LE REGNE DE RÊ
Tout commença sur terre. Le grand Rê-Atoum vivait dans son beau palais d’Héliopolis, entouré de la cour de ses fidèles. Dieux et hommes cohabitaient sur cette terre sous l’autorité du dieu créateur. Le règne était paisible. Au petit matin, le Seigneur, paré de ses plus beaux habits, se levait à l’Orient et montait dans sa barque du jour entouré de la troupe de ses dieux. Ainsi commençait une grande course qui, sous l’acclamation admirative des hommes, le menait vers l’Ouest. Rê le Grand pénétrait alors dans le monde nocturne par une porte étroite qui le cachait aux yeux des humains. Là, il changeait d’embarcation et montait dans la barque de la nuit. C’était un voyage qui allait durer douze heures, semé d’embûches et de dangers. Le gigantesque serpent Apopis lui barrait le passage mais l’équipage assurait avec bonheur la défense de son Maître. Vaincu, Apopis cédait le chemin et le Seigneur Rê pouvait apparaître au petit matin, ranimé et régénéré, prêt pour une nouvelle course diurne autour du monde. Au passage, il dispensait ses faveurs royales et les hommes étaient heureux.
LE MYTHE DE LA DEESSE LOINTAINE
Cependant, des événements imprévus venaient, parfois, briser cette douce existence. En effet, on raconte que Tefnout, l’œil de Rê, la fille bien-aimé de Rê-Atoum, décida un jour de s’exiler dans la lointaine Nubie, lassée de cette vie monotone. Ayant adopté les traits d’une lionne, la redoutable Sekhmet, elle arpentait les déserts, assoiffée de sang, à l’affût de chair fraîche. Elle était vraiment impressionnante, la Redoutable : ses yeux lançaient des éclairs, de sa bouche sortaient des flammes et ses rugissements se répercutaient à l'infini.
" Sa crinière est enflammée, son dos avait la couleur du sang, son visage brillait comme le soleil, son œil flambait... Et le désert fut obscurci de poussière, alors qu’elle battait le sol avec sa queue."
Ivre de liberté, elle attirait par sa beauté et sa fougue tous les mâles qui lui donnaient de beaux lionceaux qu’elle allaitait de son lait divin. Mais, au Palais, le Maître s’ennuyait de sa fille chérie et le peuple tout entier se morfondait et vivait dans la tristesse et l’attente de son retour. Le Roi convoqua l’assemblée de ses Dieux afin de trouver une solution. Il convainquit Shou et Thot de partir en Nubie à sa recherche. Shou, en tant que frère de Tefnout souffrait de cette séparation, et, transformé en lion pour attendrir la rebelle, il pourrait sûrement la séduire. Quant à Thot, maître des écritures et de la parole, fort en mots et en sagesse, il saurait bien la raisonner. Arrivés en Nubie, ils rencontrèrent la belle Tefnout et tentèrent de l’amadouer. Mais, enragée, la déesse s’énerva. Afin de la calmer, ils se transformèrent en petits singes, animaux insignifiants qui ne sauraient troubler la belle indomptable. Irascible, la lionne tenta de tuer Thot. Pour sauver sa vie, le dieu lui fit comprendre qu’elle commettrait une faute grave en tuant un être qui pourrait peut-être un jour lui sauver la vie. Et, en amateur de belles paroles, il lui conta la fable du lion et du rat. Emue jusqu’à en pleurer comme une pluie torrentielle, la lionne fut presque consentante. Thot, alors, déploya toute sa verve pour ramener la Redoutable à de meilleurs sentiments. Il lui rappela les douceurs de la vie, là-bas à Héliopolis, l’attendrit par le désespoir des hommes qui espéraient son retour et tenta de faire vibrer son cœur en décrivant son père divin en pleurs. Pour la remercier de son geste, assurait-il, les hommes construiraient des temples et des sanctuaires en son honneur et des fêtes seraient célébrées pour son retour. Il insista sur sa beauté sauvage et sur son charme incomparable :
" Les globes de tes yeux sont plus beaux que le ciel quand il est pur de nuages."
Et la Belle, flattée par un si beau discours, se laissa persuader et suivit les deux singes. Shou dansa de joie mais Thot, méfiant, craignit une nouvelle fureur de la déesse et pour calmer cette violence qu’il devinait latente, il la plongea dans les eaux froides de la première cataracte. Calme et apaisée, Tefnout se transforma alors en la douce Hathor
Comme promis, le peuple fêta sur le chemin de la capitale royale, par des chants, des danses et des offrandes, ce retour tant espéré. 
Cette légende que l’on appelle Mythe de la déesse Lointaine symbolise un événement capital de la vie égyptienne. Exilée dans le Sud, en Nubie, Tefnout, sous les traits de Sekhmet est la personnification de la sécheresse qui plonge le pays tout entier dans le désarroi. Son retour, au contraire, sous les traits de la tranquille Hathor, marque le début de la crue bienfaisante qui ramène la joie et la vie sur les berges du Nil. Ainsi la fille solaire, étroitement liée à la venue de l’Inondation, prouve combien est importante l’union de l’eau et du soleil sur la terre de Kemit.
LA NAISSANCE DE ENFANTS TERRIBLES
Un autre épisode va troubler l’existence du divin Roi. Nout, la déesse du ciel et Geb, le dieu de la terre, les enfants de Shou et Tefnout, les petits-enfants de Rê s’étaient mariés sans le dire à leur grand-père. De cette union, Nout se retrouva enceinte. Irrité de ce mariage qu’il n’avait pas autorisé, Rê, dans sa colère, jeta un charme sur la pauvre Nout afin qu’elle ne puisse donner naissance à aucun de ses enfants. Entre temps, il ordonna à Shou de séparer les deux fautifs. : Shou laissa Geb sur la terre et envoya Nout au ciel. Les deux bras levés, il supportait le corps de Nout ainsi éloigné de celui de Geb et devint l’espace qui sépare les deux éléments et qui permet la diffusion de la lumière. (Il existe, selon les textes, une autre variante de cet épisode).
De son côté, Thot, touché par le chagrin de Nout, joua au jeu de dames avec la lune. Il gagna toutes les parties et, en échange, il lui demanda de quoi fabriquer cinq jours entiers qui seraient en dehors du calendrier. Ainsi délivrée, Nout put mettre au monde ses cinq enfants : Isis, Osiris, Seth, Nephtys et Horus l’Ancien. On nomma ces jours les épagonèmes, jours néfastes, durant lesquels tout pouvait arriver.
ISIS ET LE NOM DE RÊ
La puissance de Rê et son pouvoir illimité faisaient sûrement bien des envieux dans le monde des dieux. Finalement, ils étaient, comme les hommes, sujets à bien des passions et désirs inavouables et leurs esprits retors traduisaient à merveille la vulnérabilité et l’instabilité humaines. Isis qui n’était encore que simple servante de son père, plus tard modèle parfait de la fidélité amoureuse et de l’amour filial, aurait bien aimé s’emparer du pouvoir de Rê.
Cette puissance résidait dans les multiples noms que le Créateur possédait et qui étaient secrets. Les révéler serait perdre à tout jamais cette puissance unique. Habile en paroles, la violence n’eut servi à rien, Isis tenta d’extorquer par le jeu malicieux des mots les noms convoités mais Rê sut déjouer le piège. Elle conçut alors un habile stratagème : constatant qu’il avait beaucoup vieilli, à tel point qu’il en bavait sur le sol, elle recueillit cette salive qu’elle pétrit avec de l’argile. Elle façonna avec ce mélange un serpent qu’elle plaça sur le chemin parcouru quotidiennement par le Roi. Le reptile, animé par la magie d’Isis, piqua le démiurge au pied. Il en ressentit une vive douleur qui le fit trembler et délirer. Il appela les dieux à son secours et crut bon de se justifier ainsi :
" Mon père et ma mère m’ont appris mon nom et je l’ai dissimulé dans mon corps pour qu’un magicien ne puisse prononcer de sort contre moi."
Les dieux firent cercle autour du blessé et Isis, l’ingénieuse, lui demanda les raisons de sa douleur. Rê exposa la nature de son mal. Isis rétorqua :
" Dis-moi ton nom, ton nom divin. Car un homme ne revit que lorsqu’il est appelé par son nom." Le dieu énuméra tous ses noms mais le poison persista dans son sang. Isis, furieuse, menaça et expliqua que le nom divin n’avait pas été cité. Epuisé par la souffrance, le Créateur finit par avouer son secret. Et Isis, ravie, le délivra de son mal.
LE MYTHE DE LA DESTRUCTION DES HOMMES
Mais Rê, comme tout être vivant, au fil des ans qui passent et des siècles qui s’écoulent, commençait à faiblir : il vieillissait. Malgré une belle apparence, ses os sont en argent, sa chair est en or et ses cheveux en lapis-lazuli, sa santé déclinait et il perdait de sa vitalité. Alors les hommes, déçus, commencèrent à parler et à se montrer irrévérencieux envers leur Roi. La révolte grondait et se mettait en place. Conscient de ces troubles, la réaction de Rê fut ferme.
Il convoqua la divine Ennéade : Shou et Tefnout, Geb et Nout, ainsi que Noun, le Père des Dieux :
" Voici que les hommes issus de mon œil complotent contre moi ; dites-moi ce que vous feriez à l’encontre de cela ?"
Noun proposa d’envoyer l’œil de Rê contre les humains car il n’existe pas d’œil supérieur pour frapper les comploteurs.
L’œil de Rê prit la forme de la déesse Hathor. Les hommes, les rebelles, terrorisés par cette déesse sanguinaire, s’enfuirent dans le désert où ils se réfugièrent. Mais la Redoutable ne se contenta pas d’effrayer les hommes : telle une bête enragée, elle commença une œuvre d’extermination atroce de la population. Elle se présenta devant son Père et, satisfaite, elle dit :
" Par ta vie, j’ai été puissante parmi les hommes, cela réjouit mon cœur."
Rê, fier des exploits de sa fille, la félicita chaudement. Cependant, comme Hathor semblait avoir pris plaisir à ce carnage et qu’elle ne demandait qu’à y retourner, le Seigneur, qui n’avait pas voulu la disparition entière de l’humanité et qui craignait de la voir disparaître à jamais sous les crocs acérés de sa fille, imagina une ruse pour l’apaiser et endiguer sa soif de sang :
" Faites moi venir des messagers rapides, qui courent comme une ombre. Ces messagers lui furent amenés sur le champ et la Majesté de ce dieu leur dit : courez à Eléphantine et rapportez moi une grande quantité de didi"
On écrasa de l’orge pour faire de la bière que l’on mélangea à cette plante dont les grains, une fois moulus, avaient une belle couleur rouge :
" Ce fut comme du sang humain. On fit sept mille cruches de bière. Lorsque l’aube fut apparue, durant laquelle cette déesse voulait tuer les hommes, il dit : je protégerai les hommes contre elle... apportez donc la bière à l’endroit où elle veut tuer les hommes ! "
La déesse, trompée par ce breuvage, le goûta, l’apprécia, et le philtre magique précipita l’assoiffée dans l’ivresse. Ainsi fut sauvée l’humanité, par la clémence de Rê.
LE DEPART DE RÊ
Mais le vieux Rê, lassé de l’ingratitude des hommes décida de se retirer loin de ce monde qui l’avait trahi. De nouveau, il convoqua les dieux et ce fut encore Noun qui vint à son secours. Il demanda à Nout de se transformer en vache afin que son père, sur son dos, accédât au ciel. Nout, prise de vertige, fut soutenue par Shou sur l’ordre de Rê. Et c’est ainsi que l’on expliqua la place de chacun des dieux dans l’univers. On dit aussi que pour soulager Nout de son malaise, Rê créa huit génies qui, deux par deux, devaient soutenir les quatre pattes de la Vache céleste. Du haut du ciel, Rê contemplait le royaume qu’il venait de quitter et observait tout ce qui se passait sur terre. Les hommes, honteux de ce qu’ils avaient fait contre leur Seigneur tirèrent des flèches sur les ennemis du Soleil pour le venger. Et ainsi naquirent les sacrifices humains. Chaque homme qui s’était rendu coupable d’un crime contre les dieux devait être puni pour éviter que le châtiment ne touche l’humanité entière. Attendri, Rê décida qu’à partir de ce jour, les bêtes seraient sacrifiées à la place des hommes.
Cependant, cet exil n’était pas sans conséquence sur l’organisation du temps. En effet, l’astre solaire illuminait maintenant la terre durant le jour, mais il disparaissait chaque soir de l’autre côté du monde pour continuer sa course nocturne avant de réapparaître au petit matin. La nuit était donc privée de clarté. L’ingénieux Thot, symbole de la lune, décida alors de suppléer Rê dans sa tâche lorsqu’il s’absentait la nuit. Par cette nouvelle fonction, il s’imposa comme le Maître du temps et des étoiles et fut l’organisateur du calendrier qui ordonne les jours, les mois et les années.
Rê a donc rejoint les hauteurs célestes. Logiquement, comme dans n’importe quelle autre succession normale, Shou, le fils de Rê succéda à son père sur le trône. Les années de son règne semblèrent se dérouler sans problème particulier. Il fit construire des villes, des sanctuaires, protégea les marges du monde. Malgré toutes ses attentions, il ne put réprimer une rébellion. Il quitta alors la terre et c’est Geb qui fut choisi pour la fonction royale libérée. Sa mère, Tefnout, assura un moment la régence. Mais impatient, Geb usurpa le trône tant convoité. D’autre part, il apprit que ses divins prédécesseurs possédaient une arme invincible : un cobra protecteur qui, dressé au front du Roi, prêt à l’attaque, atteignait infailliblement sa proie. Modèle de vigilance, il était un signe de force que Geb aimerait bien posséder. Aidé de ses fidèles, il tenta de dérober cet uraeus à son père. Le serpent réagit violemment et brûla de ses flammes ardentes le visage du voleur. Repentant, il demanda assistance à son père qui lui offrit une perruque qui calma la douleur et soigna la plaie. Malgré ces vicissitudes, Geb monta sur le trône et son aura fut telle que les futurs Pharaons terrestres se réclamèrent comme les héritiers de Geb. On ne connaît pas très bien la fin du règne de Geb. Animé par ses anciens démons, il aurait tenté de supprimer son fils Osiris. Honteux, il décida comme son père et son grand- père de quitter le monde terrestre et offrit en héritage la royauté à son fils Osiris.
Grâce à la magie de Thot, nous l’avons vu dans les pages précédentes, Nout la déesse du ciel avait pu enfin être délivrée de ses cinq enfants. Le premier jour, ce fut Osiris qui vint à la lumière du jour. Grand par la taille, il avait un beau visage et une voix annonça que le maître de toute chose était né mais que de grands malheurs à venir pesaient sur l’enfant. Puis, le second jour ce fut le tour d’Horus l’Ancien. Le troisième jour naquit Seth et l'on dit qu'il déchira le ventre de sa mère, le quatrième salua la venue d’Isis et enfin, le cinquième jour apparut Nephtys.
Ainsi, cette famille de dieux, Rê-Atoum, le dieu créateur en tête, Shou et Tefnout, Geb et Nout, Isis, Osiris, Horus, Seth et Nephtys constituèrent la Grande Ennéade d’Héliopolis. Le tout se résuma au chiffre neuf, chiffre sacré.Mais le vieux Rê, lassé de l’ingratitude des hommes décida de se retirer loin de ce monde qui l’avait trahi. De nouveau, il convoqua les dieux et ce fut encore Noun qui vint à son secours. Il demanda à Nout de se transformer en vache afin que son père, sur son dos, accédât au ciel. Nout, prise de vertige, fut soutenue par Shou sur l’ordre de Rê. Et c’est ainsi que l’on expliqua la place de chacun des dieux dans l’univers. On dit aussi que pour soulager Nout de son malaise, Rê créa huit génies qui, deux par deux, devaient soutenir les quatre pattes de la Vache céleste. Du haut du ciel, Rê contemplait le royaume qu’il venait de quitter et observait tout ce qui se passait sur terre. Les hommes, honteux de ce qu’ils avaient fait contre leur Seigneur tirèrent des flèches sur les ennemis du Soleil pour le venger. Et ainsi naquirent les sacrifices humains. Chaque homme qui s’était rendu coupable d’un crime contre les dieux devait être puni pour éviter que le châtiment ne touche l’humanité entière. Attendri, Rê décida qu’à partir de ce jour, les bêtes seraient sacrifiées à la place des hommes.
Cependant, cet exil n’était pas sans conséquence sur l’organisation du temps. En effet, l’astre solaire illuminait maintenant la terre durant le jour, mais il disparaissait chaque soir de l’autre côté du monde pour continuer sa course nocturne avant de réapparaître au petit matin. La nuit était donc privée de clarté. L’ingénieux Thot, symbole de la lune, décida alors de suppléer Rê dans sa tâche lorsqu’il s’absentait la nuit. Par cette nouvelle fonction, il s’imposa comme le Maître du temps et des étoiles et fut l’organisateur du calendrier qui ordonne les jours, les mois et les années.
Rê a donc rejoint les hauteurs célestes. Logiquement, comme dans n’importe quelle autre succession normale, Shou, le fils de Rê succéda à son père sur le trône. Les années de son règne semblèrent se dérouler sans problème particulier. Il fit construire des villes, des sanctuaires, protégea les marges du monde. Malgré toutes ses attentions, il ne put réprimer une rébellion. Il quitta alors la terre et c’est Geb qui fut choisi pour la fonction royale libérée. Sa mère, Tefnout, assura un moment la régence. Mais impatient, Geb usurpa le trône tant convoité. D’autre part, il apprit que ses divins prédécesseurs possédaient une arme invincible : un cobra protecteur qui, dressé au front du Roi, prêt à l’attaque, atteignait infailliblement sa proie. Modèle de vigilance, il était un signe de force que Geb aimerait bien posséder. Aidé de ses fidèles, il tenta de dérober cet uraeus à son père. Le serpent réagit violemment et brûla de ses flammes ardentes le visage du voleur. Repentant, il demanda assistance à son père qui lui offrit une perruque qui calma la douleur et soigna la plaie. Malgré ces vicissitudes, Geb monta sur le trône et son aura fut telle que les futurs Pharaons terrestres se réclamèrent comme les héritiers de Geb. On ne connaît pas très bien la fin du règne de Geb. Animé par ses anciens démons, il aurait tenté de supprimer son fils Osiris. Honteux, il décida comme son père et son grand- père de quitter le monde terrestre et offrit en héritage la royauté à son fils Osiris.
Grâce à la magie de Thot, nous l’avons vu dans les pages précédentes, Nout la déesse du ciel avait pu enfin être délivrée de ses cinq enfants. Le premier jour, ce fut Osiris qui vint à la lumière du jour. Grand par la taille, il avait un beau visage et une voix annonça que le maître de toute chose était né mais que de grands malheurs à venir pesaient sur l’enfant. Puis, le second jour ce fut le tour d’Horus l’Ancien. Le troisième jour naquit Seth et l'on dit qu'il déchira le ventre de sa mère, le quatrième salua la venue d’Isis et enfin, le cinquième jour apparut Nephtys.
Ainsi, cette famille de dieux, Rê-Atoum, le dieu créateur en tête, Shou et Tefnout, Geb et Nout, Isis, Osiris, Horus, Seth et Nephtys constituèrent la Grande Ennéade d’Héliopolis. Le tout se résuma au chiffre neuf
LA LEGENDE D'OSIRIS
Seth épousa sa sœur Nephtys tandis qu’Osiris s’unit à Isis. Rê qui avait pardonné à sa fille Nout, invita Osiris à ses côtés et l’éleva comme l’héritier du trône de Geb. La personnalité d’Osiris fut extrêmement complexe et les théologiens pour tenter d’unifier les différents aspects qu’il avait adoptés élaborèrent un récit que l’on appelle la Légende d’Osiris. Ce récit se divise en trois parties essentielles : la geste d’Osiris qui comprend l’assassinat d’Osiris, les deux quêtes d’Isis et les rites funéraires. Puis c’est la naissance et l’enfance d’Horus. Et, enfin, de loin la partie la plus animée, le combat d’Horus et de Seth pour la royauté terrestre. Au cœur de ce drame familial, intervient une multitude de dieux et de déesses qui tenteront de régler ce problème de succession très compliqué. De querelles sans fin en luttes assassines, ce mythe, qu’il faut comprendre comme une passion, met en place les fondements de la religion funéraire égyptienne. En effet, Isis, par sa magie ressuscite son époux assassiné. Chaque Egyptien s’identifiera alors à ce héros qui deviendra le gage et l’espoir d’une survie éternelle.
La geste d’Osiris
Un jour, Osiris devint roi. Et il fut aidé dans sa royale occupation par sa sœur et épouse, la douce Isis. Constatant que les Egyptiens étaient tous à demi sauvages, il décida de les éduquer. Son règne fut appelé âge d’or tant il était juste et plein d’enseignements. Osiris apprit aux hommes à cultiver la terre, à récolter le blé, à faire la farine et préparer le pain. Il leur apprit aussi à irriguer les terres, à construire des maisons pour abriter leur famille. Il leur enseigna la vie en communauté et tous les profits que l’on pouvait tirer d’une vie honnête et d’un travail organisé. Il leur montra comment travailler la matière afin de produire des armes, des outils et des bijoux. De son côté, Isis enseignait aux femmes l’art du tissage, de la cuisine et leur inculqua des principes d’éducation pour leurs enfants. Le couple divin montra aux hommes comment on bâtissait des villes et des temples pour honorer les dieux. Il instaura les offrandes et les rituels qui conservent la bénédiction des dieux. Osiris leur parla de la rectitude en toute chose, de l’honnêteté dans les actes et dans les paroles qui maintiennent le monde dans une bonne harmonie. Par l’entremise de Thot, le dieu savant, il leur apprit à compter les jours et les années, et, chose ô combien merveilleuse, leur enseigna les signes divins qui conservent la mémoire des hommes. On l’appela l’Etre Bon, Ounnefer.
Cependant, le Mal était là, qui attendait son heure d’entrée en scène. Seth, le frère d’Osiris, était jaloux de la renommée de celui-ci et fortement dépité de n’avoir pas reçu la royauté terrestre. D’autant plus que tout n’était pas aussi clair dans ce monde parfaitement organisé par Osiris. En effet, celui-ci, dans un moment d’égarement sans doute, avait trahi la confiance d’Isis et avait partagé la couche de son autre sœur Nephtys, néanmoins épouse de Seth.
De cette union malencontreuse naquit un fils Anubis, abandonné par sa mère par crainte de représailles. L’enfant fut élevé par la généreuse Isis mais relégué aux ténèbres et au royaume des morts. Toujours est-il que Seth, le Stérile dut en concevoir quelque dépit qui ne fit qu’accroître son amertume envers son frère. Avec soixante-douze de ses fidèles il ourdit un sombre complot. Il invita Osiris à une fête donnée en son honneur. Dans la salle du banquet trônait un superbe coffre en bois précieux et, sous les regards admiratifs de l'assemblée réunie, il promit d’offrir la malle à qui y logerait exactement. Osiris qui ne se doutait de rien l’essaya. A peine fut-il allongé que les conspirateurs clouèrent le coffre aux quatre coins et le précipitèrent dans le Nil. Le fort courant entraîna ce funeste appareil vers la mer lointaine. Alors Isis entra dans une grande détresse et les hommes hurlèrent leur chagrin. Commença alors ce que l’on nomme la première quête d’Isis. Elle s’entêta et, désespérée, parcourut le monde entier à la recherche de son époux chéri. Elle questionnait les gens sur son passage et un jour des enfants lui dirent :
" Oui, nous avons vu des hommes transporter un coffre. C’est dans la branche du Nil qui passe à Tanis qu’ils l’ont jeté et c’est par là que le flot a dû l’emporter vers la mer."
Isis, l’éplorée arriva à Byblos. Et là, elle comprit que le coffre avait échoué à un endroit où un superbe acacia le cachait aux regards. Habilement, usant de magie, elle parvint à soustraire au roi Malcandre le coffre divin et s’en retourna en Egypte. Elle le ramena dans les marécages de Chemnis. Mais Seth, au hasard d’une chasse nocturne, découvrit la cachette. Furieux, il s’empara du corps et le découpa en quatorze morceaux qu’il balança dans le Fleuve. Commença alors la seconde quête d’Isis. Elle se transforma en oiselle afin de mieux discerner les profondeurs du Nil et elle récupéra tous les morceaux du défunt. Chaque morceau qu’elle retrouva, on dit qu’elle l’enterra à l’endroit même de sa découverte. Ainsi quatorze régions d’Egypte purent s’enorgueillir de posséder une partie du dieu, ce qui explique aussi le nombre impressionnant de tombeaux dédiés à Osiris. Tous les morceaux furent retrouvés,sauf un, le phallus divin qui fut avalé par le poisson oxyrhynque.
Nephtys, la sœur d’Isis accompagna sa sœur dans ses recherches.N’oublions pas qu’elle avait été l’amante d’Osiris et, à ce titre, il était naturel qu’elle partageât la douleur de sa sœur. Anubis, le fruit de leurs amours illégitimes se devait aussi de participer à sa manière aux rites destinés à redonner vie au corps mutilé. C’est pourquoi, il devint le dieu des embaumeurs et il fut désigné, lorsque le défunt arrivait aux portes du monde d’En-Bas, pour être l’intermédiaire entre le nouveau venu et le tribunal présidé par Osiris. Ensemble donc, aidés aussi par Thot, ils disposèrent les restes du mari, de l’amant, du père et en firent, grâce à la science même du dieu défunt, la première momie. Ils l’enveloppèrent de bandelettes, déposèrent des amulettes aux endroits propices et procédèrent au premier rituel de l’Ouverture de la bouche. Plus encore, ils sculptèrent une statue à l’effigie du dieu. C’est ainsi que naquirent les prémices des premiers rites funéraires qui promettaient, entre autres, d’accéder en bonne forme dans l’au-delà et garantissaient une participation à la vie éternelle. Osiris ainsi ressuscité, Isis s’allongea sur son époux retrouvé et d’un battement de ses ailes conçut leur enfant, le petit Horus, mais c’est une chose à garder bien cachée, qu’il ne soit pas permis qu’un homme ou qu’une femme la divulgue à haute voix. Osiris aurait pu continuer sa vie terrestre mais il préféra partir. Il s’éleva dans le ciel en direction de la Voie lactée pour y construire son Royaume où il accueillit tous ses sujets qui avaient mené une vie humaine droite et généreuse. 
La naissance et l’enfance d’Horus
Isis, la magicienne parvint donc à concevoir un enfant de son défunt mari. Photo (la triade). Bien sûr, la déesse craignait pour sa vie et pour celle de l’enfant qu’elle attendait. Elle se réfugia dans les marais de Chemnis et implora le dieu Rê de la protéger, elle et son petit à naître. Arriva enfin le jour de la délivrance :
"Je suis le grand faucon, Horus... Ma place est loin de celle de Seth, l’ennemi de mon père Osiris... Je m’envole grâce à mon essor... Je vais partir en guerre contre l’ennemi de mon père, je le placerai sous mes sandales en mon nom de Furieux."
Quelle destinée attendait le jeune enfant ! Mais en attendant, il devait grandir, sous la protection de sa mère. Tout au long de sa jeunesse, rien ne sera épargné au divin rejeton : maladies, blessures, piqûres de scorpions, fièvres et autres maux l’accableront. Une des pages les plus célèbres nous conte un de ces épisodes. Afin de nourrir son enfant, Isis était obligée de s’absenter souvent afin de parcourir les villes et les campagnes pour trouver quelque subsistance. Un soir qu’elle s’en revenait, elle trouva son petit inanimé sur le sol. Désespérée, elle appela à son secours les habitants du marais, impuissants devant son malheur. Bien sûr, sa colère se porta contre Seth qu’elle crut l’auteur de ce crime. Seule une vieille femme magicienne trouva l’origine de son mal. Innocentant Seth, elle assura simplement qu’Horus s’était fait piquer par un scorpion ou un serpent. Nephtys et Selkis, Photo, encouragèrent la mère à faire appel au grand Rê. Celui-ci arrêta aussitôt sa course dans le ciel et dépêcha Thot auprès d'Isis sur les lieux du drame. Le poison vaincu, Horus fut sauvé par le grand magicien. Thot demanda aux habitants des marais de protéger le jeune enfant lors de l’absence de sa mère et s’en fut pour remettre en marche la barque solaire et annoncer à Rê qu’Horus est guéri.
Innocent, vulnérable, sa vie entière sera ponctuée d’événements malheureux et d’attentats sordides. Cependant, la magie de sa mère et l’aide propice des dieux, détourneront toujours ses souffrances. En effet, rien ne peut atteindre l’intégrité d’un dieu, nous le verrons par la suite.
Horus continua de grandir, caché dans les roseaux et dans les papyrus. Il devint un beau jeune homme, il apprit à lire, à déchiffrer les signes sacrés. Osiris, un jour, revint sur terre pour armer son fils et l’initier aux combats. C’est alors que le fils émit le désir de venger son père. Osiris accepta et retourna vivre dans ses Jardins d’Ialou.
Déterminé, Horus partit en guerre contre Seth.
LE COMBAT ENTRE SETH ET HORUS
Le rôle de Seth dans la Légende d’Osiris en faisait un dieu du mal. Assassin de son frère, il allait aussi entrer en conflit avec son neveu, le jeune Horus. Seth représentait les ténèbres, la Haute Egypte des montagnes arides et sèches. Dieu des déserts, il fut d’une grande force. Son physique était des plus impressionnants : sa peau était rouge, ses yeux très clairs et ses cheveux roux. On le représentait aussi avec un corps de chien à longue queue fourchue, le museau effilé et les oreilles bien droites. Dieu des tempêtes et des orages, il symbolisait la violence et le déséquilibre qui menaçaient le monde. Nous verrons, plus loin, dans une synthèse de ces différents personnages que nous découvrons peu à peu, que son rôle est très ambivalent et qu’il participe malgré à tout à la bonne marche de l’univers.
Après l’assassinat d’Osiris, se posait de nouveau le délicat problème de la succession. Seth s’empara de force du pouvoir mais c’était sans compter les revendications d’Horus qui, en héritier légitime de son père estimait que le trône lui revenait de droit.
Un long procès, la farce d’Hathor
Horus et Seth décidèrent donc de s’en remettre au jugement des dieux. Mais ceux-ci n’étaient pas pressés de rendre leur verdict. En effet, lorsque commença vraiment la longue série des attaques et complots en tout genre, le procès qui devait juger l’affaire durait déjà depuis près de quatre-vingts ans ! Les séances étaient présidées par le grand Rê-Atoum et conduites par Thot, le secrétaire des dieux. Les avis divergeaient : l’assemblée approuvait la candidature d’Horus, héritier de droit de son père mais le Créateur, qui craignait les foudres de Seth et qui redoutait sa force, préférait ne pas prendre parti contre lui :
" Que signifie que vous preniez une décision, vous seuls ?"
Afin de calmer la colère divine, on décida de faire appel à une consultation extérieure et Thot écrivit une lettre à Neïth, déesse de Saïs, grande de sagesse. Celle-ci répondit d’élire le jeune Horus et d’offrir en compensation à Seth, les déesses Anat et Astarté. L’assemblée, bien sûr, se réjouit d’un tel verdict mais Rê, courroucé une fois de plus de voir Seth vaincu, objecta le manque de maturité de l’élu, handicap certain pour la lourde responsabilité du trône. Alors intervint un dieu, Baba, Suivant d’Horus. Il ne ménagea pas la susceptibilité de Rê et l’accusa de ne plus avoir aucune autorité :
" Ton naos est vide !"
Atterré, humilié, Rê décida, de se retirer dans son palais et s’allongea sur le dos. L’assemblée consternée ordonna l’interruption des débats. On appela à l’aide Hathor, une des filles de Rê dont les coquines facéties eurent raison de l’humeur chagrine de son père. Elle souleva ses jupes et dévoila son sexe ce qui eut pour effet immédiat de le dérider.
L’épisode de l’Ile du Milieu
Le procès reprit son cours normal mais les débats se révélèrent de nouveau vains et stériles, chacun des protagonistes restant campés sur ses positions respectives. L’oncle affirmait que le trône lui revenait de plein droit puisque, aux côtés de Rê dans sa barque, il anéantissait pour lui chaque nuit le serpent Apopis, tandis qu’Horus se réclamait fils de son père, donc héritier légitime. C’est alors qu’Isis, excédée intervint pour son fils. Seth, fort contrarié, déclama bien haut qu’il ne prendrait plus part aux débats en présence de celle-ci. Rê décida alors que les séances seraient tenues dans un endroit protégé des atteintes d’Isis, sur l’île du Milieu. Il ordonna au passeur Anti de ne faire passer aucune femme sur sa barque. Mais Isis ne se laissa pas démonter pour autant. Elle se grima de manière à ressembler à une vieille femme et acheta le passeur avec un anneau d’or. Celui-ci ne se méfia pas une seconde et permit à la rusée de rejoindre l’île. Puis, elle se transforma en une magnifique jeune femme. Seth, séduit par les charmes de cette belle personne, répondit à ses avances et se laissa prendre au piège :
" Mon grand Seigneur, j’étais la femme d’un berger, j’ai mis au monde un enfant mâle. Mon mari est mort et le garçon s’est mis à garder les bêtes de son père. Mais lorsqu’un homme étranger est venu, il s’est assis dans mon étable et a dit à mon enfant : je vais te battre et prendre les bêtes de ton père puis je te jetterai dehors !"
Seth lui répondit :
" Est-ce à l’homme étranger que l’on va donner les bêtes alors que le fils du mâle se trouve présent ?"
Alors Isis se transforma en milan. Elle s’envola, se posa au sommet d’un acacia et cria à Seth :
" Pleure donc ! C’est ta propre bouche qui l’a dit ! Et c’est ta propre sagacité qui t’a jugé toi-même ! Que te faut-il de plus ?"
(Extrait de Contes de l’Egypte ancienne, traduction de Pierre Grandet)
Le combat des hippopotames
Conscient de l’imprudence de Seth, Rê ne put lui donner raison et donna la couronne d’Egypte à Horus.
Mais l’histoire n’était pas terminée, loin s’en faut. En ce temps-là, les dieux étaient opiniâtres et leurs querelles infinies. Seth invita son neveu à un exercice où, transformé chacun en un redoutable hippopotame, ils devraient rester le plus longtemps possible sous l’eau. Isis, de nouveau, en mère attentionnée et inquiète, assista à la joute nautique. Elle ne put s’empêcher de porter secours à son fils en perdition et lança un harpon en direction de Seth. Malheureusement, elle atteignit Horus, le délivra, recommença et toucha enfin Seth. Celui-ci hurla sa douleur et apitoyée, Isis retira la flèche. Horus, outré par cette infidélité à sa personne, d’un coup d’épée, trancha la tête de sa mère et l’exila dans la montagne où il la transforma en statue de pierre. Heureusement, Thot veillait et remplaça la tête perdue par une tête de vache qui donna à Isis l’aspect d’Isis-Hathor. Rê rentra alors dans une grande colère et chargea l’Ennéade de rattraper le fils indigne. Pour le punir, Le Maître Universel lui arracha les yeux et les enterra dans une colline. Hathor, la Douce, inquiète du sort réservé à Horus partit à sa recherche, et le retrouva, pauvre Horus, pleurant à chaudes larmes. Elle versa du lait de gazelle dans les orbites meurtris et lui rendit ainsi la vue.
La semence de Seth et le combat en barque
Rê, las de toutes ces incessantes querelles, organisa un banquet afin de tenter de réconcilier les deux irréductibles parents. Après le repas, le perfide Seth tenta d’abuser de son neveu. Celui-ci parvint à recueillir la semence de son ennemi dans ses mains et se présenta devant sa mère Isis. Affolée, elle trancha les membres salis et les jeta dans l’eau. Horus se trouva alors fort handicapé. Il fit appel à Rê et implora son aide. Celui-ci, conscient de la gêne occasionnée par cette mutilation convoqua le dieu crocodile Sobek afin qu’il aille quérir au fond de la vase les mains perdues. Avec beaucoup de difficulté, Sobek parvint à les récupérer. Pour éviter, de nouveau, un conflit avec Isis, le Créateur les dédoubla ainsi : il offrit la première paire à la ville de Nekhen, et pour libérer Horus, il lui rendit le seconde paire.
Cependant, Isis la rusée eut une idée pour venger l’honneur de son fils. Elle demanda à celui-ci un peu de sa semence qu’elle répandit soigneusement sur les salades du potager de Seth. Comme à l’accoutumée, le dieu Rouge dîna de son mets favori et se trouva, ainsi, bien malgré lui, fécondé par la semence d’Horus. Seth qui ignorait ce stratagème, fier de son acte se présenta devant les dieux réunis :
" Faites que l’on me donne la fonction de roi parce qu’envers Horus ici présent, je me suis conduit comme un mâle."
Les dieux dégoûtés crachèrent au visage d’Horus. Mais Horus se moqua d’eux et les invita à appeler la semence de Seth pour voir d’où elle répondait. Thot interrogea la semence de Seth et celle-ci sortit, bien évidemment, du fond des eaux. Puis il appela la semence d’Horus et celle-ci sortit du front de Seth devenu fou furieux sous l’injure.
Seth plus hargneux que jamais, lança un nouveau défi. Il proposa une course dans des bateaux de pierre et le premier arrivé serait désigné Roi d’Egypte. Malin, Horus déguisa sa barque, qu’il construisit en bois recouvert de plâtre. L’embarcation de Seth coula à pic, tandis que celle d’Horus se maintint sur les flots. Furieux, Seth se mua en hippopotame, fit chavirer la barque de son rival
qui put cependant rejoindre la berge.
Dénouement du procès
Horus, las de ces luttes inutiles, se présenta devant la sage Neïth et lui demanda de trancher définitivement pour l’un ou l’autre. Chacun des dieux admit que les raisons d’Horus étaient recevables mais pour apporter encore plus de crédibilité à un débat qui pourtant ne manquait pas de preuves, Thot décida de consulter Osiris, le père d’Horus. Osiris ne comprit pas les raisons qui poussaient les uns et les autres à faire du mal à son fils. Et il menaça :
" Pourquoi a–t-on fait du mal à mon fils Horus alors que c’est moi qui ai fait de vous des êtres puissants ? Et que c’est moi qui ai créé l’orge et le blé pour faire vivre les dieux. ..."
Puis, il menaça d’envoyer ses émissaires, les démons, sur les dieux et déesses coupables envers son fils. Les dieux se rendirent alors immédiatement en faveur d’Horus à qui il confièrent définitivement la royauté terrestre. Isis, folle de joie s’écria :
" Tu es le roi parfait ! Mon esprit est en joie, car tu as illuminé la terre de ton éclat ! "
Seth, quant à lui, fut confié à Rê qui l’installa à ses côtés :
Il hurlera dans le ciel et on aura peur de lui. "
Dans l’ancienne théologie de Memphis, il était dit que les antagonistes avaient reçu en partage la Terre d’Egypte : Horus se voyait attribuer la Basse Egypte tandis que Seth recevait la Haute Egypte. Cependant, avec l’introduction de la Légende d’Osiris, Horus remporta l’Egypte entière et devint le roi universel de la Terre au détriment de son oncle.
ET LA MORALE DANS CETTE HISTOIRE ?
Les origines de cette Légende sont très anciennes et l’histoire, au cours des temps, a subi de nombreux arrangements qui ont enrichi ses différents aspects. Aucun document égyptien ne donne l’intégralité du récit. Il faudra attendre l’intervention de Plutarque (vers 100 ap. J.C.) qui transmettra à la postérité une forme plus complète de l’histoire.
Le drame familial qui se joua après la création du monde démontrait que l’organisation d’une vie communautaire n’était pas chose aisée. Si les dieux n’arrivaient pas à s’entendre entre eux, qu’en serait-il alors des hommes lorsqu’ils seraient livrés à eux-mêmes ? Les dieux se devaient d’être des modèles pour l’humanité mais il était clair que les théologiens d’Héliopolis avaient quelque doute sur la bonne réalisation de ce projet. Aussi élaborèrent- ils des personnages divins accessibles à tous et où chacun pouvait se reconnaître à travers des mœurs, des désirs, des sentiments très humains. L’essentiel, à la fin de l’histoire, étant de comprendre qu’il faut, à tout prix, respecter la Règle Universelle, la Maât qui conserve le monde en bon état de marche. 
Rê fut représenté vieilli, malade et faible, tantôt on l’humilia, tantôt on se moqua de lui. Cela peut nous surprendre mais si le clergé avait voulu nous présenter un image plus respectueuse du Créateur, il l’aurait fait sans aucun doute. Le rôle essentiel de Rê était de maintenir l’équilibre du monde créé afin qu’il ne retournât pas dans le Vide des origines. Et pour cela, aidé par sa fille Maât, il utilisa tous les moyens mis à sa disposition pour faire respecter la Norme. L’influence d’Héliopolis fut telle que dès la IVème dynastie, sous le règne de Kephren, les Pharaons se déclarèrent, dans leur titulaire royale, fils de Rê. Les rois, qui s’étaient déjà appropriés le caractère d’Horus, en venaient à se poser comme les héritiers directs du démiurge et à ce titre avaient la charge des biens du père divin. En somme, Rê était devenu omniprésent.
Rê eut des rejetons très turbulents. On vit ici Geb convoiter l’uraeus divin, là, Nout enfanta sans la permission divine, Osiris commit l’adultère et procréa un enfant illégitime, tandis qu’Isis aurait bien aimé usurper le pouvoir grâce au nom secret de Rê. L’avènement des cinq fils de Nout que l’on surnomma les enfants du désordre causa bien des troubles et des tracas au grand démiurge.
Osiris fut la plus populaire des divinités du panthéon égyptien : il fut le roi de l’Au-delà, le garant de la résurrection et à ce titre concerna tous les hommes qu’ils fussent Pharaon ou simple paysan. Chacun, à un moment donné, serait appelé à comparaître devant le Juge divin et la balance de la Vérité.
Isis fut elle aussi une divinité très populaire et elle dut sa renommée au rôle qu’elle joua auprès de son frère et époux Osiris. Fidèle épouse, mère dévouée, son comportement fut irréprochable. Isis fut le modèle de la femme égyptienne : modèle des reines, elle fut aussi celui des femmes, des épouses et des mères égyptiennes. Enseignante au côté d’Osiris, fidèle amante, elle montra un courage hors du commun lorsque celui fut assassiné. Acharnée dans sa quête, intuitive et ingénieuse, elle n’hésita pas à braver tous les dangers pour secourir son époux et son fils. La théologie égyptienne, qu’elle soit d’Héliopolis, de Memphis ou de Thèbes n’a jamais cantonné la femme dans un rôle négatif comme ce fut le cas dans notre religion judéo-chrétienne. Eve fut source de malheurs et de catastrophes, Isis, au contraire, à l’issue de terribles épreuves, ressuscita son mari et conçut de lui un enfant qui sera amené à gouverner les hommes.
Pourtant les déesses égyptiennes eurent souvent une personnalité bien ambiguë. Certaines furent considérées comme filles de Rê, telles Isis, Hathor, Tefnout, Sekhmet, Maât, Bastet, Photo, et furent, de ce fait, des incarnations de l’astre solaire. Quel que soit leur nom elles se manifestèrent en tant qu’œil de Rê et leur énergie permit au Créateur de maintenir la création. Leur mission fut très particulière : elles devaient, d’une part, veiller sur leur Père, le nourrir et le régénérer et, d’autre part, elles devaient régulièrement s’en détacher pour lutter, au nom du Soleil, contre les forces du chaos. Certaines seront complémentaires telles Sekhmet et Bastet. Le Mythe de la Déesse Lointaine mit en scène la déesse Tefnout, Sekhmet selon les variantes, redoutable lionne sauvage qui arpenta les déserts.
A son retour, elle apparut sous les traits de la bienfaisante et douce Bastet ou de la joyeuse Hathor. Cet aspect destructeur était contrebalancé par le caractère bénéfique qu’elle retrouvait un fois la lutte terminée et l’Inondation revenue. Agressive, elle luttait contre les forces du mal, paisible elle symbolisait la permanence de la création. Isis a eu ses faiblesses à l’instar de n’importe quelle autre jeune femme : dans l’épisode où elle tenta de faire avouer à Rê son nom secret, elle incarna toute la malice et la curiosité des femmes qui désirent arriver à leurs fins. D’autres déesses fusionneront et finiront par se confondre telles Isis et Hathor. Le nom de la déesse inscrit au-dessus de sa tête ou le contexte nommeront la déesse figurée. En compagnie d’Horus, ce sera certainement Isis, dans une scène d’allaitement royal il s’agira d’Hathor.
L’ambivalence des personnalités n’était pas l’apanage des déesses. Seth, malgré son caractère hostile, joua un rôle protecteur auprès du Roi solaire puisqu’il protégeait la barque divine lors de sa course nocturne. Armé de ses piques, il repoussait les attaques du monstre et permettait, quotidiennement, la réapparition de l’astre à l’orient du ciel. Certains Pharaons n’hésiteront pas s’attribuer le nom de Seth, tel le père de Ramses II qui prit le nom de Sethi I. Symboliquement, Seth représentait tout ce qui s’opposait à la lumière et à la paix : les déserts, les montagnes arides, les animaux qui y vivaient, les monstres, crocodiles, hippopotames. Maîtrisé convenablement chacun de ces éléments pouvait devenir enrichissant et vital, c’est pourquoi il convenait d’honorer à bon escient son image afin de se concilier ses faveurs. Certaines représentations illustrèrent la collaboration d’Horus et de Seth, celui-ci aidant le défunt à monter les marches qui mènent vers le Royaume céleste. Ainsi la lumière et l’ombre pouvaient se compléter harmonieusement.
Les personnalités d’Horus étaient beaucoup plus complexes et difficilement identifiables. Dieu céleste, il entretint de profondes relations avec Rê, il assimila diverses divinités, elles aussi représentées par l’image du faucon, il fut le protecteur de Pharaon, et engloba diverses formes telles Harpocrate, Harsomontous, Horakhty et bien d’autres.
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