AXE OUEST-EST
Quai d’accostage
Imaginons notre arrivée sur les lieux. Nous arrivons par le
Nil, sur une sublime barque processionnelle qui accoste avec élégance sur le quai d’un canal de dérivation signalé par deux petits obélisques érigés par Seti II. Voir
Reconstitution
Allée de criosphinx
Une fois à terre, nos pas nous dirigent tout le long d’un superbe
dromos bordé sur chacun de ses côtés par vingt sphinx criocéphales, lions couchés à tête de bélier, le bélier étant l’animal sacré d’
Amon. Ils abritent entre leurs pattes, une petite statue de
Ramsès II, portent les noms de Ramsès II et de Pinedjem mais datent probablement d’Amenhotep III. Cette allée fut construite sous les Ramessides et, avant de mener au pylône I (dynastie XXX), elle aboutissait directement au pylône II qui fut édifié par Horemheb (dynastie XVIII) et formait alors la façade du temple. Selon Lauffray, ce dromos aurait subi un réaménagement à l'époque romaine (dixit Minimhotep).
(1) Pylône I
Ce pylône, long de 113 m, large de 15 et haut de 40, resté inachevé, fut construit par les Pharaons de la dynastie XXX ou par les premiers Ptolémées. Il ne présente aucun ravalement et, sur sa face orientale, on peut voir l’emplacement de huit cannelures qui servaient à fixer les mâts des bannières qui flottaient habituellement sur ce type d’édifice.
Reconstitution
(3) Grande cour, rampe, portique de Sheshonq I
Comprise entre le pylône I et le pylône II, cette vaste cour est flanquée de deux portiques édifiés par Sheshonq I et composés de colonnes en papyrus fermé. A leurs pieds, on peut voir une ligne de sphinx que Ramsès II avait commandés pour border l’accès à la Grande Salle Hypostyle.
A droite de l’entrée, sur la face intérieure du pylône I, on peut encore voir une rareté archéologique : un monticule ou rampe fait de briques de boue séchée, adossé contre le pylône, vestige unique du très probable échafaudage utilisé pour la construction.
(2) ou
(7) Temple de Sethi II
Sur la gauche de cette cour, se dresse le temple de Seti II. Ce temple a l’originalité de se présenter sous la forme de trois chapelles servant de reposoir aux barques de la triade thébaine Amon, Mout et Khonsou. Il ne nous reste pas grand chose de l’activité constructrice de Seti II, seule cette chapelle ainsi que sa tombe dans la nécropole occidentale sont parvenues jusqu’à nous.
Devant le temple de Seti II, se dressaient deux statues porte-enseigne de ce Pharaon. L'une d'elles se trouve au Louvre, l'autre au musée de Turin. Pharaon tient dans sa main droite un rouleau de papyrus et dans sa main gauche une enseigne.
(4) ou
(11) Temple de Ramsès III
Sur la droite de cette cour, se dresse le temple de Ramsès III qui servait, lui aussi, de reposoir de barque. Sa particularité tient dans sa conception qui le présente comme un véritable temple, précédé d’un pylône à l’entrée duquel on peut voir deux statues colossales de Ramsès III debout. Puis, une cour bordée de piliers osiriaques, une salle hypostyle et un vestibule ouvrent l’accès au triple sanctuaire destiné à recevoir les barques sacrées.
(13) Kiosque de Taharqa
Le centre de la cour est occupé par les vestiges du kiosque de Taharqa (dynastie XXV). Ce pavillon devait avoir dans les 21 m de haut, devait être couvert de bois et soutenu par dix colonnes dont seulement une nous est parvenue, gigantesque colonne en forme de papyrus ouvert.
(9) Colosses de Ramsès II
Nous avons traversé la cour, nous sommes près du pylône II et, là, majestueuses, se dressent trois colossales statues. Thoutmosis III fit ériger le colosse le plus au sud et il fut usurpé par Ramsès II. Un autre colosse lui faisait face, au nord mais, aujourd’hui, le socle est vide. A côté, une autre statue de Ramsès II, sise au nord et relevée en 1954, fut usurpée par Pinedjem I qui y apposa son cartouche. Comme quoi, bien mal acquis ne profite jamais ! Sculptée aux pieds de Ramsès II, une petite statue représente une des filles de Pharaon, la princesse Bent-anta.
(2) Pylône II
Quelque quatre-vingt mètres séparent le pylône I du pylône II. Ce dernier fut édifié par Horemeb et probablement réalisé avec d’anciens blocs de pierre. Fortement endommagé, il est long de 98 m et large de 14 m. A l’époque de Ramsès I, quand débutent les grands travaux de l’ère ramesside, ce pylône figurait l’entrée principale du temple.
(15) (14) La Grande Salle Hypostyle
Entre le pylône II et le pylône III, allait naître sous l’impulsion de Seti I la plus fabuleuse des salles hypostyles jamais construites. Ecoutons les chiffres :
Sur une longueur de 104 m et sur une largeur de 52 m, sur une superficie approximative de 5500 m2, l’imagination et le talent des hommes ont fait fleurir 134 colonnes dont le destin était sûrement d’atteindre les étoiles tant leur hauteur est vertigineuse. On appela cette Salle
Le temple Seti-Merenptah est glorieux dans la demeure d’Amon car cette superbe réalisation est quasiment un temple à elle seule.
Les deux rangées axiales sont chacune composées de six colonnes de 23 m de haut et offrent un chapiteau à papyrus ouvert. Elles sont l’œuvre d’Amenhotep III.
De chaque côté, sept rangées de colonnes plus petites, 16 m, à papyrus fermé, occupent le reste de l’espace, chaque rangée comprenant neuf colonnes exceptées celles qui jouxtent la colonne centrale qui n’en comportent que sept. Ainsi avons-nous l’impression de déambuler dans une vaste forêt de papyrus en pierre. Les colonnes qui sont appareillées reposent sur un socle circulaire et, pour donner une idée des dimensions des chapiteaux, on a coutume de dire que sur chacun d’entre eux, cents personnes pourraient tenir debout.
La différence de hauteur entre les colonnes centrales et les colonnes latérales a permis l’agencement de baies ajourées appelées fenêtres a claustra dont l’intérêt est de laisser filtrer une lumière oblique du plus bel effet.
Chef d’œuvre inégalé de l’art pharaonique, cette Salle incomparable procure au visiteur une étrange impression où se mêlent émotion, admiration mais aussi une certaine crainte devant tant de gigantisme et de puissance.
Seti I n’eut pas le loisir de terminer l’œuvre entreprise. Ce fut son fils, Ramsès II qui mena les travaux à leur terme et paracheva la décoration.
Mais les murs intérieurs et extérieurs de cette Salle ont aussi des histoires à nous raconter. Ainsi sur les parois intérieures, nous pouvons lire des scènes essentiellement cultuelles qui nous font découvrir les cérémonies et les processions qui s’y déroulaient : on peut voir
Pharaon en route vers la triade thébaine, on peut déchiffrer les cérémonies de purification, d’intronisation, l’inscription du nom royal sur l’arbre ished.
Sur les parois extérieures, toute la puissance de Pharaon, son charisme et son invincibilité sont déclamés aux yeux de tous : au nord, ce sont les campagnes de Seti I contre les Bédouins, les Hittites ou les Libyens ; au sud, ce sont les campagnes de son fils, principalement la célèbre bataille de Kadesh.
Au cœur de cette Salle, l’Egyptien antique a voulu exprimer l’équilibre du monde qui se définit par cet immense fourré de
papyrus, symbole de la terre qui se renouvelle chaque année au moment béni de la
crue du Nil. Emergeant des eaux, les papyrus sont la traduction de la terre immergée et de la vie qui renaît. Pharaon, dont on devine la présence protectrice sur les parois intérieures, œuvre pour la paix et l’équilibre en accomplissant les actes rituels qui garantissent cette sérénité.
Au contraire, Pharaon, sur les parois extérieures de la Salle, repousse les ennemis, symboles du chaos et du désordre afin qu’ils ne viennent pas perturber l’ordre intérieur.
(3) Pylône III
Ce gigantesque pylône de 40 m de haut, doté en son temps de mâts à oriflammes, est l’œuvre d’Amenhotep III. Bien peu soucieux des constructions de ses prédécesseurs, ce Pharaon un peu paresseux n’hésita pas à démanteler pylônes et obélisques ancestraux pour son propre compte. On retrouva ainsi, à l’intérieur de ce pylône, quelques blocs de la chapelle Rouge de
Hatchepsout, des blocs de la chapelle d’Amenhotep I, des blocs de la chapelle de Sesostris I, soit au total et selon les sources d'auteurs, quelques vestiges de treize ou seize monuments ! Retour de bâton, ce pylône ne présente plus maintenant que ses murs extérieurs puisqu’il a été vidé de tous les éléments qui avaient servi à son remplissage et qui ont été réutilisés par les archéologues modernes pour reconstituer, dans un musée de plein air, les monuments démantelés.
L’espace compris entre les pylônes III et IV s’appelle la Cour d’Amenhotep III et il est le point de liaison des deux axes qui mène vers l’axe nord-sud.
(5) Pylône IV et pylône V
Ces pylônes sont les œuvres de Thoutmosis I. Le pylône IV forme avec le pylône III une petite cour appelée Cour des Fêtes de Thoutmosis II dont il ne reste que des vestiges. Toutefois, elle abrite quatre obélisques. Au début de la dynastie XVIII, le pylône IV fut très probablement la véritable entrée du temple d’Amon.
(4) Obélisques de Thoutmosis I et Thoutmosis III et Hatchepsout (?)
Thoutmosis I fit ériger dans l’espace compris entre les pylônes III et IV, appelé cour de Thoutmosis II, deux obélisques dont il ne reste plus que celui de gauche, haut de 23 m et pesant 143 tonnes.
Puis, Thoutmosis III, à son tour, fit ériger deux autres obélisques dont il ne reste, malheureusement, que quelques traces.
Hatchepsout, la tante de Thoutmosis III mais aussi la régente qui assura le long intermède avant la montée sur le trône de son neveu, fit ériger, un peu en avant des obélisques de Thoutmosis I, deux obélisques en l’hommage de son frère défunt, Thoutmosis II. Situés à l’emplacement de l’actuel pylône III, ils furent démantelés et réutilisés par Amenhotep III. Mais la prudence s'impose, certains égyptologues réfutent cette hypothèse préférant attribuer à Thoutmoisis II, voire Amenhotep II, ces obélisques disparus.
(5) Obélisques de Hatchepsout
L’endroit où furent édifiés les deux obélisques de Hatchepsout, entre les pylônes IV et V, est une Salle hypostyle pourvue de quatorze colonnes et commandée par Thoutmosis I. Ces colonnes furent, par la suite, restaurées par Thoutmosis III.
Dans son programme de construction, la reine Hatchepsout modifia la salle hypostyle de Thoutmosis I (toitures et péristyles furent détruits) au sein de laquelle elle fit ériger deux obélisques de 30 m de haut. Ces aiguilles de pierre devaient être sublimes puisqu’elles étaient toutes deux recouvertes d’électrum :
" Le désir me prit de réaliser pour Amon deux obélisques en électrum dont les pointes se confondraient avec le firmament, dans la Iounyt vénérable, dans l’intervalle des deux pylônes du roi, taureau victorieux, roi de Haute et de Basse-Egypte, Thoutmosis I, juste de voix "
En l’an 15, la Ouadjyt, la nouvelle Salle hypostyle, si chère au cœur de Hatchepsout venait de naître mais les aiguilles de lumière ne brillèrent pas longtemps. En effet, en l’an 21, Thoutmosis III qui était monté sur le trône se chargea rapidement de faire coffrer la partie inférieure des obélisques. Résultat : émergeaient seulement les pointes de métal. Comble de malchance, des pluies mirent à mal les colonnes en bois doré et la toiture de la Ouadjyt. Thoutmosis III profita de l’aubaine, reconstruisit les colonnes totalement en pierre cette fois-ci et remonta le coffrage un peu plus haut cachant ainsi définitivement les obélisques de la Pharaonne.
Actuellement, seule subsiste l’aiguille de pierre la plus au nord. Celle du sud, abattue ou effondrée, fut débitée par les carriers du Moyen Age. Unique vestige, la pointe a traversé les temps jusqu’à nous, elle gît près du lac sacré.
(6) Pylône VI
Ce pylône, œuvre de Thoutmosis III, est le dernier de l’axe ouest-est du temple. C’est aussi le plus petit et ses parois sont illustrées des épisodes de la victoire de Meggido. Il donne accès à la partie la plus ancienne du temple. Après ce pylône, on peut noter la présence de deux pilastres originaux, œuvres de Thoutmosis III. Erigés dans les dernières années de son règne, ces piliers héraldiques sont ornés sur la face sud et la face nord des plantes de la Haute et de la Basse Egypte, lotus et papyrus.
Nous trouvons également deux statues d’Amon et Amonet datant probablement du règne de
Toutankhamon.
Enfin, voici la chapelle reposoir, sanctuaire en granit qui abritait les barques de Philippe Arrhidée, successeur d’Alexandre le Grand. Ce sanctuaire a sûrement été édifié à l’emplacement d’un reposoir de barque appartenant à Thoutmosis III.
(16) Le sanctuaire ou le cœur du Temple
Nos premiers pas nous portent vers le cœur du temple, l’emplacement présumé de la Chapelle reposoir d’Amenhotep I, mais aussi celui de la Chapelle Rouge de Hatchepsout et enfin l’emplacement du reposoir de barque de Thoutmosis III. Voir historique de la Cour du Moyen Empire plus haut.
La Chapelle Rouge de Hatchepsout
Hatchepsout fit bâtir à cet endroit du temple d’Amon un complexe composé d’une chapelle centrale entourée de chambres d’offrandes. Cette chapelle appelée Chapelle Rouge en raison de la couleur de la pierre employée, du grès silicifié, a très probablement été construite à l’emplacement même de la Chapelle d’albâtre d’Amenhotep I. Sa construction a commencé quatre années avant la disparition de la Reine. Inachevée à son décès, elle fut complétée par Thoutmosis III, son successeur qui la fit ensuite complètement démonter avant même sa complète réalisation.
Chef d’œuvre du règne de la reine Pharaon, avec le temple de Deir el-Bahari bien sûr, ce monument est parvenu jusqu’à nous grâce, si l’on peut dire, à l’effort qui fut poursuivi durant les règnes suivants à vouloir faire disparaître de la mémoire égyptienne toute trace de son passage. En effet, le Pharaon Guerrier, Thoutmosis III, s’occupa activement de démanteler l’œuvre de sa tante tandis qu’Amenhotep III se chargea de récupérer les blocs pour les fondations du pylône III. Quelques siècles plus tard, entre 1898 et 1995, pour le plus grand bonheur des archéologues, ces blocs furent retrouvés et leur excellent état de conservation incita le Centre franco-égyptien d’étude des temples de Karnak ( le CFEETK) a en faire l’anastylose sous la direction de François Larché et Nicolas Grimal. Plus des deux tiers furent retrouvés, près de trois cents blocs, permettant de reconstituer dans un Musée de Plein Air ce chef d’œuvre du Nouvel Empire. Grâce au labeur passionné de toute une équipe, toute l’originalité de la Chapelle Rouge a pu être démontrée notamment dans l’appareillage des blocs de pierre qui fit apparaître une technique de construction qui n’a plus jamais été utilisée par la suite : l’emploi de blocs préalablement ajustés dans les ateliers, le premier préfabriqué de l’Histoire en quelque sorte.
La richesse du décor a été aussi mise en relief grâce à cette reconstitution et l’emploi d’une trichromie particulière a pu être relevé : des traces de peinture jaune dans les gravures ont été découvertes de même que les traces d’un enduit ocre rouge nécessaire pour unifier les blocs de quartzite dont la couleur naturelle balance entre violet et orange.
Je vous propose de découvrir sur le site de Thierry Benderitter l’histoire complète de la Chapelle Rouge de Hatchepsout.
http://www.osirisnet.net/monument/chaproug/chaproug.htm
Et nous arrivons, enfin, dans la partie la plus ancienne de ce temple, le sanctuaire du Moyen Empire ou subsiste encore le Saint des saints, un énorme bloc de granit où s’élevait l’autel d’Amon.
(18) Akhemenou
La cour du Moyen Empire est bordée, à l’est, par l’Akhmenou ou Salle des Fêtes de Thoutmosis III. Ce monument allait remplacer une construction plus ancienne datant probablement de Thoutmosis I. Cette Salle des Fêtes était prévue pour célébrer les heb-sed, les cérémonies jubilaires de régénération du pouvoir royal. Dédiée à la puissance d’Amon-Rê, elle était aussi chargée de sublimer le pouvoir royal, garant de l’équilibre universel. L’entrée de cette Salle se trouvait au sud et il fallait, pour y accéder passer par le sanctuaire du temple. On accédait ainsi à une immense salle, une immense tente devrions-nous dire car les deux rangées de dix colonnes qui formaient la nef centrale de l’hypostyle avaient la forme de gigantesques piquets de tente. Les nefs latérales étaient dotées de piliers classiques. Puis, du sud vers le nord, nous trouvons une salle appelée la Chambre des Ancêtres contenant une liste répertoriant les noms des ancêtres de Pharaon, un kiosque consacré à Amon et enfin, un espace consacré à Sokar et un sanctuaire dédié au culte solaire.
Au IVème siècle, cette Salle des Fêtes fut utilisée par des moines coptes qui la transformèrent en église. Et l’on peut encore voir certaines parties de ce nouveau décor sur quelques colonnes de la nef centrale.
(19) Jardin botanique
L’une des pièces les plus connues de l’Akhmenou est le Jardin botanique, nom donné à cette salle en raison des multiples représentations de faune et de flore inscrites sur ses parois. Ce décor original de plantes et d’animaux exotiques a été inspiré par les campagnes militaires du Pharaon Guerrier en Asie.