Alors cet auguste dieu vint, Amon, seigneur de Karnak,
lorsqu’il eut changé son apparence en la majesté de son époux,
le roi de Haute et de Basse Egypte, Thoutmosis I …
Elle s’éveilla au parfum du dieu.
Aussitôt, il alla vers elle, il la désira, il posa son cœur sur elle…
Elle permit qu’il jouisse en elle…
Hatchepsout exercera une royauté bienfaisante en ce pays…
J’unis pour elle les Deux Terres…
et j’assumerai sa protection chaque jour…
Ayant abandonné la couronne de l’Epouse du dieu,
elle fut sublimée par les ornements de Rê…

Temple funéraire de Deir el-Bahari.
Filiation divine de la future Reine Hatchepsout

Dans le chapitre réservé aux Mythes et Légendes qui ont forgé l’histoire égyptienne, nous avons constaté avec bonheur, et surprise, à quel point la place de la femme dans le monde divin était prépondérante voire capitale et, surtout, positive. Isis, Nephtys, Hathor, Bastet, Sekhmet, toutes filles de Rê ont eu leur mot à dire dans la grande aventure de la création du monde et leur participation, certes quelque peu tumultueuse, a mis en relief leur personnalité affirmée et unique. Et à considérer le rôle remarquable de toutes ces dames, il n’est pas impossible que la Reine, la Grande Epouse Royale ait pu occuper une fonction éminente aux côtés de Pharaon.
Lorsque Hatchepsout Maât-Ka-Rê s’empare des rênes du pouvoir, elle ne semble pas être la première à avoir tenté cette délicate manœuvre. Avant elle, de nobles dames se sont assises sur le trône d’Egypte telles la belle Nitocris au crépuscule de l’Ancien Empire et l’énergique Neferou-Sobek au cœur du Moyen Empire.
Mais l’énigmatique Hatchepsout, la Reine-Roi, se détache nettement de ses consœurs tant son règne placé sous le signe de la paix et sa personnalité exceptionnelle ont marqué l’Histoire égyptienne. Et pourtant, les successeurs de la Pharaonne ne se privèrent pas de faire disparaître toute trace de son passage sur la Terre de Kemet, allant jusqu’à effacer son nom des Annales égyptiennes et marteler ses cartouches gravés sur la pierre des temples et des obélisques. Plus aucun signe de son existence dans les Listes royales. Heureusement, au cœur des temples, dans le secret des Maisons des Vie, des prêtres avaient eu la bonne conscience de tenir à jour la longue suite des Pharaons. Manethon, sur les ordres de Ptolémée II Philadelphe, retrouva le nom de la Reine perdue dans ces archives et c’est ainsi qu’il put affirmer qu’elle avait régné vingt et un an et neuf mois.
Il fallut attendre la venue d’Auguste Mariette pour qu’une renaissance se profile à l’horizon mystérieux de cette femme bannie de la mémoire égyptienne et ce, en dégageant le temple de Deir el-Bahari. Champollion, le génial inventeur des hiéroglyphes, le Père des écritures sacrées fut le premier à déceler dans les marques survivantes de ce même temple, la terminaison féminine de son nom dans les cartouches royaux. Et peu à peu, des générations d’égyptologues tentèrent de faire ressurgir du fond des âges, le passé glorieux de la Grande Reine Hatchepsout. Nous la connaissons surtout pour ses talents de constructrice au cœur de la Vallée occidentale et son Sublime des Sublimes, le Djeser Djeserou, son superbe temple funéraire, est un des joyaux de l’art monumental égyptien. Sa curiosité et son désir d’honorer son Père Divin Amon l’incitèrent à porter son regard vers le Sud lointain, vers le fabuleux Pays de Pount en direction duquel elle organisa une extraordinaire expédition commerciale.

Et malgré tout, nous ne savons pas grand chose de la vie privée de Hatchepsout et son intimité dévoilée dans les romans à succès ne saurait nous donner une vision juste et objective de ce que fut son existence de femme. L’imagination romanesque de certains auteurs conjuguée à bon nombre d’idées reçues ont dressé un portrait quelque peu réducteur de la Reine : il n’est pas certain qu’elle ait voulu à tout prix évincer du pouvoir son jeune neveu Thoutmosis, il n’a pas été vérifié que sa vie sentimentale avec Sennemout se soit déroulée comme elle a été maintes fois dépeinte. Et cette femme exceptionnelle au destin hors du commun ne fait pas l’unanimité dans le cercle restreint des égyptologues. Certains ne tarissent pas d’éloges à son sujet et l’admiration qu’ils lui vouent n’a point de limites :
"Elle était une très belle femme, talentueuse et dotée de tous les charmes féminins. Mais aussi une intelligence hors du commun, une personnalité et une volonté puissantes. Elle eut également la bonne fortune de posséder en Sennenmout un conseiller et un chancelier qui était capable d’assumer à la fois sa soif de pouvoir et de réaliser ses projets."

D’autres nettement plus sceptiques, n’hésitent pas à afficher leur désapprobation la plus énergique accompagnée de jugements particulièrement désagréables :
"La redoutable Hatchepsout, le fait qu’elle devînt roi constitue une énormité. Une usurpatrice puisqu’aucune femme ne peut remplir la fonction ni faire face aux besoins de l’Egypte."
"Elle n’aurait jamais rien pu réaliser sans une présence masculine à ses côtés… il n’est pas concevable qu’une femme, même d’un caractère aussi viril, ait pu atteindre un tel sommet sans un soutien masculin."
Et enfin :
"Hatchepsout est une usurpatrice qui exerça indûment le pouvoir et trop préoccupée par les différends créés par elle pour se pencher dans les affaires de l’Asie."
Mais il y a des personnalités qui dérangent, qui perturbent l’ordre établi tout simplement parce qu’à un moment donné de leur existence elles ont su affirmer leurs désirs et leurs pouvoirs en sachant habilement profiter des circonstances. C’est peut-être ce que l’on appelle le charisme et je vous propose de découvrir le fabuleux destin de la Reine Hatchepsout. Sachons être digne de sa mémoire en respectant les souvenirs qu’elle nous a légués et en les interprétant de la manière la plus objective qui soit.



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