypostyle
La façade Ouest de cette cour que nous venons de quitter est percée de trois portes.
La porte centrale permet l’accès à la Grande Salle hypostyle. La partie médiane de cette Salle est composée de deux rangées de six colonnes à chapiteaux papyriformes ouverts. Les nefs latérales sont composées, chacune, de trois rangées de six colonnes à chapiteaux fermés. La beauté de cette Salle réside dans l’extraordinaire chatoiement des couleurs qui ornent les colonnes de la nef centrale, éclat incomparable qui a pu être « rendu à la vie » grâce à l’habile travail du Centre Régional d’Etude et de Traitement des Oeuvres d’Art d’Avignon.
C.Desroches-Noblecourt, toujours dans le même ouvrage précité, interprète la conception de cette salle de manière fort judicieuse :
" Chaque retour de l’Inondation marquait le début d’une nouvelle année, formée de trois saisons de quatre mois, d’où le pays entier, hommes et bêtes, tirait les moyens de l’existence. Ce cycle avait été divisé en douze mois de trente jours plus cinq jours ¼ supplémentaires, lesquels formaient, à raison de trois semaines de dix jours chacun, les trente-six décans des trois saisons… Ramsès avait donc voulu que son hypostyle puisse constituer la charpente du cycle parfait, les douze mois matérialisés par les douze colonnes papyriformes à chapiteaux épanouis… Les douze colonnes étaient flanquées à l’Est et à l’Ouest de dix-huit colonnes plus petites, toujours papyriformes mais à chapiteaux fermés. L’année était ainsi escortée de ses trente-six décans. Ce circuit solaire devait, naturellement, aboutir à la matérialisation du Jour de l’An, mis en relief dans la salle suivante (la salle astronomique)."
Cette Salle était fermée par un mur dont il ne reste qu’un pan au Sud juste à gauche en pénétrant dans l’hypostyle. Cette paroi conservée offre en lecture sur sa face extérieure, côté seconde Cour, différentes scènes dont celle évoquant Ramsès II encadré par Montou et Atoum puis Pharaon recevant les jubilés de la triade thébaine (h).
Sur la paroi Sud-Est du mur, côté donnant sur l’hypostyle, on trouve racontés les exploits de Pharaon contre la cité de Dapour (i).
Quant au mur situé le plus à l’Ouest, il présente sur le môle Sud la remise des sceptres de la royauté au roi par Amon (j) tandis que sur le môle Nord, la déesse Sekhmet coiffe Pharaon du kepresh (k).
(6) La Salle astronomique
Dans la continuité de la Salle hypostyle, on pénètre dans une enfilade de deux salles nettement plus petites, la première étant la Salle astronomique ou appelée aussi Salle des Barques. Cette pièce est célèbre en raison de son plafond dit astronomique qui évoque un véritable calendrier marquant les divisions de l’année, les diverses constellations et les planètes.
Ce plafond est soutenu par huit colonnes à chapiteaux papyriformes fermés et le décor de la salle fait essentiellement allusion à la Belle Fête de la Vallée qui voyait le dieu Amon rendre visite aux Pharaons défunts sur la rive occidentale de Thèbes.
Sur la paroi Nord-Ouest de cette salle, une très belle scène évoque l’intronisation de Ramsès II : assis au pied d’un magnifique perséa, Ramsès II tient dans ses mains les signes de la royauté tandis que Thot, le greffier divin et Sechat sa parèdre, inscrivent sur les feuilles de l’arbre ished le nom de couronnement de Pharaon Ouser-Maât-Rê-setepen-Rê (l) .
(7) La Salle des Litanies
La dernière Salle que l’on découvre dans l’enfilade de la Salle astronomique est la Salle des litanies consacrée aux offrandes rituelles d’après le répertoire iconographique qui couvre ses parois : sur le registre Nord-Est, Pharaon coiffé de la couronne rouge fait face à Ptah et lui offre une fumigation tandis que sur le registre Sud-Est, Ramsès II coiffé de la couronne blanche, offre une libation au dieu Rê-Horakhty. Ainsi sont réunis les deux parties du Double-Pays, la Haute et la Basse Egypte, le Sud et le Nord.
LES PARTIES ANNEXES
C. LE MAMMISI DE MOUT-TOUY, NEFERTARI
Comme nous l’avons vu dans l’introduction, il existe, malheureusement à l’état de ruines, un petit temple accolé au temple de Pharaon, sur la droite. Deux escaliers permettent l’accès à ce monument qui comprenait probablement un portique à chapiteaux hathoriques, une grande cour bordée sur chacun de ses côtés par des colonnes, deux chambres parallèles donnant accès sur deux pièces achevant le sanctuaire. 
Il est fort possible, comme l’a soumis C. D. Noblecourt, que ce sanctuaire soit un projet initialement conçu par Seti I en l’honneur de son épouse, la Reine Mout-Touy. Il n’eut certainement pas le temps de le concrétiser et c’est Ramsès II, son fils, qui reprit l’idée à son compte en y incluant une finalité supplémentaire en le dédiant aussi à son épouse, Nefertari et à ses enfants. Pour étayer son hypothèse Mme Noblecourt cite une phrase que l’on trouve sur les vestiges encore en place : Il a fait ce monument pour sa mère. Ramsès II, par l’intermédiaire de ce temple original, désirait aussi mettre en valeur le fameux principe de la théogamie où la Reine, fécondée par le dieu Amon se préparait à mettre au monde le nouveau Pharaon issu du dieu. 
B. LE PALAIS ROYAL
Ce Palais était situé au Sud de la première cour et l’on y pénétrait après avoir traversé la double colonnade (c) de colonnes à chapiteaux ouverts. Il comprenait une fenêtre des apparitions, une salle d’audience dotée de seize colonnes palmiformes et qui menait à la Salle du trône où l’on peut encore voir l’estrade qui supportait le trône. Pharaon et sa famille venaient séjourner en ces lieux lors des grandes fêtes religieuses comme la Belle Fête d’Opet ou lors de la remise des décorations aux grands dignitaires.
Le Palais a fait l’objet d’une patiente étude, des relevés architecturaux sont faits avec minutie mais la tache est rendue bien difficile pour les archéologues par l’implantation, notamment dans la partie résidentielle du Palais, de maisons de paysans.
LES DEPENDANCES ET MAGASINS
Culte royal et culte en l’honneur d’Amon, telles étaient les deux fonctions essentielles qui se déroulaient au sein de ce temple. Mais il en est une autre, tout aussi importante et non négligeable : une fonction économique qui en faisait un centre très actif. En effet, un immense complexe de constructions en briques crues, avec des pièces voûtées s’étend sur trois des côtés du Ramesseum : on y trouvait des quartiers administratifs, judiciaires dont un tribunal, des magasins, des entrepôts, une école de scribe où l’on a retrouvé des papyrus, des cuisines (dont une partie vient d’être récemment découverte) , des logements, tout ce qui pouvait faire vivre le quotidien d’un personnel laïc et religieux.
On a longtemps cru que le Ramesseum vivait en autarcie mais il est clair que ce temple vivait aussi de l’apport des grands domaines qui fructifiaient en son nom en Egypte et des tributs étrangers. Enfin, il faut souligner ce fait très important qui faisait du Ramesseum l’institution première qui réglait les salaires des ouvriers des tombes royales à Deir el-Medineh. Et cette tradition fut poursuivie bien longtemps après le règne de Ramsès II puisque les fameuses grèves racontées sur le papyrus de Turin expliquent comment des ouvriers révoltés et mécontents décidèrent en l’an 29 du règne de Ramsès III de se coucher, c’est-à-dire d’arrêter leur travail afin d’obliger le temple à leur verser leurs salaires.
A partir du règne de Ramsès XI, le beau Ramesseum commence à décliner et pire, à être profané et livré au pillage. Lors des troubles de Troisième Période Intermédiaire, il fut utilisé comme nécropole par les prêtres thébains. A l’époque ptolémaïque, et peut-être même un peu avant, on assiste carrément au démantèlement du temple, des pans entiers sont prélevés pour construire d’autres monuments notamment pour édifier un nouveau pylône dans l’enceinte de Medinet-Habou. Puis les Coptes le transformèrent en église vers le IVème siècle.
Patiemment, le Ramesseum livre des secrets enfouis depuis des millénaires, secrets surprenants et inattendus qui prouvent à quel point ce secteur de Thèbes occidentale est riche d’Histoire et ce, bien avant la construction du Ramesseum. En effet, des vestiges retrouvés témoignent d’une zone d’activité à l’époque d’Amenhotep III tandis qu’un monument comprenant deux chapelles et attribué à Amenhotep IV fut exhumé aux abords du temple.
Gageons que les équipes qui travaillent actuellement ardemment sur ce site n’ont pas encore fini de nous étonner et que le résultat de leurs recherches éclairera d’un jour nouveau bien des zones encore dans l’ombre.
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