SCORPION (3025) – (3200)
Le roi Scorpion est l’un des premiers rois connus de cette période pré-dynastique. Les souvenirs archéologiques que ne nous a légués cette période reculée ne sont pas légion et proviennent essentiellement du site de Hiéraconpolis.
C’est en ce lieu qu’une tête de massue dont le principal acteur est Scorpion nous est parvenue. Le roi est coiffé de la couronne blanche de Haute-Egypte et accomplit, sans doute, des rites symboliques agraires. Cette représentation est hautement intéressante car elle place
Pharaon dans le rôle essentiel qui est le sien, celui de premier agriculteur oeuvrant au dur labeur de sa terre. Ici, Pharaon affirme son pouvoir sur la terre, la terre agricole, source de richesses et de vie comme, plus tard, il l’assurera dans les représentations gravées sur les murs des monuments (voir
Medinet Habou, le temple de Ramses III). Pharaon contrôle les forces agricoles, assure le bon déroulement des opérations agraires mais il est aussi responsable de la qualité et de la quantité des cultures. Son pouvoir est considérable, sa responsabilité ne l’est pas moins.
Sur cette massue apparaissent aussi les premières traces des futurs
nomes stylisés par des porte-enseignes.
NARMER (vers 3000) – (vers 3100)
Narmer serait le successeur de Scorpion. Son règne se singularise par le fait qu’il est le premier roi à gouverner sur une
Egypte apparemment en bonne voie d’unification puisqu’on le voit revêtir les deux
couronnes symboliques.
Une fois encore, les documents proviennent du site de Hiéraconpolis. Ils sont au nombre de deux :
Le premier est une célèbre palette dite
palette de Narmer en schiste vert. Objet votif destiné au culte d’Horus, dieu de Hiéraconpolis mais aussi objet usuel que les femmes utilisaient pour broyer les pigment des fards. Sa lecture est d’une aide précieuse pour la compréhension de la période étudiée.
La palette se lit sur ses deux faces. L’attribution d’un recto et d’un verso soulève de houleuses controverses dans les milieux égyptologiques. Je me contenterai de commencer par celle dont la lecture me semble être le début du récit historique :

Sur la première face, Narmer y est représenté coiffé de la couronne blanche du Sud. Triomphant, il brandit un bras conquérant tandis que, de son autre bras, il empoigne la chevelure de son prisonnier vaincu. Ce thème préfigure les thèmes récurrents que l’on retrouvera maintes et maintes fois dans l’iconographie royale : le roi abattant ses ennemis, image de son pouvoir absolu à maintenir l’ordre du monde. Les caractères physiques de l’homme à ses pieds sont ceux des peuplades du Delta. Les hanches du roi sont ceintes d’un simple pagne court agrémenté d’une queue taureau, symbole de la puissance royale. Face à lui, le faucon Horus, survolant un fourré de papyrus, symbole de Basse-Egypte, domine un ennemi de même race que le prisonnier royal dont il entoure la tête d’une cordelette. Le message pourrait être clair : domination du Sud sur le Nord ? La prudence s’impose.

Sur l’autre face, Narmer est désormais coiffé de la couronne rouge de Basse-Egypte, image de sa victoire précédente. Il tient dans ses mains les symboles du pouvoir royal,
sceptre et
flagellum. Derrière lui, un porteur de sandales, devant lui un homme vêtu d‘une peau de bête, prêtre ou vizir, et quatre porte-enseignes. Les extrémités de chaque enseigne supportent l’emblème du
nome qu’elles représentent (chien, oiseau). Le cortège triomphant se dirige vers un groupe de prisonniers décapités, ligotés, leur tête placée entre les jambes. Dans le second registre, deux animaux chiens ou lions, dont les longs cous s’entrelacent délicatement, définissent le réservoir circulaire destiné à recevoir le fard. Dans l’ultime registre inférieur, une manifestation du taureau
Apis, Pharaon sans doute, terrorise un ennemi foudroyé aux sabots de l’animal.
Les deux faces sont couronnées respectivement de la double image de la déesse Bat, antique
Hathor, aux oreilles de vache enroulées sur elles-mêmes. Au milieu de chaque couple, le nom de Pharaon s’inscrit en hiéroglyphes dans le
serekh, façade de palais royal :
nar, le poisson et
mer, le couteau.
Ainsi avons-nous sur ce document inestimable les prémisses de l’imagerie pharaonique : lecture sous forme de registres, position des personnages, rôle guerrier de Pharaon tout-puissant et vainqueur de ses ennemis mais rôle assurément protecteur de son peuple et garant de la stabilité du
Double-Pays, message hiéroglyphique, etc
Une ré-interprétation récente de cet objet tend à infirmer une prétendue victoire du Sud sur le Nord. Certes le Nord a bien essuyé une défaite mais il faut peut-être deviner, au-delà d’une reddition supposée, le jeu plus subtil décrivant l’étendue protectrice d’un monarque garant de l’intégrité de la terre laissée en héritage par les dieux.

Le deuxième document laissé par Narmer est une tête de massue trouvée elle-aussi à Hiéraconpolis. On y voir Narmer coiffé de la couronne rouge de Basse-Egypte accueillir un personnage que certains historiens ont reconnu comme étant une femme, peut-être la future reine Neith-Hotep. Le roi est assis sur un trône protégé par un dais surmonté de la déesse vautour
Nekhbet, déesse tutélaire de Haute-Egypte. Le roi reçoit, semble-t-il, une succession de prisonniers de guerre venus lui faire offrande de leurs présents. Il est bien possible que cette cérémonie célèbre le jubilé royal ou
fête-sed.
Hiéraconpolis, principale ville de Haute-Egypte, point de départ du processus de l’unification égyptienne a permis aux archéologues de mette au jour de nombreux objets votifs ou rituels, essentiellement issus du temple archaïque dédié à
Horus. Ces documents sont visibles à l’Ashmolean Museum d’Oxford pour la massue du roi Scorpion et la tête de massue du roi Narmer tandis que la palette à fard du roi Narmer est visible au musée du Caire.
Dans un magasin souterrain de la
pyramide à degrés de Djeser, les fouilles ont permis de découvrir, entre autres objets, une jarre de porphyre gravée au nom de Narmer.