Plan de Deir el Medineh
Présentation du Village
Organisation du Village
Autour du Village
Les Serviteurs de la Tombe
Personnages pittoresques

Album I Deir el-Medineh
Album II Deir el-Medineh
Album III Deir el-Medineh
Ramsès a pris place sous le grand dais qui le protège des ardeurs du soleil.
Autour de sa royale personne, la cour de ses sujets s’est rassemblée et, tout comme lui, attend que Nakhtamon fasse les premières présentations.
Le jeune homme se tourne alors vers Ramose, un jeune scribe qu’il estime beaucoup,
celui-là même qui l’a choisi, lui l’humble Nakhtamon pour être le guide de cette mémorable journée.
PERSONNAGES PITTORESQUES, RAMOSE

Ramose est le fils d’Amenemheb et de dame Kakaia, messager officiel à Thèbes. Malgré la coutume qui pousse le fils à suivre les traces de son père, le jeune Ramose préfère embrasser la belle et très enviée carrière de scribe. Il pénètre alors au cœur de cette école prisée où l’on enseigne aux jeunes garçons avides de connaissance et de respectabilité future l’art de l’écriture, des beaux hiéroglyphes et de la stricte comptabilité. Il est encore tout jeune lorsqu’à vingt ans il est admis au sein du temple funéraire du Pharaon Thoutmosis IV. Il peut être fier de ses titres, le petit scribe, ceux que les supérieurs lui décernent ont de quoi flatter son jeune égo : il est Scribe du Trésor du Temple, Scribe responsable du bétail d’Amon et Chef de l’Administration dans la Demeure du Garde du Sceau. Vers l’âge de vingt-cinq ans un autre poste lui est confié, tout aussi enviable, celui de scribe du temple funéraire d’un des plus célèbres fonctionnaires du Nouvel Empire, Amenhotep fils de Hapou, Scribe et Grand Intendant du Pharaon Amenhotep III. Enfin, une dernière mutation vers l’âge de trente-cinq ans le propulse au cœur de la Vallée des Rois où il exercera ses talents d’administrateur de la nécropole royale quarante années durant. Un bel éclat de calcaire conservé au musée du Caire révèle à la postérité la fierté qui le submergea lorsqu’il prit place au sein de cet univers si particulier et si mystérieux aux yeux de ses compatriotes égyptiens :
" Promu scribe dans le Lieu de Vérité en l’an cinq, troisième mois de la saison de la crue, jour dix du roi de Haute et de Basse Egypte Ousermaâtrê Setepenrê, Fils de Rê, Ramsès Aimé d’Amon "
Le scribe arrive donc en ces lieux durant la cinquième année du règne de Ramsès II, probablement fut-il placé sous la protection du vizir du moment, Paser. La plus grande partie de son existence sera consacrée au contrôle et à la surveillance de l’hypogée royal. Pourtant ses talents d’organisateur et de contrôleur des travaux le mèneront aussi à exécuter pour Ramsès II un bâtiment nommé khenou de Ramsès Meryamon, construit en briques crues entre le temple ptolémaïque et son mur d’enceinte et considéré comme une résidence de Pharaon destinée à recevoir le roi lors de ses visites dans la nécrople royale. Ramose s’installe à pa demi, dans la partie la plus ancienne du Village. Le jeune scribe s’intègre parfaitement bien au sein de la communauté, si bien qu’il prend pour épouse une jeune fille du Village, Moutemouya. Malheureusement l’union de ces deux jeunes gens restera stérile, aucun enfant ne viendra égayer leur douce existence. Malgré leurs prières et les nombreuses stèles édifiées en l’honneur des divinités liées à la fécondité telles Hathor, la Dame d’Or ou Toueris et Min, Ramose doit se résoudre à prendre sous son aile protectrice un fils adoptif, un jeune scribe aux talents prometteurs, Qenherkhepechef. L’histoire se répète souvent, peut-être faut-il deviner dans cette adoption un signe du destin dans la mesure où Ramose lorsqu’il arriva à pa demi fut lui-même adopté par son supérieur hiérarchique, le scribe Houy.
Au fur et à mesure des années qui s’écoulent, la réputation de Ramose ne cesse de s’accroître, sa fortune aussi d’ailleurs et il devient l’un de habitants les plus opulents mais aussi l’un des plus appréciés du Village. Au crépuscule de sa vie, le vieux Ramose laisse derrière lui, outre des terres qu’il avait reçues en dotation avant sa nomination dans la communauté, un nombre impressionnant de stèles et de monuments divers : une petite chapelle funéraire édifiée avant son union, rapidement supplantée par un autre édifice inscrit à son nom et à celui de son épouse, une tombe creusée en l’honneur de neuf femmes de sa maison et une multitude de stèles et de statues en l’honneur de diverses divinités. Mais il laisse aussi des temples à proximité du Village dotés de stèles, de statues, de fausses portes toutes inscrites à son nom précédé bien sûr de ceux de Pharaon et de son vizir.







PERSONNAGES PITTORESQUES, QENHERKHEPECHEF

Les vestiges retrouvés de Deir el-Medineh nous rapportent l’existence d’un scribe hors du commun, à la personnalité fortement marquée et dont le nom est attaché à une autre figure de pa demi, célèbre par le testament qu’elle nous a légué, Dame Naunakhte.
Qenherkhepechef est le fils de Panakht et de dame Senetnefer, couple étranger à la communauté villageoise. Lorsque le jeune homme arrive au Village, il vient à peine de sortir de l’école de scribe, il ne doit pas avoir plus d’une quinzaine d’années. Tout comme Ramose avait été accueilli au sein du foyer de Houy, Qenherkhepechef fut adopté par le talentueux Ramose dont le mariage était demeuré stérile. A l’apogée de sa carrière, Ramose découvre en ce jeune garçon un scribe aux futurs talents très prometteurs et, un peu plus tard, Qenherkhepechef, soucieux de l’attention affectueuse qu ‘on lui avait portée n’hésite pas à se dire fils de Ramose et à consacrer à son père adoptif, en guise de remerciement, un siège d’apparat en calcaire. Sous la tutelle de Ramose, Qenherkhepechef apprend les ficelles de sa future fonction, il apprend vite et bien et on pense qu’il devient véritablement titulaire de son poste vers l’an 40 du règne de Ramsès II. On perd sa trace sous Ramès III et l’on pense qu’il ne survécut pas, administrativement parlant, à l’époque troublée qui débute avec le règne de Siptah.
Qenherkhepechef est un être ambigu qui manifeste une très grande maîtrise de l’écrit alliée à une insatiable curiosité intellectuelle mais les documents officiels gardent de lui une image très peu flatteuse. Il est littéralement passionné par les écritures, son esprit très curieux le porte naturellement vers le passé et ses mystères. Il aime se perdre dans les méandres de l’histoire glorieuse de son pays et recopie, par exemple, de sa détestable écriture quasiment indéchiffrable l’histoire épique de la célèbre bataille de Kadesh qui opposa le jeune Pharaon Ramsès II aux redoutables troupes de l’armée hittite. Son engouement ne s’arrête pas là : il se constitue une bibliothèque personnelle alimentée par des manuscrits et papyrus prélevés au détriment d’autres bibliothèques. Bien sûr, il la complète de ses propres œuvres touchant de nombreux thèmes : papyrus médicaux, hymnes, lettres, poésies, registres domestiques. Il dresse une liste de tous les fils de Ramsès II, élabore celle des grands Pharaons du Nouvel Empire qui ont fait ériger leurs temples funéraires sur la rive occidentale à l’exclusion de Hatchepsout, d’Akhenaton, de Toutankhamon et d'Aÿ. Il consacre aussi une table d’offrandes énumérant les trois derniers souverains de la dynastie XVII, ceux de la dynastie XVIIII et ceux de la dynastie XIX jusqu’à Ramsès II. Un de ses ouvrages les plus curieux est un livre de songes qui propose une intéressante interprétation des rêves les plus divers :
" Si un homme s’aperçoit en rêve, regardant à travers une fenêtre. Bien cela signifie que son dieu a entendu sa prière.
Si un homme s’aperçoit en rêve visitant Busiris. Bien, cela signifie qu’il vivra jusqu’à un âge avancé."

Mais la fonction première de Qenherkhepechef, celle pour laquelle il a été promu reste celle de contrôleur de la construction de la tombe du Pharaon régnant. Et à ce titre, il bénéficie de très nombreux avantages qui dévoilent une personnalité très peu attrayante. Très imbu de sa propre personne, il n’hésite pas, à l’occasion des visites royales ou de celles de hauts dirigeants, à cribler les lieux visités de témoignages qui le glorifient en de si impressionnantes compagnies. De nombreux endroits sont signés de graffiti portant son nom. Mais bien plus encore, sa fonction le pousse à exiger de la part de ses subordonnés et des artisans sous sa surveillance des marques de fidélité quelque peu déroutantes : deux accusations de corruption furent menées contre lui et il semble bien avoir utilisé l’énergie des ouvriers de la communauté à des fins personnelles, déviation très mal comprise dans la mesure où il se montre très peu aimable et bien peu reconnaissant :
" Le dessinateur peintre Prehotep salue son chef, le Scribe du Lieu de Vérité, Kenherkepechef :
Salutations. Que signifie la façon lamentable dont tu m’as traité ? Je ne vaux pas un âne à tes yeux.
Quand il y a du travail à faire ils vont chercher un âne, quand il s’agit de manger, ils vont chercher un bœuf. Quand il y a de la bière, tu ne veux pas de moi. Quand il y a du travail, tu viens me chercher !"

Qenherkhepechef s’allie sans honte et probablement avec beaucoup de plaisir à une autre figure pittoresque de pa demi, le tristement célèbre Paneb et quelques ostraca retrouvés décrivent leurs malversations communes.
La vie privée de ce scribe aux multiples facettes nous est aussi connue par son mariage avec Dame Naunakhte qui a laissé en témoignage de son passage sur la terre de Kemet un testament qui fait le bonheur des égyptologues. Il apparaît qu’il épouse cette jeune femme lorsque celle-ci est encore bien jeune puisqu’elle semble lui survivre quelque cinquante années durant. Leur union demeure stérile, Dame Naunakhte n’offre aucune descendance à son époux. Par contre, lors d’un second mariage, probablement par retour d’affection envers son premier mari, elle gratifie du nom de Qenherkhepechef le rejeton qui naquit de ce second lit.









PERSONNAGES PITTORESQUES, PANEB

Les ans ont passé, les règnes se succèdent. Ramsès II s'est éteint au terme d'une longue existence. Merenptah lui a succédé, puis se fut le tour d'Amenmes. La roue tourne aussi pour les acteurs de pa demi : le scribe Qenherkhepechef a vieilli, il compte à présent plus de soixante-dix ans. Du côté des contremaîtres de la Tombe, Neferhotep le Jeune presque aussi âgé que le vieux Scribe et Haÿ, jeune contremaître d'une trentaine d'années se partagent la tâche. Ils surveillent tous les deux le creusement de l'hypogée d'Amenmes quand celui-ci meurt bien brutalement.
Seti II monte alors sur le trône laissé libre et, à son tour, comme l'avaient fait ses prédécesseurs, il se préoccupe rapidement de sa demeure d'éternité. Presque au même moment, notre vieux Neferhotep tombe malade ou fut tué par l'ennemi comme le rapporte son frère Amenakhte, on ne sait avec certitude tant les évènements politiques qui ponctuent la succession des Pharaons Amenmes, considéré comme un usurpateur et Seti II, considéré comme le Pharaon légitime sont complexes.
Toujours est-il que notre bon contremaître Neferhotep, obéissant à la coutume de la communauté, avait pensé depuis longtemps à sa relève. N'ayant pas eu de fils de son épouse Wekhbet, il a adopté pour parfaire son apprentissage du métier un jeune homme, un jeune tailleur de pierre du nom de Paneb. Paneb n'est pas un étranger au Village, son père Nefersenout de même que son grand-père Kes ont fait partie des deux équipes de la Tombe. Mais Paneb ne perd rien à cet échange symbolique de paternité puisque l'existence que lui procure son père adoptif promet d'être bien douce : Neferhotep est l'un des hommes les plus nantis du Village, sa demeure offre toutes les commodités et le confort que l'on peut rêver à cette époque. L'avenir de Paneb ne semble pas être obscurci par de quelconques nuages et pour renforcer encore un peu mieux une existence à priori tranquille, Paneb épouse une parente du contremaître Haÿ qui dirige l'autre équipe, une jeune femme nommée Ouabet.
Il semble bien que Paneb quitte relativement tôt le foyer de Neferhotep, probablement sous le règne de Merenptah, pour s'installer avec sa jeune épouse dans sa propre demeure : il désire être enfin chez lui, commande ses propres meubles et la venue d'un nouveau-né semble bien aussi être le point de départ de cette installation. Et la vie s'annonce bien prospère pour le jeune contremaître : il acquiert rapidement un confortable mobilier, de bien beaux vêtements, sa table est toujours bien garnie, il commande très tôt la réalisation de sa tombe, autant de symboles de richesse qui l'élèvent progressivement sur les plus hautes marches d'un statut social envié. Paneb est un ouvrier habile, à l'instar de Qenherkhepechef il édifie une table d'offrandes à la gloire des Pharaons du passé, il révère ardemment la déesse Meretseger, les saints patrons du Village, Amenhotep I et sa mère Ahmes-Nefertari. Bref, Paneb est un homme respectable, tout du moins c'est la sainte image qu'il veut donner de lui. Car la réalité est toute autre !
On sait déjà que le jeune homme est d'une nature vive, qu'il est prompt à l'emportement, qu'il cherche facilement querelle à ses voisins et qu'un net penchant pour le vin et ses délices le pousse parfois aux pires débordements. A pa demi, on s'accommode comme on peut de ces sautes d'humeur : Paneb fait partie des notables du Village et il sait faire jouer habilement ses relations bien placées mais lorsque la coupe est pleine, il faut bien qu'un jour ou l'autre elle déborde. Et c'est ce qui arrive un jour où Amennakhte, chef d'équipe de son état ose déposer une plainte contre Paneb. L'accusation est lourde, les griefs sont nombreux et sérieux voire très graves, les faits reprochés à Paneb sont horribles et impardonnables et l'on pourrait mettre en doute les accusations portées tant elles paraissent affolantes. En effet, Amennakhte n'est autre que le frère du contremaître Neferhotep et on peut penser qu'il fut très chagriné de ne pas avoir été nommé à la place de Paneb. Cependant, n'oublions pas que Paneb est le fils adoptif de Neferhotep et que malgré quelques tensions familiales, cette forme de paternité spirituelle semble bien respectée. Toutefois, dans un souci d'objectivité et à la lecture de sources complémentaires, malgré un tableau excessivement sombre, il semble prudent de prendre en compte ces accusations, Paneb n'est pas un saint, loin s'en faut ! Nous allons le découvrir très rapidement !
Paneb est un homme violent et brutal qui n'hésite pas à recourir à la force :
" Il molesta sans arrêt les hommes pendant une réunion nocturne, il se mit à marcher sur le faîte des murs en jetant des pierres contre les hommes."
Sa reconnaissance envers celui qui l'avait adopté semble toute relative puisqu'on ne sait vraiment pourquoi, il poursuit, un malheureux jour, son père adoptif Neferhotep dans les rues du Village en le menaçant de mort :
" Il (Paneb) prit une pierre et cassa ses (de Neferhotep) portes, on mit des gens à veiller sur Neferhotep parce qu'il (Paneb) avait dit : Je le tuerai pendant la nuit. "
Les femmes sont aussi une cible parfaite pour assouvir ses débordements même si la plupart de ces dames paraissent avoir été consentantes à l'exception d'une jeune femme nettement moins conciliante :
" Il dépouilla Iyemouaou de son habit qu'il jeta sur le faîte d'un mur et il la força !"
Cela ne semble pourtant pas perturber son foyer, le couple perdure contre vents et marées….
Mais, mener une vie agitée ne suffit pas à Paneb, sa haute fonction le met à l'abri de quelconques représailles et il continue alors de se tailler un chemin de vie bien peu respectable sur la pente scabreuse de la corruption et des malversations. Il n'hésite pas à utiliser pour son propre compte les hommes désignés au service de Pharaon et il les attelle joyeusement au creusement de sa propre tombe. Pour ses propres convenances personnelles, il détourne l'énergie de ceux qu'il a sous ses ordres comme le cite le truculent épisode au cours duquel Nebnufer fut absent pendant plusieurs jours, contraint d'aller faire paître le bœuf de Paneb. Il va même plus loin, il pénètre sans scrupule dans la tombe de ses collègues pour y prélever, c'est tellement plus profitable, ce dont il a besoin pour sa propre demeure d'éternité. Comme ces crimes restent impunis, la tentation est trop forte de pénétrer alors dans les tombes royales notamment celle de Seti II où, chose incroyable, non content de profaner l'hypogée sacré et d'y prélever ce qui ne lui appartient pas, il ose s'adonner à un comportement outrancier :
" Il vola des jarres d'huile-Ineb de Pharaon, vie, santé, force, il prit son vin, il se mit à s'asseoir sur le sarcophage du roi alors qu'il était enseveli…"
Mais la petite déesse de la Justice et de l'Equilibre, la douce Maât ne peut rester éternellement insensible face à de tels actes irrévérencieux, le coup de grâce est enfin porté contre Paneb lorsqu'il est accusé d'avoir détourné des pierres soigneusement travaillées du chantier de l'hypogée de Seti II pour les utiliser dans son propre tombeau :
" Il les a emportées chaque jour à son propre tombeau et il a érigé quatre colonnes dans son tombeau avec ces pierres et il a pillé le Lieu de Pharaon..."
Le détournement illicite de ces pierres fut prouvé et Paneb fut sévèrement puni, on peut même supposer qu'il fut exécuté et c'est le vizir Hori qui prononce la lourde sentence. Après l'an II de Siptah, le contremaître Paneb disparaît complètement des sources administratives et un simple ouvrier, un certain Nekhemmut prend la place du coupable : tant pis pour Amennakhte qui ne semble pas recueillir les fruits de ses accusations.































PERSONNAGES PITTORESQUES, SENNEDJEM
L'ouvrier Sennedjem est parvenu jusqu'à nous grâce aux vestiges remarquables découverts dans sa tombe. En effet, le 2 février 1886, les hommes de Maspero découvrent un tombeau jusqu'alors inviolé, celui de l'ouvrier Sennedjem inhumé sous le règne de Ramsès II. Une aubaine pour les archéologues puisqu'au cœur de ce tombeau magnifiquement décoré gisent neuf cercueils, onze momies et presque l'intégralité du mobilier funéraire familial. Sennedjem et sa famille sont bien connus au Village et l'on suppose que cet ouvrier fut architecte. Dans sa tombe Sennedjem est bien sûr accompagné de son épouse Iynefert mais aussi de plusieurs générations de parents notamment ses fils Khabekhenet, Khonsou et Ramose (on pense que Sennedjem a eu dix garçons et trois filles). Le mobilier retrouvé est d'une grande valeur : lit funéraire, chaise, table, instrument de mesure, coffre à canopes et coffret à chaouabtis, cercueil, sarcophage, etc.
La tombe de Sennedjem est bâtie selon le modèle classique de la nécropole : en superstructure on trouve une cour au fond de laquelle se dresse une chapelle pyramidale. En avant de cette chapelle, deux puits mènent au fameux caveau qui se présente sous la forme d'une salle voûtée haute de 2,40 m, longue de 5,12 m et large de 2,61 m.
Sur la paroi Nord, le dieu Anubis conduit le défunt vers Osiris qui l'attend debout dans son kiosque. Puis, le dieu chacal termine l'embaument en réchauffant le cœur du défunt allongé sur un lit à tête de lion, image que l'on retrouve très souvent représentée dans les livres.
Sur la paroi Sud, on assiste, dans un premier registre inférieur, au banquet funéraire tandis que sur le registre supérieur, Sennedjem et son épouse honorent les gardiens des portes de l'au-delà. De l'autre côté de la porte, on assiste encore au déroulement du banquet tandis que le registre supérieur montre le défunt, toujours allongé sur un lit à tête de lion, veillé cette fois-ci par Isis et Nephtys, déesses soeurs symbolisées par un faucon et coiffées du hiéroglyphe de leur nom.
Sur la paroi Ouest, Sennedjem et son épouse vénèrent les dieux de l'au-delà assis au cœur d'une chapelle surmontée d'une frise aux cobras. Le cintre du tableau propose le dieu Anubis couché sur une chapelle blanche et représenté deux fois.
La paroi Est est probablement la plus célèbre. Elle illustre le chapitre 110 du Livre des Morts, une des vignettes les plus connues de cet ouvrage funéraire. On peut y voir Sennedjem, toujours en compagnie de son épouse, en train de cultiver les Champs d'Ialou, champs paradisiaques situés dans l'au-delà. Le cintre qui surmonte cette représentation de travaux agricoles met en scène deux babouins qui se font face, séparés par la barque du dieu solaire.
Quant au plafond décoré de ce caveau, il montre Sennedjem vénérant les divinités solaires et terrestres.




PERSONNAGES PITTORESQUES, DAME NAUNAKHTE
Parmi les découvertes faites sur le site de Deir el-Medineh, il en est une qui, manifestement, nous renseigne avec une remarquable précision sur les conditions testamentaires de l'époque. En effet, le papyrus retrouvé quasiment intact d'une certaine Dame Naunakhte est l'un des documents les plus précieux de pa demi dans la mesure où il se compose d'un dossier quasiment restitué dans son intégralité.
Revenons sur l'histoire de nos attachants personnages et arrêtons-nous un instant sur la vie du scribe Qenherkhepeshef décrite un peu plus haut. Ce notable épouse une jeune femme à peine nubile nommée Naunakhte, ce qui signifie en égyptien La Ville (Thèbes) est victorieuse. La différence d'âge les séparant semble avoir été considérable, quarante années très probablement et, lorsque le scribe de la Tombe meurt à l'aube de ses quatre-vingt ans vers l'an 1 de Siptah, son épouse est encore jeune, tout au plus vingt-cinq ans et en âge de convoler en secondes noces, ce qu'elle fait au bras d'un ouvrier de la Tombe, Khâemnoun. Son premier mariage demeure stérile mais l'attachement qui unit Qenherkhepechef à sa jeune épousée est assez puissant pour que celle-ci n'hésite pas à donner à l'un des quatre fils que lui donne Khâemnoun le nom chéri de Qenherkhepeshef.
Et la vie s'écoule, paisible, pour ce nouveau ménage. Dame Naunakhte est un bon parti, les parts qu'elle apporte dans sa corbeille de mariage sont importantes puisque, non contente d'hériter de ses propres parents, elle hérite aussi des biens de son premier mari ce qui n'est pas rien puisque Qenherkhepeshef a quand même occupé une place élevée dans la hiérarchie sociale du Village. Dame Naunakhte met au monde huit enfants, quatre garçons et quatre filles et au crépuscule de sa vie elle est l'heureuse grand-mère de nombreux petits enfants. Les enfants sont sources de joie et de fierté, certes, mais aussi sources de désillusion et de contrariété : la vieille Dame et son vieil époux en font la bien triste expérience. Quand chacun de leur rejeton fut en âge de s'envoler hors du nid, les parents attentionnés leur offrirent de quoi s'installer dans leur nouvelle vie. Cependant, et la déception fut grande, seulement quatre se montrèrent reconnaissants et comblèrent d'attention respectueuse les vieux jours de leurs parents. Dame Naunakhte ne se laissa point impressionner par la désinvolture de ses rejetons indignes et, sentant sa fin prochaine décida de mettre un peu d'ordre dans ses affaires afin de récompenser les uns et de punir les autres.
Pour régler au mieux sa succession, elle se présente devant la qenbet du Village afin de faire enregistrer par le scribe Amenakhte ses dernières volontés sous forme de testament écrit. Nous sommes sous le règne de Ramsès V, Dame Naunakhte avance très probablement sur ses soixante-quinze ans. C'est ce fameux testament qui fut retrouvé lors des fouilles sur le site et dont je vous propose quelques extraits ici, extraits issus du catalogue du Louvre relatif à l'exposition sur Deir el-Medineh.
Dans le cadre de la loi égyptienne sur le partage des biens du mariage au terme d'un divorce ou du décès de l'un de deux époux, le mari peut disposer des deux tiers du total des biens et l'épouse du tiers sans compter le fait d'importance que chacun des deux peut disposer librement des biens propres acquis avant le mariage, ce qui dans le cas de Dame Naunakhte et compte tenu de son premier mariage représente une petite fortune assez considérable.
Naunakhte, femme de caractère et de décision, très déçue donc de l'indifférence de quatre de ses enfants scinde sa progéniture en deux groupes : les enfants reconnaissants et les enfants indignes. Aux premiers, elle remet un huitième des biens de leur père et un cinquième de ses biens propres (soit un septième des biens du couple). Aux seconds, elle remet un huitième des biens paternels à l'exclusion totale de ses propres biens (soit un douzième des biens du couple).
Dame Naunakhte ne s'arrête pas à ce partage et encore plus consciencieusement, elle élabore au sein de chacun des deux groupes de ses enfants, des degrés de perfection et d'imperfection. Ainsi, au plus méritant, à son aîné Qenherkhepeshef, elle lègue de son vivant, outre sa part d'héritage, une cuvette de cuivre considérée comme l'objet le plus cher aux yeux de la mère contrariée. Il va sans dire que le jeune homme, en échange d'un tel don a dû se montrer bien fidèle aux vieux jours de ses parents, leur assurant probablement un quotidien sécurisant. Mais comme il faut toujours se monter méfiant et de ce côté-là dame Naunakhte a de la pratique, elle ajoute à ce don une clause spéciale obligeant son fils à verser à son père une rente viagère sous peine d'annulation du legs, mettant ainsi à l'abri Khâemnoun de toute défaillance filiale. Du côté du plus indigne de ses fils, le vil Neferhotep, le partage est simple et expéditif, il ne reçoit strictement rien, Dame Nannakhte estimant qu'au cours de son existence il avait reçu de la part de ses parents des largesses qu'il doit considérer dorénavant comme la part de son héritage !
Nous ignorons quand mourut Dame Naunakhte mais nous savons, par le truchement de papyrus retrouvés, que ses dernières volontés furent respectées. La sentence du tribunal ne laisse aucun doute dans les esprits :
" Quant aux écrits qu'a rédigés la Dame Naunakhte au sujet de ses biens, ils demeureront tels quels, très exactement."
Cette histoire prouve de manière indubitable que la femme égyptienne a possédé une autonomie juridique effective doublée d'une indépendance de décision, autant de liberté que l'on n'a pas toujours retrouvée dans d'autres cultures tant anciennes que modernes !

Sources
Les Créateurs d'éternité. J. Rome
Les artistes de Pharaon. Catalogue du Louvre 2002
La confrérie des bâtisseurs de Pharaon. M. Bierbrier

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