PLAN
ORGANISATION DU POUVOIR I

Une certaine idée du pouvoir et de la gestion économique
La société dans tous ses rouages
ORGANISATION DU POUVOIR II
Le système de taxation
L'agriculture
L'exploitation minère
Expéditions commerciales et moyens d'échange
ORGANISATION DU POUVOIR III
Esclavage, mythe ou réalité
L'influence de la Bible
Les récits d'Herodote
L'individu sous l'Ancien Empire
L'individu au Moyen Empire
L'individu au Nouvel Empire
LE SYSTEME DE TAXATION
Aux temps pharaoniques, l’Etat qui avait le monopole de toutes les formes de production, prélevait une partie des revenus auprès de la population : les tristement célèbres impôts. Ces revenus étant essentiellement agricoles, la rente portait sur tous les biens issus de l’agriculture, de la pêche, de l’élevage, de la chasse. Prélevée en nature, cette collecte requérait un rigoureux effort d’organisation : une armée de fonctionnaires, de scribes, de comptables, d’arpenteurs sillonnaient inlassablement les campagnes afin de surveiller et de contrôler la moindre parcelle cultivable. Après la crue, au moment du retrait des eaux, il fallait de nouveau mesurer les champs dont les limites avaient été effacées par l’inondation, prévoir les zones qui allaient de nouveau être inondées au cycle suivant. Ces savants calculs permettaient de prévoir la quantité de la récolte à venir, le nombre de boisseaux qui pourraient être produits. Au moment de la récolte, ces mêmes scribes comptaient et notaient le nombre de sacs de grains puis annonçaient au vu des calculs effectués, l’impôt correspondant à verser par chaque communauté. On estime que dix pour cent étaient défalqués du total. Ils constituaient la part du cultivateur et la réserve destinée aux futures semences.
Les responsables des troupeaux royaux inspectaient le cheptel, vérifiaient l’état sanitaire du bétail et, de nouveau, prélevaient en conséquence. En dehors du cadre étatique, le paysan pouvait posséder une vache et disposer des veaux qu’elle procréait. Il devait fournir le fourrage nécessaire, pouvait la confier aux bergers officiels auquel cas il devait verser le tribut d’un veau à l’administration, ou la mener paître chez un parent agriculteur.
La production ainsi prélevée était emmagasinée dans les greniers royaux disséminés à travers tout le pays.
Une autre forme de taxation touchait le monde paysan : la corvée. Ce mode de taxation qui faisait appel à la disponibilité de l'agriculteur au moment des crues, c’est-à-dire lorsqu’il lui était impossible d’assumer son travail dans les champs, permettait à l’Etat de requérir gratuitement une main d’œuvre sur les grands chantiers royaux, pour l’entretien des canaux d’irrigation, pour les campagnes vers les mines ou, comme nous l’avons vu, pour la conscription. On la payait en grains et autres produits de base. L’organisation des corvées dépendait du palais, des temples ou des nomes en fonction des besoins et nul ne pouvait s’y soustraire. Cependant, beaucoup tentèrent d’y échapper. A l’Ancien Empire, quelques décrets royaux nous sont parvenus qui exemptaient tel ou tel temple de la corvée. Voir Extraits de Textes. Les scribes, quant à eux, se vantaient d’être, par leur fonction, au-dessus de ces contingences matérielles. L’apparition des prisonniers de guerre semble avoir allégé quelque peu l’astreinte du peuple égyptien à la corvée.
Malgré les rigidités inhérentes au système, tout citoyen qui pensait avoir été lésé par le fisc pouvait demander réparation du préjudice causé. En effet, il ne fut pas rare de voir certains individus peu scrupuleux s’approprier à leur profit des biens qui ne leur appartenaient pas. Ces épisodes devenaient fréquents lors de l’affaiblissement du pouvoir central et des abus de toutes sortes frappaient la petite population durant les douloureuses périodes de crise.


L' AGRICULTURE
L’Egypte est un don du Nil. Cette célèbre phrase d’Hérodote qui présente l’Egypte comme une terre promise ne rend pas tout à fait hommage au peuple égyptien sans le labeur duquel le Double-Pays serait très probablement resté un marécage insalubre en proie aux assauts incontrôlés des crues du fleuve. Hérodote, sans le vouloir, a minimisé la peine des hommes qui ont bâti l’Egypte. L’activité essentielle qui a donné naissance à un pays prospère est sans nul doute celle qui se déroulait sur les bords fertiles du grand fleuve nourricier, terre, eau et soleil étant étroitement liés pour engendrer l’agriculture et ses richesses.
L’agriculture occupa une bonne partie de la population et la propriété terrienne demeura l’enjeu économique le plus important pour le pouvoir politique. Les premiers Pharaons furent aussi les premiers cultivateurs (Voir Scorpion dans Prédynastique), leurs successeurs se vantant ainsi tel Amenemhat I :
"J’ai cultivé le blé, vénéré le dieu du froment de chaque vallée du Nil. Personne n’a connu la faim ou la soif durant mon règne."
L’Etat orchestrait dans les moindres détails tous les travaux liés à la production agricole et cela requérait évidemment une chaîne de coopération parfaitement maîtrisée tout le long du Nil, du Sud au Nord, chaîne qui a sûrement été le trait d’union entre la Haute et la Basse Egypte. Il semblait donc logique que l’Etat ait le monopole sur tous les biens issus de cette forme de production.
La fécondité de la terre égyptienne, intelligemment mise à profit grâce aux talents de gestionnaire de Pharaon et au courage des paysans, a permis une production relativement stable au fil des ans, nonobstant les fluctuations des crues annuelles.
Les céréales
Proscynème à Osiris,
dieu grand, seigneur d’Abydos,
afin qu’il accorde l’offrande d’invocation en pain, bière, viande bœuf et volaille
.
Pain et bière sont donc au premier rang des invocations et sont révélateurs des productions fondamentales de l’Egypte : les céréales. Elles l’ont rendue célèbre dans tout le monde antique, notamment le blé et l’orge renommés pour leur qualité et leur haut rendement. Les céréales étaient destinées à la consommation humaine. Le blé, broyé sur des dormants de quartzite à broyon de granit, donnait une farine plus ou moins fine pour la pâte à pain. Une fois salée, elle était mise à lever au soleil ou traitée au levain de bière. La cuisson se faisait dans un four en dôme ou sur un feu ouvert dans des moules coniques. Le pain était l’aliment de base et demandait beaucoup de peine avant d’être présenté sur les tables.
La saison Akhet, saison de l’inondation, est presque achevée, les hautes eaux ont reculé et rejoint le lit du fleuve, la terre enrichie par le limon venu des hauts plateaux éthiopiens peut être préparée par les paysans. Ceux-ci grattent la terre avec un araire attelé de deux vaches (jamais de bœufs réservés aux enterrements) et tracent des lignes où jeter les semences de blé et d’orge. Un second passage de l’araire les recouvre. Mais la charrue n’est pas le seul outil qui permet de recouvrir les semences. On peut aussi lâcher un troupeau de chèvres, de porcs ou de moutons qui, par le piétinement de leurs sabots enfoncent les graines dans la terre. Ces semailles étaient le théâtre de rites bien étranges au cours desquels les bergers entonnaient des chants funèbres en hommage au dieu mort et ressuscité Osiris qui avait enseigné aux hommes les métiers des champs (P. Montet et Loret)
Durant la saison Peret, saison de la germination, le grain germe et croît pour arriver à maturité. Le paysan ne se contente pas d’attendre qu’un autre miracle se produise, le premier ayant pris l’aspect de la crue bienfaitrice. Sous l’action du soleil, les terres se dessèchent rapidement : il faut donc irriguer les moindres parcelles, ouvrir les écluses afin de remplir les canaux d’irrigation et faire appel aux petits bassins de réserve constitués au moment de la crue. Le chadouf est bien utile qui permet par son ingénieux système de puiser l’eau dans le Nil et d’arroser les terrains situés plus haut que le fleuve.
La saison chemou est la saison la plus redoutée par les paysans car elle voit arriver dans ses champs la sombre cohorte des fonctionnaires de l’Etat, scribes, arpenteurs, contrôleurs qui se mettent en tête de mesurer les champs et évaluer les récoltes. Les récoltes sont mesurées sur pied et l’on estime la quantité probable par la mensuration au cordeau des zones à moissonner. Les moissons commencent : les hommes coupent le sommet des tiges à l’aide d’une faucille pour recueillir seulement les épis et les femmes, derrière eux, les ramassent ainsi que les graines tombées à terre. Ces gestes éreintants accomplis sous une chaleur torride sont adoucis par le chant d’un musicien qui scande les efforts de ses collègues. Plus rien ne doit rester sur le sol, les voleurs pourraient s’en emparer. Puis les gerbes sont transportées à dos d’âne, souvent à dos d’hommes, afin d’être menées sur l’aire de battage et de vannage. Une fois encore, les scribes comptables, calames en main, comptent et recomptent les boisseaux de grains. Aucune triche n’est permise, le voleur sera sévèrement puni. Puis, les précieuses graines sont déposées dans d’immenses silos attendant, à l’abri, d’être distribuées à chacun selon ses besoins ou pis, d’être utilisées en cas de disette ou de famine.
Le lin
La production de lin rapporte aussi beaucoup à l’Etat et le calendrier de sa culture est inséparable de celui des céréales. L’époque des labours dans les champs correspond au moment de la cueillette du lin. Semé en été sur des terres hors eau, il a mûri pendant la crue. Généralement, on l’arrache quand il est en fleur. Le lin était très prisé par les anciens Egyptiens qui en faisaient divers usages. Usage vestimentaire, d’abord, pour habiller les vivants de l’étoffe la plus fine mais aussi les momies que l’on enveloppait dans d’interminables bandes de tissu. Les graines récupérées avant qu’elles ne tombent produisaient une huile utilisée pour l’éclairage. Mélangée à de l’eau de saumure et saturée de sel, elle donnait un combustible qui ne dégageait pas de fumée.
Outre le lin, l’Egypte ne manquait pas de plantes oléagineuses. Le ricin donnait l’huile courante tandis que l’huile de Ben tirée du moringa avait les faveurs de la parfumerie et des soins esthétiques. L’Egypte connut l’olivier et ses usages au hasard d’une campagne militaire du Nouvel Empire.
Fruits et légumes
Certains légumes étaient hautement appréciés : fèves, pois chiches, haricots ou lentilles étaient assaisonnés à l’huile de sésame. Pastèques, concombres, laitues, oignons, aulx, poireaux, laitues comblaient l’ordinaire des repas.
Les fruits les plus consommés étaient les dattes, les figues entaillées du sycomore que l’on incisait vertes pour les protéger d’une guêpe parasite. Les fruits du jujubier étaient employés pour faire des gâteaux ou une confiserie raffinée au goût de pomme. La grenade fut importée au Nouvel Empire et on l’utilisait aussi dans la pharmacopée.
Le miel était d’un usage répandu mais restait cependant un mets de qualité réservé à Pharaon et aux dieux. Il pouvait fournir le sucre nécessaire aux pâtisseries, l’essentiel de la confiserie étant fourni par les dattes du dattier, le palmier doum intervenant peu dans l’alimentation. Par contre, tous les deux jouaient un rôle pour fixer l’eau des sols et procuraient du bois de construction.
Lait, vin, bière participaient à l’alimentation des Egyptiens. Je vous propose de découvrir leur utilisation dans Autres temps, autres mœurs. Vous y trouverez aussi des renseignements relatifs à l’élevage, la chasse, la pêche et passerez une journée ordinaire en compagnie d’une famille égyptienne.

L' EXPLOITATION MINIERE
L’économie d’un pays tel que l’Egypte a pu se mesurer en fonction de son capital agricole mais elle dépendait aussi de ses richesses minières. A ce point de vue, l’Egypte possédait l’essentiel et ce capital habilement négocié lui a permis de se procurer les matières premières qui lui faisaient défaut : le bois, les parfums liturgiques, l’argent et, plus tard, le fer.
Tout comme dans bien d’autres domaines, ces richesses naturelles étaient d’émanation divine. Les pierres de construction, les différents métaux, les belles pierres précieuses étaient placés sous la protection de tel ou tel dieu et avaient leur propre valeur symbolique. L’Etat, sous l ‘égide de Pharaon bien sûr, qui disposait de tout, commandait, ordonnait, organisait de grandes expéditions vers les carrières ou vers les mines. Ces opérations d’envergure mobilisaient un grand nombre d’énergies : sitôt l’ordre donné par le souverain, un haut fonctionnaire délégué organisait l’entreprise qui nécessitait des hommes, bien sûr, mais aussi du matériel et du ravitaillement. L’expédition était placée sous la protection de l’armée dont Pharaon levait quelques troupes à cet effet.
De nombreux documents, inscriptions sur des stèles, sur des parois de temples ou de tombes racontent les efforts déployés par ces hommes qui partaient de nombreuses semaines affronter les dangers du désert et les difficultés liées à l’extraction de la pierre.
La pierre
La diversité des pierres rencontrées sur le territoire égyptien, de la plus tendre à la plus dure, la proximité des bancs qui se trouvaient près du Nil et qui en facilitait le transport ont procuré au sculpteur égyptien un support de travail relativement varié. Utilisée bien avant le Néolithique, la pierre fut largement employée dès l’Ancien Empire dans la grande architecture dite de pierre lancée par le Pharaon Djeser. Considérée comme un matériau sacré, elle était réservée à la construction des pyramides, des temples, de la statuaire, des obélisques, des sarcophages.
Les principales carrières
Assouan : extraction à ciel ouvert du granite rose, gris ou noir. Pierre très dure utilisée dans la fabrication des sarcophages, des obélisques, de la statuaire.
Hatnoub : carrière située au Sud d’Amarna et qui pourvoyait en albâtre, pierre réputée pour sa transparence et que l’on destinait à la fabrication de vases à onguents ou à parfums.
Gebel Tourah : carrière située près de Memphis. Elle livrait un calcaire fin et tendre dont la blancheur éclatante recouvrait les parois des pyramides leur octroyant une sublime luminosité sous les rayons du soleil.
Ouadi Hammamat : zone procurant du basalte, pierre noire très dure destinée à la statuaire et le schiste vert.
Montagne Rouge : située près d’Héliopolis, elle livrait un quartz jaune, pierre d’une très grande dureté.
Entre la première et la seconde cataracte : extraction de la diorite utilisée pour la statuaire.
Les métaux
Le désert situé entre la Vallée du Nil et la mer Rouge était patrouillé par des prospecteurs nommés sementyou. C’est probablement grâce à eux qu’ont été découverts les gisements miniers qui regorgeaient dans les déserts de l’Est, notamment les gisements de cuivre et les gisements aurifères. Compte tenu des efforts déployés pour lancer de grandes expéditions vers les mines, de la logistique déployée pour les mener à bien et de la création d’ateliers appelés à transformer le métal, l’Etat détenait le monopole, un fois de plus, de cette activité qu’il contrôlait sous ses moindres aspects. Au Nouvel Empire, la métallurgie devint une véritable industrie dont la chaîne, de l’approvisionnement sur les lieux de gisement à la transformation dans les ateliers, était gérée par l’Etat.
Le cuivre
Il fut l’un des premiers métaux utilisé dans l’Egypte ancienne dès le Néolithique. Avec l’apparition des techniques de la fonte et du moulage, les objets se diversifièrent : outils, armes, vaisselle et parfois statues assemblées à partir de pièces martelées.
Le bronze
Mélange de cuivre et d’étain, le bronze était surtout réservé à la fabrication des armes.
Le fer
L’Egypte connut l’usage relativement tard dans son histoire. En effet, ne disposant pas de mines de fer, elle dut se charger de l’importer et son emploi ne fut véritablement maîtrisé que lorsque les techniques de transformation furent introduites par les Grecs.
Les métaux précieux
L’or, nebou, n’était pas pour les Egyptiens un métal ordinaire. C’était le métal divin par excellence : l’or était la chair des dieux, tandis que ses os étaient en argent, hedj. Il possédait une valeur magique indéniable et sa prospection a fait l’objet de recherches incessantes même si l’on en trouvait couramment : l’or était aussi commun que le sable. Pharaon récompensait ses valeureux soldats ou ses fidèles serviteurs en distribuant des colliers d’or et le rôle de ce fabuleux métal joué dans les négociations politiques ou diplomatiques n’était pas négligeable. Ainsi dans les rapports entre l’Egypte et la Nubie, l’or tint un rôle de premier plan : par exemple, on estime la quantité d’or fournie à l’Egypte par la Nubie à près de 300 kilos.
L’argent était un métal beaucoup plus rare que l’or. Importé principalement des pays du Nord, il était surtout utilisé mélangé à l’or pour donner le bel électrum. Ce métal appelé aussi or blanc transmettait un grand éclat de pureté aux statues dans la composition desquelles il pouvait entrer. Cependant, l’on n’a retrouvé que très peu d’objets faits de ce métal comme peut en témoigner le trésor de Toutankhamon. Malgré tout, il possédait une très grande valeur puisque le traité conclu en l’an 21 entre Ramsès II et les Hittites fut signé sur une tablette d’argent.
Pierres précieuses
Parmi elles, nous pouvons citer les gisements d’aigue-marine, d’émeraude, de malachite, d’onyx, d’améthyste, de turquoise, de lapis-lazuli.
Autres gisements
La galène aurifère revêtait un caractère de grande utilité. Difficilement extraite des mines, elle était utilisée une fois réduite en fine poudre, sous forme de fard (khôl) dont on soulignait les yeux afin d’éloigner mouches et autres insectes porteurs de maladies oculaires.
Notre parcours ne serait pas complet si l’on ne signalait pas les gisements de natron de Barnoudji ou du wadi el-Natroum utilisé sous forme de fumigation, d’eau nitrée pour les lustrations, de désinfectant et, bien sûr, largement employé dans le rituel de la momification.
L’on peut citer aussi les gisements de naphte connu dans l’Antiquité sous le nom d’huile du désert, appelé de nos jours pétrole.


EXPEDITIONS COMMERCIALES ET MOYENS D'ECHANGE
Les ressources de l’Egypte ancienne étaient considérables : l’agriculture mise en valeur dans la Vallée pourvoyait largement aux besoins de ses habitants tandis que les importantes ressources minières des déserts avaient permis l’émergence d’une industrie florissante.
Paradoxalement, les matières qui lui faisaient défaut jouèrent un rôle capital dans l’économie du pays puisqu’elles l’obligèrent, très tôt, à s’ouvrir vers l’extérieur afin de développer un commerce d’échanges, commerce placé sous le monopole de l’Etat.
Le bois
La terre d’Egypte n’a jamais produit d’arbres gigantesques aptes à la grande construction. Pourtant, la variété des essences ne manquait pas : sycomore pour le mobilier, les sarcophages, cocotier, acacia pour les barques, palmier-dattier pour les charpentes, aucun de ces arbres ne se prêtait pourtant à la construction de grande taille. Les bateaux qui évoluaient sur le fleuve tout comme les bateaux de haute mer nécessitaient de plus grands arbres aux larges troncs que l’on allait chercher dans de lointaines contrées telles Byblos (cèdre, sapin) ou le Sud de la Nubie (l’ébène). Dès les premières dynasties thinites, d’impressionnantes expéditions étaient lancées vers ces pays pour ramener en terre d’Egypte les bois précieux.
Une des particularités somme toute très originale de l’économie égyptienne, vint du fait qu’une grande partie de ses importations obéissait à des impératifs d’ordre religieux : encens, oliban, résine de térébinthe, laudanum autant de produits rares et précieux dont il fallait approvisionner les temples afin de perpétuer le culte divin. (Voir Hatchepsout et son expédition vers le pays de Pount).
Les moyens d’échange
Le marché économique tel que nous l’entendons de nos jours n’existait pas à l’époque pharaonique. En effet, la monnaie n’avait pas cours et tous les échanges s’effectuaient sur le principe du troc. Ce qui n’allait pas sans poser quelques problèmes au niveau de certaines transactions. Rappelons que l’économie égyptienne était très fortement centralisée et placée sous l’égide de l’Etat. Les biens ne circulaient pas selon les lois classiques vente/achat mais étaient redistribués après avoir été contrôlés par l’Etat.
Toutefois, quand il pouvait y avoir échange de marchandises, notamment sur les marchés locaux, les transactions s’effectuaient en fonction de la valeur des choses à échanger : ainsi un artisan pouvait céder une paire de sandales contre quelques denrées agricoles. Une maison pouvait être échangée contre son équivalent en pièces de tissu et un élément du mobilier. Les échanges ont non seulement porté sur les biens matériels mais aussi sur le travail : un paysan pouvait échanger deux bêtes contre le travail d’un « esclave ».
Sans avoir connu la monnaie proprement dite, les Egyptiens avaient créé un étalon monétaire abstrait bien utile pour définir la valeur des choses. Cette unité était le shât mais restait une unité purement idéale. C’était par référence à cet étalon que l’on définissait équitablement le prix des objets et, pour la majeure partie des transactions les plus importantes, on s’en remettait à lui. Ainsi, le propriétaire qui voulait vendre un bien immobilier et qui s’était mis d’accord sur sa valeur en shât pouvait l’échanger contres des produits agricoles ou manufacturés de valeur correspondante. Par contre, dans le cas plus problématique où l’on échangeait des biens de valeur non équivalente, il fallait se mettre d’accord sur la différence en shât et trouver un terrain d’entente.
Il est bien difficile de définir exactement cet étalon monétaire tant il a pu fluctuer au cours de l’histoire égyptienne et l’on assista même à son déclin durant le Nouvel Empire. Peut-on seulement supposer :
Sous l’Ancien Empire, le métal de référence était l’or. Un shât valait 7,5 g d’or et un deben valait 12 shâts, soit 90 g. Au Nouvel Empire, l’étalon monétaire fut certainement l’or, l’argent ou le cuivre et l’on assiste à la naissance d’une nouvelle unité, le qite qui valait 9 grammes d’or. Mais l’acheteur ne disposait pas de ces métaux précieux pour régler la transaction, tout au plus a-t-on pu voir ce mode de règlement sous les derniers Ramsès, triste conséquence des pillages des tombeaux.
Le Nouvel Empire, ère de prospérité par excellence, a vu l’émergence d’une certaine catégorie de marchands chargés de prospecter à travers tout le pays à la recherche de biens commandés par des individus nantis qui cherchaient à se procurer les nouvelles richesses offertes par l’opulente Egypte.


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