"L’homme y passe
à travers des forêts de symboles
qui l’observent avec des regards familiers"

Les Chateaux des Millions d'Années
Le terre de Kemet est en deuil.
Pharaon Men-Maât-Rê Sethi I s’est envolé, son âme a rejoint le monde des dieux.
Le peuple pleure son Roi bien-aimé, la terre souffre à l’unisson de ceux qui la rendent prospère, nous sommes en plein cœur de la saison Chemou et la chaleur torride accable encore un peu plus les hommes endeuillés.
Tout peut arriver, dès lors, l’Egypte a perdu son Maître, le chaos peut s’installer à tout moment, Isefet guette et, en ce jour néfaste entre tous, tout peut arriver, tout !
Le fils de Men-Maât-Rê, son corégent aussi, le jeune Ramsès est proclamé successeur de son père. Le corps du défunt roi est préparé pour son voyage vers l’éternité et durant les soixante-dix jours requis, plus de joie, plus de liesse, l’Egypte se recueille.
A la saison suivante, lorsque Akhet libère les eaux régénératrices,
Sethi I est inhumé dans la Grande Prairie auprès de ses ancêtres.
Le Ramesseum
Visite du Château d'Amenhotep III
Les Colosses de Memnon
Le temple de Merenptah

Visite de Medinet-Habou
La visite du Ramesseum
Album Ramesseum
Album Medinet-Habou/Memnon
R
etour Plan Arts et Monuments
UNE DROLE D HISTOIRE
Le long parcours royal du nouveau Pharaon, le jeune Ramsès II Ouser-Maât-Rê-Setepen-Rê peut alors commencer. Pharaon entame un long périple au cœur de son pays, il se rend en compagnie de sa jeune épouse la belle Nefertari au lieu saint d’Abydos, il décide d'y construire son propre temple non loin de celui de son père qu’il a tant admiré et, enfin, il remonte le Nil vers Thèbes. Là, il poursuit l’œuvre architecturale de Seti I dans le beau temple de Karnak ainsi que dans celui de Louxor. Puis, il traverse le fleuve et à la lisère des terres cultivables, il vient visiter le grand chantier qui occupera une bonne partie de son règne et qui débuta en l’an I, celui de la colossale construction de son Château des Millions d’Années baptisé Château d’Ouser-Maât-Rê qui s’unit à Thèbes dans le domaine d’Amon.
J’ai eu la chance de visiter ce temple et je dois avouer, qu’à l’instar du temple de Ramsès III de Medinet-Habou, il m’a très fortement impressionnée. Il se dégage de ces ruines une intimité diffuse, un je-ne-sais-quoi de familier qui trouble l’âme. Il me semblait, lorsque je déambulais au cœur du temple, être déjà venue sur ces lieux, une étrange alchimie teintait le dépaysement que j’éprouvais d’être ici, en ces lieux si chargés de souvenirs, d’une curieuse sensation de bien-être. Autant Karnak et Louxor peuvent écraser par leur majesté, leur splendeur et leur démesure et en cela, ils m’éloignent de l’âme égyptienne, autant le Ramesseum ou Medinet-Habou me rapprochent d’une vie passée exceptionnellement palpable : au-dessus de ces ruines, plane encore l’esprit de Ramsès II.
Bien des visiteurs antiques furent impressionnés par ce temple comme nul autre en Egypte : ainsi, Hécatée d’Abdère en fait une première description puis Diodore de Sicile est charmé à son tour et lui donne le nom de tombeau d’Osymandias, transcription grecque du nom de Ramsès II, Ouser-Maât-Rê. Strabon s’y intéresse aussi, le mentionne dans ses écrits mais tout se précipite à l’époque ptolémaïque lorsque des carriers bien mal intentionnés commencent leur patient travail de démantèlement, ce sont des pans entiers de monuments qui sont dispersés en d’autres lieux. Et comme si la bêtise des hommes ne suffisait pas, la nature apporte sa dure contribution à la destruction du site sous forme de séismes violents qui précipitent encore un peu plus la dégradation du temple. Plus tard, le Ramesseum sera même transformé en église tout comme le fut Medinet-Habou.
L’expédition de Bonaparte constituée d’une armada de savants, d’historiens et de scientifiques éclaire d’un jour nouveau cette partie de la vallée thébaine où furent construits Les Châteaux des Millions d’Années des grands Pharaons du Nouvel Empire, les temples sont scientifiquement étudiés, des relevés sont effectués mais toute médaille à son revers, malheureusement ! L’engouement que suscite l’Egypte durant cette période lui permet de sortir de l’ombre millénaire qui la recouvrait mais, paradoxalement, la fragilise car un juteux trafic d’antiquités est mis en place sur le territoire égyptien, commerce si regrettable qu’il incite Belzoni à ordonner l’évacuation d’un colosse de Ramsès II qui gisait dans la grande cour du Ramesseum.
Il faudra attendre la venue de J.F. Champollion tout entier animé de sa passion égyptienne pour que soit enfin restitué à Ramsès II ce qui appartient à Ramsès II : en 1829, armé de son savoir, de ses relevés, de ses comparaisons et de son infaillible instinct il déclare :
" Je n’emploierai désormais, pour désigner cet édifice, que son nom égyptien même, sculpté dans cent endroits et répété dans les légendes des frises, il portait le nom de Rhamesseion parce que c’était à la munificence du pharaon Rhamsès le Grand que Thèbes en était redevable. "
En 1899, un autre grand nom de l’égyptologie moderne, tout aussi animé de sa foi en l’Egypte pharaonique est nommé sur les lieux pour tenter de sauver ce qui peut l’être encore, Carter, le découvreur de Toutankhamon vient au chevet du temple de Ramsès II. Puis, de 1903 à 1906, Baraize poursuit les travaux et, en 1965, le Centre de documentation sur l’Ancienne Egypte secondé par le CNRS procède à l’étude systématique du site.
Depuis 1991, les recherches sont conduites sous l’égide de C. Leblanc, chargé de recherche à l’Institut d’égyptologie thébaine. Un formidable groupe de mécènes s’est constitué autour du Ramesseum et chaque jour, les travaux de fouilles et de préservation avancent sous la tutelle du Conseil Suprême des Antiquités, Elf Aquitaine, le CNRS, la Laboratoire des ponts et chaussées, l’université du Caire, l’Association pour la sauvegarde du Ramesseum et bien d’autres encore. Les efforts, l’acharnement, la persévérance de ces hommes prouvent quotidiennement l’importance de ce monument d’éternité tout en révélant le personnage hors du commun qu’était Ramsès II.
A nous, maintenant, de découvrir ce fabuleux mémorial élevé en l’honneur d’un des plus grands Pharaons de l’Histoire égyptienne.





UNE APPROCHE THEMATIQUE
Une autre approche du Château des Millions d'Années
Exaltation du pouvoir royal et de la personne royale 
Nous avons déjà souligné dans Les Châteaux des Millions d’Années qu’elle était la fonction de ces constructions improprement appelées temples funéraires. Rappelons simplement, et ceci est valable bien sûr pour le Ramesseum, que le Château des Millions d’Années est avant tout consacré à la fonction royale et au culte royal ainsi qu’aux formes divines que Pharaon peut revêtir en tant qu’être choisi légalement par les dieux. Ainsi, le temple devient opérationnel bien avant le décès de Pharaon, son rôle premier étant d’exalter la gloire du Pharaon régnant, sa vocation funéraire ne prenant place, bien sûr, qu’à la mort du roi à qui l’on doit rendre un culte perpétuel. C’est pour cette raison que nous trouverons, de manière très sensible, cette omniprésence royale au plus profond des thèmes abordés dans l’iconographie, la sculpture ou l’expression des bas-reliefs qui donnent vie au Ramesseum.
Légitimité politique et entretien du culte divin
Nombreuses sont les scènes qui traduisent l’élection de Pharaon par les dieux, son accession au trône, le sacre qui le couronne Roi des hommes et Maître de l’univers et qui lui confie la lourde responsabilité d’être l’intermédiaire entre le monde des humains et le monde des dieux, il est tout entier le réceptacle de l’énergie divine dont il doit faire bon usage pour que règne l’harmonie universelle. Et à ce titre, nous découvrirons Pharaon dans sa tenue de Premier Grand Prêtre du royaume, premier officiant du culte divin dont la charge est d’honorer les dieux, de les servir par l’entretien d’un culte régulier, de prières, d’offrandes, de cérémonies liturgiques (Fête de Min, Fête de la Vallée, etc.…). Cette notion de légitimité, nous la percevrons aussi dans les scènes classiques de la théogamie où la mère de Pharaon fécondée par le dieu Amon assure au futur Pharaon cette dimension divine essentielle.
Notion des grands actes guerriers 
Maintenir l’équilibre à l’intérieur du pays et aux frontières, juguler les attaques ennemies, préserver le Double-Pays du chaos et de l’insécurité, louer les actes héroïques de Pharaon sur les champs de bataille, autant de thèmes abordés sur les parois des pylônes et dont la finalité suprême est de présenter le roi comme le sauveur, le défenseur, le grand triomphateur de la vie sur la mort, il est celui qui détient la Maât et entre les mains duquel les forces néfastes du mal n’ont aucune chance de troubler la quiétude de l’univers instaurée, au début des origines, par le démiurge.
Toutes ces notions se déclinent au sein du Ramesseum, la visite peut commencer.
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