Les discours des Egyptiens fournissent une philosophie
qui s'exprime au moyen de symboles, philosophie qu'ils révèlent dans les lettres appelées sacrées.

Philon le Juif  


C’est un système complexe, une écriture tout à la fois figurative, symbolique et phonétique,
dans un même texte, je dirai presque,
dans un même mot.

Champollion, Lettre à M. Dacier
Pour que naisse une civilisation, pour qu’elle s’épanouisse et perdure à travers les âges et pour qu’elle ne s’éteigne jamais tout à fait, une évidence est apparue très rapidement aux hommes : par-delà la tradition orale qui a véhiculé dans les premiers balbutiements de l’Histoire leur vécu, leurs angoisses et leurs attentes, la nécessité de consigner de façon durable le souvenir des actes passés les a poussés à inventer un prodigieux système de codification : l’écriture, système de notation propre à chaque civilisation, plus ou moins élaboré mais toujours révélateur du degré de raffinement de ses inventeurs.
Ainsi, l’écriture crée l’Histoire, elle est le juste reflet de ceux qui la manient, elle peut être un instrument au service de l’économie dans la mesure où elle aide à comptabiliser les denrées et les échanges, et nous verrons à quel point elle fut habilement utilisée par les scribes comptables, elle peut être un instrument de propagande du pouvoir politique en place et nous verrons que Pharaon a su manier avec efficacité cette arme redoutable, elle peut être mise au service d’une littérature abondante et savoureuse, et, enfin, elle peut être l’expression symbolique de concepts originaux traduits par la réalité de l’image et du dessin.
Jamais aucune écriture n’aura eu un tel impact sur notre imagination que l’écriture égyptienne. Mystérieuse, vivante, peut-être naïve pour certains par les signes qu’elle a employés, mystique pour d’autres, elle a su conquérir notre curiosité par son histoire même, très peu banale. Utilisée pendant près de 3000 ans, elle s’éteignit soudainement en 384 et les murs du temple de Philae furent les derniers témoins de l’extraordinaire Histoire des Pharaons. Et le temps fit son œuvre, les siècles passèrent assombrissant chaque jour un peu plus les dernières lueurs qui avaient éclairé la vie sur les bords du Nil. L’homme oublie vite, les évènements s’enchaînent mais il suffit d’un être exceptionnel pour que le passé ressuscite du fond des âges.
Cet homme hors du commun, c’est Champollion, génial inventeur des hiéroglyphes, tout entier animé de passion et de génie. A lui seul, il a prouvé au monde moderne que les Egyptiens antiques avaient gagné leur pari de vie éternelle et que les notions de résurrection et d’éternité n’étaient pas de vains mots, une folle élucubration, macabre et dépourvue de la moindre raison, née de quelques esprits timorés. Champollion ressuscita ces signes sacrés qui dormaient au plus profond des temples et des tombeaux, il leur insuffla le souffle de vie que la bêtise des hommes leur avait ravi et ces signes, si beaux dans leur représentation et si élaborés dans leur conception, enchantent ceux qui les découvrent. A une époque où notre propre écriture se perd dans les gouffres de l’analphabétisme, de l’illettrisme et où le manque d’intérêt évident de sauvegarder notre patrimoine linguistique fait loi, il est bon de retrouver une certaine cohérence dans ces signes ressurgis du passé, terriblement logiques et empreints d’une intelligence presque évidente.
Tout au long de ces pages nous découvrirons le monde de l’écriture égyptienne : sa naissance, ses fondements, son système de lecture et pour cela nous emprunterons le chemin de la découverte en compagnie de Champollion qui sera notre guide sur ces chemins riches en plaisirs.
Nous nous attarderons ensuite aux côtés de ceux qui ont fait vivre l’écriture égyptienne et qui l’ont maniée avec tant de subtilité : les scribes, ces fameux maîtres des écritures, détenteurs d’un savoir qui dépassait tous les autres et dont ils n’étaient pas peu fiers, méprisant au passage, mais chaque passion comporte quelques dérives, ceux qui ne rejoignaient pas les bancs de l’apprentissage des medou neter.
Car il faut bien reconnaître que l’écriture hiéroglyphique est un pur exploit de l’esprit et seul un dieu, en l’occurrence le grand Thot, le grand Ordonnateur pouvait en être à l’origine : c’est un présent précieux qu’il fit aux hommes.
Revenez de temps en temps sur cette page, Râhotep prépare pour vous la suite de cette aventure.
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