PLAN DE PLANETE EGYPTE
Viens eau qui jaillit du ciel 
Viens, eau de la vie qui jaillit de la terre.
Le ciel brûle et la terre tremble
A l'arrivée du grand dieu.
Les montagnes de l'occident et de l'orient s'ouvrent,
Le grand dieu apparaît
Le grand dieu s'empare de l'Egypte..
Le Nil, naissance d'un fleuve
Le Nil, fleuve nourricier
L’Egypte, terre de contrastes
Album Géographie sacrée

Carte de l 'Egypte

LE NIL, NAISSANCE D'UN FLEUVE
L’Egypte se présente comme un vaste espace s’étendant des eaux de la Méditerranée au Nord jusqu’à la première cataracte au Sud et entouré à l’Ouest par le désert Libyque et à l’Est par le désert arabique. Cependant, l’élément fondamental de ce pays est le fleuve qui le traverse du Sud vers le Nord et dont le régime particulier fut un facteur déterminant de la vie égyptienne. Durant des millénaires, les rythmes de la terre et le quotidien de l’Egyptien antique furent scandés par la crue annuelle du grande fleuve sacré, le Nil. De ce phénomène miraculeux dépendaient tous les cycles biologiques de la nature et l’activité des hommes que seule une montée des eaux raisonnable rendait possible.
Les Egyptiens antiques disposaient de plusieurs vocables pour nommer leur pays : c’était Kemit, la terre rendue noire par les alluvions du Nil, ou Ta Noutri, les terres des dieux, ou le Double Pays, unissant le Basse Egypte du Nord et la Haute Egypte du Sud. Le Nil, quant à lui, était nommé, atour en égyptien ou Hapy au temps béni de l’Inondation.
Hérodote, historien grec au Vème siècle av. J. C avait eu cette phrase célèbre : l’Egypte est pour ainsi dire un don du Nil. Mais l’Egypte n’était pas la Terre Promise et malgré les bienfaits dispensés par le fleuve nourricier, la Terre des Pharaons n’aurait pu véritablement exister sans le don d’organisation de ses dirigeants et le dur labeur de sa population.
Du cœur de l’Afrique jusqu’à la Méditerranée, le Nil s’écoule sur près de 6671 kilomètres à travers déserts, forêts et vallées. Le Nil évoque l’Egypte mais, paradoxalement, lorsqu’il a atteint ce pays, à la frontière soudano-égyptienne, il a déjà effectué plus de 78% de son trajet. La question des origines des sources du Nil a entraîné au XIXème siècle quelques courageux explorateurs dans des contrées africaines difficiles d’accès mais pour les Egyptiens de l’Antiquité, ce problème ne se posait pas. Aucun texte pharaonique ne mentionne des expéditions en quête de terres éloignées qui donneraient naissance au fleuve dieu. Le Nil fait partie intégrante de l’univers accomplissant son rôle vivificateur du Sud vers le Nord. La première cataracte représentait le point de départ du grand fleuve dont le périple prenait fin dans les zones marécageuses du Delta, au-delà duquel il n’existait plus.
Les Grecs et les Romains attribuèrent au Nil des sources inconnues mais le mystère demeurait tel qu’ils employèrent une expression très imagée pour parler d’un projet qualifié d’irréalisable : quarere fontes Nili, chercher les sources du Nil ( Le Nil, A.G. de Beler). Une chose est sûre : le Nil est avant tout le produit de deux fleuves distincts : le Nil Blanc et le Nil Bleu.

Le Nil Blanc.
Au début du XIXème siècle, de téméraires explorateurs se lancent dans la recherche des sources mystérieuses du Nil. Mais le milieu est hostile, décourageant et certains n’en reviendront pas.
Un aventurier plus chanceux, Richard Burton, découvre un lac, le lac Tanganyika, situé à la frontière entre le Zaïre et le Burundi et le considère d’emblée comme père nourricier du Nil. Mais le 30 juillet 1858, un officier de l’armée des Indes, J. H. Speke remet en cause cette théorie en découvrant un lac immense, déjà connu sous le nom de lac Nyanza par les indigènes et dont la superficie l’étonne : 
" Ce lac est si large qu’on ne peut d’une rive apercevoir la rive opposée. C’est un lac immense à la mesure de l’empire britannique : voilà pourquoi je l’ai baptisé Victoria. "
Et il est vrai que ce lac peut en imposer : 68 000 kilomètres carrés, soit 360 kilomètres de long sur 250 de large. Le 28 juillet 1862, Speke et son ami Grant atteignent l’endroit où le fleuve s’échappe du lac : ce sont des chutes vertigineuses baptisées les Rippon Falls.
On pourrait croire le problème des sources du Nil résolu mais une autre expédition conduite par S. Baker remet en cause l’hypothèse de Speke puisqu’en 1864 il découvre à son tour un nouveau lac qu’il considère comme le lac nourricier du Nil et qu’il baptise lac Albert. Qui a raison : Burton et le Tanganyika, Speke et le Victoria-Nyanza ou Baker et le lac Albert ?
En fin de compte, Livingstone dépêché par la Royal Geographical Society de Londres et relayé à sa mort par son ami Stanley apporte en 1876 la solution finale : c’est bien le lac Victoria qui donne naissance au Nil Blanc, le Bahr el-Abiad des Africains. Fort de cette affirmation, il tente de localiser les mystérieuses montagnes mentionnées par Claudius Ptolémée, mathématicien et géographe grec qui affirmait que les sources du Nil étaient les Montagnes de la Lune qui nourrissent de leurs neiges les lacs, sources du Nil. Le 24 mai 1888, il découvre ces fameuses montagnes à l’ouest du lac Victoria que les indigènes nomment Ruwenzori.
Le Nil Bleu
C’est le Père Paez, missionnaire portugais, qui découvre le premier les origines de ce fleuve. Voyageant dans la zone du lac Tana en Ethiopie, il remarque qu’un fleuve le Petit Abbai s’y jette à l’Ouest pour en ressortir aussitôt au Sud sous le nom de Grand Abbai, le Nil Bleu.
La réunion à Khartoum
Ainsi, ces deux fleuves vont parcourir chacun de leur côté plusieurs centaines de kilomètres avant d’être réunis à Khartoum. Le Nil Blanc traversera l’Ouganda où aux Murchinson Falls il effectuera une chute de plus de quarante mètres. Il pénètrera au Soudan par les rapides de Fola et il accomplira sur ce territoire près de 68% de son trajet soit 3850 kilomètres. Après avoir traversé une région très mouvementée nommée le Styx, le Nil Blanc se jettera dans le lac No : il est à 950 kilomètres de Khartoum. A Kosti, à 285 kilomètres de Khartoum, le fleuve va adopter une configuration qui sera la sienne jusqu’au Delta méditerranéen : Nil au centre, palmeraies et cultures sur les berges et déserts au loin. Le Nil Bleu effectuera un voyage nettement plus court, 1563 kilomètres. Sa caractéristique principale sera sa force qu’il acquiert grâce au terrain très accidenté qu’il traverse. Cette puissance lui permettra d’emporter tout ce qu’il trouvera sur son passage, dont les fameux limons issus de la décomposition des roches volcaniques des montagnes éthiopiennes et qui assureront des millénaires durant la fertilité des terres égyptiennes.
A Khartoum, le Nil Blanc et le Nil Bleu peuvent enfin s’unir pour donner naissance à un seul Nil. Entre Khartoum et Assouan, le Nil roule ses eaux de cataractes en cataractes. Six au total, numérotées dans le sens inverse du cours du Nil, la sixième était en fait la première depuis Khartoum. Après la dernière cataracte, celle d’Assouan, le Nil pénètre en Haute Egypte. Dans la Vallée égyptienne, durant 1500 kilomètres, il va s’écouler en pente douce pour atteindre son but ultime : la Méditerranée. Dans le Delta, région très fertile, le Nil se partage en deux bras, le bras de Mariette à l’Est et le bras de Rosette à l’Ouest pour se jeter enfin dans la mer.
LE NIL, FLEUVE NOURRICIER
En Egypte, le Nil définit deux régions bien particulières :
la Vallée qui s’étend sur près de 1500 kilomètres du Sud au Nord.
le Delta qui s’étale sur près de 22 000 kilomètres carrés.
de chaque côté du fleuve, au-delà des terres cultivables, deux déserts occupent le pays :
le désert occidental, ou libyen, caractérisé par une série de plateaux rocheux et de dépressions sablonneuses où s’épanouissent de magnifiques oasis.
le désert oriental, ou arabique, caractérisé par les hautes collines de la Mer Rouge et dont l’intérêt fut très apprécié aux temps pharaoniques en raison des minéraux qu’il abritait. Le Sinaï, par exemple, était la source d’importants gisements de cuivre.
Dans la Vallée, le régime du Nil suscita de très nombreux commentaires dont ceux d’Hérodote, de Sénèque et de Strabon. Chacun donna une explication du phénomène des inondations sans trouver forcément la solution du mystère miraculeux. Voici ce qu’en pensait Diodore :
" Ce qui se passe au moment de la crue du Nil est un phénomène qui frappe ceux qui le voient, et qui semble tout à fait incroyable à ceux qui en entendent le récit. Tandis que les autres fleuves baissent pendant le solstice d’été et vont toujours en décroissant pendant le reste de la belle saison, le Nil est le seul qui commence à grossir à ce moment là et il croît tellement de jour en jour qu’il finit par recouvrir toute l’Egypte. "
Et voilà les réflexions de Strabon :
" L’activité des gens par rapport au fleuve atteint le niveau d’une victoire de la diligence de l’homme sur la nature. Par sa nature, le sol d’Egypte produit plus de fruits que d’autres terres et plus encore s'il est irrigué. Naturellement, une inondation plus copieuse irrigue davantage de terres, toutefois l’ingéniosité des hommes compense les défauts de la nature, et même avec des inondations de moindre portée, ils réussissent grâce à des digues et des canaux à irriguer la même surface de terre. "
L’ampleur des crues du Nil variait énormément d’une année à l’autre. Quand les crues étaient faibles, il pouvait y avoir pénurie de vivres mais des crues catastrophiques endommageaient les villages et les champs. Les inondations pouvaient aussi arriver trop tôt ou trop tard, pouvaient aussi être de trop courte durée signifiant que les eaux redescendaient trop rapidement pour qu’on ait eu le temps de les amener aux champs.
Les textes disaient que le fleuve commençait à monter à l’assaut des berges tel un jeune homme amoureux. La crue portait le nom de Hâpy, symbolisée par un homme ventripotent et pourvu de mamelles. Deux Nils se succédaient alors : le Nil vert porteur des plantes tropicales à la dérive venues du Sud, et le Nil Rouge chargé du riche limon rougeâtre, fertilisateur des champs. Le pays devenait alors un immense lac où l’on se déplaçait à bord de barques. C’était le temps des vacances où l’on rendait visite aux membres de la famille, mais c’était aussi l’époque où l’on se faisait engager comme ouvriers sur les grands chantiers royaux des pyramides et des temples. Dès que s’amorçait la décrue, les paysans retournaient dans les champs détrempés pour y semer les grains. Les champs n’avaient plus de limites, seuls les palmiers émergeaient des terres ensevelies. Le phénomène atteignait son maximum entre le 30 septembre et le 10 octobre. Pour être équilibrée, la crue devait atteindre une hauteur minimale de 6 mètres et maximale de 8 mètres. Les Egyptiens mirent au point un ingénieux système destiné à mesurer la crue du fleuve, le nilomètre.
L’année égyptienne se divisait en trois grandes saisons : la saison akhet, saison de l’inondation, la saison peret, saison de la sortie des céréales et la saison shemou, la saison chaude des récoltes.
La saison shemou prenait fin lorsque l’étoile Sothys réapparaissait dans le ciel annonçant la crue prochaine. Pendant plus de trois mille ans, l’Egypte a vécu au rythme des levers de cette étoile et des crues du Nil alors qu’un décalage toujours plus important séparait les deux phénomènes qui ne coïncidaient qu’une fois tous les 1460 ans.
Dans le lien Organisation du pouvoir et Economie l’agriculture égyptienne, extrêmement riche et variée en raison des bienfaits du Nil est décrite dans ses principaux rouages.
Les Egyptiens antiques étaient de très fins observateurs de la nature environnante et l’étude des acteurs de cette nature a contribué à une perception originale de l‘écosystème. Les dieux empruntaient leurs caractéristiques aux animaux de la Vallée et des déserts, l’écriture elle-même correspondait à un vaste répertoire dont le modèle était celui des végétaux, des animaux et des activités quotidiennes. Le Nil était le fleuve des forces créatrices. La source présumée du Nil était associée au dieu Khnoum, à tête de bélier, qui aurait façonné les hommes avec la boue du fleuve sur un tour de potier. Satis et Anouket étaient révérées comme dispensatrices des eaux fraîches. Les habitants du Nil, hippopotames et crocodiles, étaient vénérés comme des dieux de la fertilité. Heket, la déesse grenouille présidait aux accouchements de même que Thoueris, la déesse hippopotame.
Si les Egyptiens des temps anciens revenaient sur la terre d’Egypte, ils seraient surpris de l’environnement actuel. L’activité humaine et les modifications du climat ont modifié considérablement les paysages égyptiens. La végétation antique était quasiment à l’opposé de celle d’aujourd’hui. Des études sur les pollens ont permis de démontrer que les temples bas de Guizeh étaient entourés d’une végétation luxuriante et variée. Le temple de la reine Hatchepsout à Deir el-Bahari sur la rive Ouest de Thèbes était planté de sycomores, de perséas, de jujubiers, tamaris, balanites et autres essences alors que de nos jours ne sévit plus qu’un aride désert. Les contrées limitrophes, jadis habitées, sont devenus désertiques et se prêtent de nos jours à une vie nomade.
Deux plantes, aujourd’hui presque disparues proliféraient à l’époque ancienne :
Le papyrus, plante ombellifère, s’épanouissait dans les marais du Delta et les régions marécageuses de la Vallée. Il constituait de véritables forêts dont les plus hautes cimes pouvaient atteindre jusqu’à 6 mètres de hauteur. Victime de l’assainissement des marais, le papyrus a aujourd’hui disparu. Il avait de multiples usages : avec l’écorce, on pourvoyait à la fabrication de cordages, de légers radeaux, de nattes, de sandales et de paniers. Avec le cœur de la tige, on obtenait le fameux support du même nom servant à recevoir les écrits des scribes. (voir la fabrication des papyri dans Hiéroglyphes, signes sacrés. Les racines pouvaient aussi être mangées.
Deux sortes de lotus flottaient sur les eaux égyptiennes : le lotus blanc et le lotus bleu. La partie inférieure de la tige était comestible. On utilisait le lotus bleu pour redonner vie au mort qui le respirait et on l’offrait aussi aux dieux. Symbole de l’eau, du soleil et de la terre, il était caché dans l’eau pendant la nuit et ne resurgissait à l’air libre que lorsque le soleil se levait à l’aube comme si la lumière l’attirait irrésistiblement.
Symboliquement, le papyrus définissait l’Egypte du Nord, la Basse-Egypte dont l’emblème, le cobra femelle Ouadjet était dressé sur trois ombelles de papyrus, tandis que l’Egypte du Sud, la Haute-Egypte était définie par le lis dont l’emblème, le vautour Nekhbet était juché sur trois fleurs de lis.
Mais le plus grand bouleversement dont pourraient s’étonner les Egyptiens anciens est la disparition complète de ce qui faisait leur adoration et leur richesse : cette même crue du Nil.
Au XXème siècle, les Britanniques financèrent la construction d’un barrage, le Old Dam, destiné à régulariser les remous de la première cataracte. Après plusieurs modifications entre 1907 et 1934, le résultat aboutit à un barrage de 41,50 m de haut créant une retenue d’eau de 5 milliards de mètres cubes et noyant la Basse Nubie sur 295 kilomètres. Mais Nasser lança les bases d’un projet encore plus ambitieux : régulariser les crues, contrôler le fleuve jusqu’au Delta et produire l’électricité suffisante à l’Egypte entière. Une telle réalisation requérait la participation financière des grandes puissances mondiales. Les Etats-Unis refusèrent d’y participer ce qui conduisit le gouvernement égyptien à nationaliser la Compagnie du canal de Suez, décision qui entraîna le crise internationale de 1956. Les Russes emportèrent finalement le marché et après onze années de travaux, les Présidents Sadate et Podgornyï inaugurèrent le Haut Barrage d’Assouan : 40 m d’épaisseur au sommet, 980 m à la base, 3600 m de long, 11 m de haut et 42,7 millions de mètres cubes de volume et dont le poids peut résister à la poussée des 157 milliards de mètres cubes du lac Nasser.
Le Nil dompté, tous les risques liés à la sécheresse et à l’inondation semblent désormais écartés et l’intensification des cultures permet jusqu’à trois récoltes annuelles. Mais les conséquences néfastes sont très importantes : privées du limon fertilisateur, les cultures s’appauvrissent malgré l’emploi des engrais chimiques et l’on assiste à l’aggravation de la salinité des sols puisque les terres ne sont plus lavées par la crue. Les spécialistes avaient prévu une évaporation des eaux du lac Nasser de 6 milliards de mètres cubes alors que la réalité avoisine les 10 milliards. Le danger de la sécheresse n’est donc pas totalement écarté. Le Delta s’enfonce dans la Méditerranée et l’on estime que vers 2033, il sera en partie submergé. Les eaux du lac Nasser s’infiltrent par le bas et forment une nappe d’eau souterraine qui remonte et menace tous les monuments, des tombes de la vallée des Rois au sphinx de Guizeh. Des maladies parasitaires éradiquées par le rôle purificateur de la crue qui emportait tout sur son passage, rats, serpents et empêchait la stagnation des eaux, de graves maladies, donc, réapparaissent. Enfin, les prévisions optimistes quant à la production d’électricité n’ont pas été atteintes : à peine 8 milliards de Kwh sont fournis chaque année.
Une autre conséquence, et non des moindres, fut l’ensevelissement sous les eaux de nombreux monuments dont le temple de Philae et le temple d’Abou Simbel. Une solution fut trouvée grâce à l’extraordinaire travail de l’Unesco qui prit en charge le sauvetage de ces temples.

L'EGYPTE, TERRE DE CONTRASTES
Les différences géographiques qui caractérisent l’univers égyptien sont à l’origine d’une approche duelle de l’Egypte ancienne. Physiquement, l’Egypte relève d’un curieux dimorphisme :
D’une part, la Vallée, la Haute-Egypte, forme un long couloir, véritable oasis arrosé par le Nil tandis que la région du Delta, la Basse-Egypte, constitue un espace ramassé et marécageux.
De chaque côté du fleuve, deux déserts arides, antithèses de la Vallée fertile, constituent l’espace restant du pays.
Ainsi, l’on retrouve dans les dénominations de la Terre d’Egypte ces saisissants contrastes : l’Egypte s’appelle Khemet, la noire, en raison du limon qui enrichit ses rives, et elle se nomme Decheret, la rouge, quand elle se présente sous ses formes désertiques.
Outre les facteurs physiques et climatiques, l’approche duelle de l’Egypte ancienne apparaît aussi dans le particularisme de sa population. Tour à tour, le Nord et le Sud, dans les temps prédynastiques, ont tenté de s’imposer. Et cette ambivalence politique a fortement marqué les institutions égyptiennes. Chacune de ces deux régions a mis en exergue les particularités qui la caractérisent. Ainsi l’Egypte est devenue :
le Double Pays, les Deux Terres unifiant :
la Haute-Egypte du Sud dont l’emblème est le lis et la déesse tutélaire le vautour Nekhbet
la Basse-Egypte du Nord dont l’emblème est le papyrus (ainis que l’abeille) et la déesse tutélaire le cobra Ouadjet.
Une organisation politique et administrative extrêmement rigoureuse facilitée par l’apparition de l’écriture fut mise en place dès les premiers temps dynastiques pour contourner la spécificité d’un pays étendu sur un mince filet du Sud au Nord abritant des populations différentes ayant leur propre économie et leurs propres coutumes.

Le Nil, garant de la subsistance de l’Egypte était aussi sa principale voie de communication et permettait de relier les deux extrémités du pays. Il coulait du Sud vers le Nord et pendant la période des crues un périple de Thèbes à Memphis, soit 885 kilomètres, pouvait être effectué en deux semaines, tandis que le même voyage, durant la saison des basses eaux pouvait durer plus de deux mois. L’invention de la voile, vers 3350 av. J. C., permit d’utiliser les vents venus de Méditerranée pour effectuer le voyage dans le sens inverse, du Nord vers le Sud. De grands ports furent mis en place dans les grandes villes : à Memphis, à Tanis dans le Delta, à Medinet Habou face à Louxor, à Coptos. Les chefs-lieux des nomes étaient reliés à la capitale par des bateaux qui acheminaient les produits locaux vers les greniers royaux. A partir de la Vème dynastie, les architectes navals égyptiens élaborèrent des navires capables de voguer en haute mer. Il est certain que l’émergence d’un pouvoir monarchique absolu, liée à l’organisation collective des principales denrées et à la liaison facilitée par le fleuve, fut un des facteurs de la réussite économique du pays.

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