"Le but ultime d'une histoire de la Civilisation serait de faire approcher l'âme de ceux qui l'ont créée,
le foyer ardent d'où ont jailli les créations sociales, littéraires, artistiques d'un monde qui,
bien que disparu depuis deux mille ans,
nous fascine encore par ses réussites et ses prestiges."

François Daumas

Tableau historique des Périodes égyptiennes
Du paléolithique au néolithique (850 000 – 6000 av. J.-C)
Durant l’ère du paléolithique, de multiples transformations ont bouleversé le paysage saharien qui a subi des périodes glaciaires suivies de périodes de grande sécheresse durant lesquelles un environnement varié s’est mis en place : forêts, lacs, végétaux, animaux sont apparus et se sont adaptés aux bouleversements climatiques. L’homme est apparu dans les immenses zones sahariennes au paléolithique inférieur soit il y a 850 000 années. Progressivement et durant un laps de temps considérable qui mènera au néolithique, les hommes vont jeter les premiers fondements d’une vie structurée et organisée donnant naissance à un ensemble culturel de plus en plus élaboré. La perception d’entités divines et de croyances magiques, l’étude des animaux et de l’environnement végétal, l’invention d’outils et de technique de travail sur des matériaux tels que le bois, l’os ou la pierre vont permettre la naissance d’une vie communautaire où les hommes vont échanger idées, savoir et sensibilité. 
Ces conquêtes de l’humanité vont se poursuivre durant la longue période du mésolithique (10 000 et 6000 av. J.-C.). Durant cette période, le Sahara actuel que l’on connaît sous son aspect sec et aride bénéficie d’un environnement nettement plus favorable. Sous les auspices d’un climat humide, de nombreuses espèces animales prolifèrent, antilopes, éléphants, gazelles, hippopotames, crocodiles partageant cette étendue propice avec d’innombrables oiseaux, tandis que les poissons abondent dans le Nil aux crues dévastatrices mais fécondes. Ces conditions permirent l’élaboration de communautés d’hommes vivant de la chasse et de la cueillette. La population stable dans son ensemble va connaître une lente évolution technologique. L’équilibre entre le milieu environnemental et cette évolution se maintiendra jusqu’à la révolution du néolithique.
















Période néolithique (6000 – 3300 av. J.-C)
En effet un bouleversement climatique va entraîner un lent assèchement du Sahara obligeant ces communautés humaines à se rapprocher de la Vallée du Nil sans atteindre, dans un premier temps, les berges du fleuve. Elles modifièrent considérablement leur mode de vie passant du nomadisme dans le désert à un semi-nomadisme et à une sédentarisation forcée dans la Vallée et commençant à domestiquer les animaux. Les premiers progrès du néolithique sont les fruits de la longue expérience du paléolithique final notamment dans le perfectionnement d’une céramique très ancienne qui sera agrémentée d’une décoration en lignes ondulées (Dotted Wavy Line) obtenue par le marquage à l’aide d’une épine, d’une arête ou d’un roseau. Peu à peu, des cultures spécifiques se mirent en place dans le Nord (du Delta au Fayoum), et dans le Sud créant ainsi une bi-polarité qui demeurera en vigueur durant toute l’ère de l’histoire pharaonique.
Ainsi dans le Nord se mettent en place les cultures du Fayoum et de Mérimdé (lisière occidentale de la pointe du Delta, à cinquante kilomètres au nord-ouest du Caire) et de Maâdi (sud-est du Caire) tandis qu’au Sud s’installent successivement les cultures du Badarien (site de Badari au sud d'Assiout), de l’Amratien ou Nagada I (région comprise entre Abydos et Louxor) et du Gerzéen ou Nagada II. La sédentarisation s’intensifie, de nombreux animaux, porcs, moutons, bœufs sont domestiqués, le tissage du lin se perfectionne, la culture de l’orge et du blé s’installe, l’art de la poterie, les techniques de la pierre sont de plus en plus élaborées tandis qu’un artisanat de luxe apparaît sous la forme de création de bijoux et de fards.
En résumé, les points forts des sites de Basse-Egypte sont :
Site de Merimdé : la couche la plus ancienne révèle assiettes, coupes travaillées dans une belle céramique fine et lissée qui trahit certains contacts avec le Proche-Orient par leur décor incisé en arêtes de poisson.Photo Photo La couche la plus récente montre des contacts avec la Nubie en raison de vestiges tels des harpons en os et des haches taillées dans une pierre nubienne. L'habitat se résume à des huttes ovales et de grandes corbeilles enterrées dans le sol préfigurent les premiers silos pour le grain. On élève porcs, chèvres moutons. Les morts sont inhumés sur le côté dans des tombes peu profondes.
Site de Maâdi : il a révélé des outils en cuivre, épingles, hameçons qui remplacent les outils en os ou pierre. On a retrouvé aussi du minerai de cuivre qui devait rentrer dans la confection des fards. Ce site, à travers les vestiges exhumés apparaît comme un point de commerce entre le Proche-Orient et la Vallée du Nil. Ainsi, a-t-on pu mettre à jour une céramique importée de Haute-Egypte et copiée localement tandis que des bâtonnets de terre cuite ressemblant aux clous d'argile utilisés en Mésopotamie ont été retrouvé aux alentours. Les cimetières, tout comme à Merimdé, témoignent de rites funéraires modestes : le défunt enroulé dans une natte est accompagné de quelques objets, parfois des coquillages. Photo
En résumé, les points forts des sites de Haute-Egypte sont :
Site de Badari : les vestiges laissés par les petits villages, les silos enfoncés dans le sol, les couches de déchets révèlent une activité économique basée sur l'agriculture, l'élevage, la chasse et la pêche. Grâce à la configuration naturelle du fleuve qui dessine un réseau de digues et de bassins, tracé qui sera exploité plus tard au moyen d'un réseau artificiel, l'activité agricole est très présente. Les cimetières sont implantés en lisière des villages et les tombes ont révélé, grâce aux objets déposés auprès du défunt, une céramique rouge ou brune. Les assiettes, coupes, plats présentent une bordure noire obtenue par une technique de cuisson particulière. Ces tombes témoignent, pour la première fois, d'un culte funéraire très développé et renferment des objets liés aux cosmétiques et à la parure. Ainsi, les Egyptiens en inhumant leurs proches avec leurs biens personnels les plus chers, exprimèrent-ils les premières différences existant au coeur de leur société.Photo Photo Photo
Site de Nagada I (amratien) : la première phase de Nagada ressemble à la culture badarienne. Cependant, la céramique amratienne apparaît, rouge polie, décorée de motifs blancs géométriques qui s'enrichiront de décors figurés : animaux, scènes de chasse ou de combat, premières figurations de barques. S'intensifient aussi des représentations humaines telles ces idoles féminines (trois seulement ont été retrouvées de la culture badarienne) ou ces figurines d'hommes barbus qui, si leur finalité n'a pas encore été clairement prouvée, appartiennent au domaine de la symbolique. D'autres objets spécifiques tels des palettes de schiste et des têtes de massue sont placées dans les tombes des hommes de haut rang. L’apparition du tour de potier, le travail de l’or et de l’argent, la naissance d'agglomérations de plus en plus importantes et organisées témoignent du dynamisme de cette communauté.Photo Photo Photo Photo Photo Photo
Site de Nagada II : des différences de plus en plus marquées séparent le Nord du Sud : en Haute-Egypte du Sud, l’élevage et l’agriculture deviennent les piliers de l’économie naissante, la structure des nécropoles se met peu à peu en place à l’extérieur des villages, des tombes magnifiques dotées d’un important matériel funéraire sont construites. En Basse-Egypte du Nord, les témoignages sont moins précis mais l’on peut retenir l’idée d’une économie basée plus spécifiquement sur le commerce et les échanges avec l’extérieur.
La céramique à bord noir laisse peu à peu la place à deux innovations techniques : les objets utilitaires sont réalisés avec du limon du Nil mélangé avec de la paille. La seconde nouveauté consiste en la création d'une céramique en argile fossile d'une très grande qualité, solide, imperméable et qui se prête admirablement au stockage des liquides. Cette céramique est décorée de scènes figurées : animaux, oiseaux et, surtout, immense répertoire du thème de la barque. On sait que le bateau sera un élément clé du répertoire égyptien que l'on retrouvera dans les rites funéraires, dans le culte divin et dans la représentation de Pharaon. Il faut noter aussi la variété des palettes zoomorphes utilisées pour broyer le fard, des couteaux en silex, des peignes gravés, des amulettes, des perles taillées et des objets les plus divers appartenant au domaine de la parure. Photo Photo
Deux autres révolutions vont bouleverser les techniques du travail sur la pierre ou sur l'ivoire et vont permettre l'éclosion de l'art où l'esthétique et le goût du beau l'emportent sur l'utile et le fonctionnel : la taille du silex et la technique du bas-relief. (couteau de Gebel el-Arak) Photo Photo
La seconde période du Nagada témoigne d'un dynamisme intérieur important et de relations vers l'extérieur non négligeables. Des contacts commerciaux sont pris avec la Palestine, pays où furent retrouvés des produits d'importation égyptienne. D'autre part, on peut suivre aisément les traces de la culture nagadienne jusqu'en Nubie qui regorge de produits expédiés par l'Egypte, essentiellement des céramiques de bonne qualité dans lesquelles les Egyptiens plaçaient les produits agricoles exportés. On peut replacer dans ce contexte l'expansion de la culture de la Haute-Egypte sur tout le territoire égyptien : des fouilles dans le Delta ont prouvé l'avancée de la culture nagadienne dans le Nord. Cette expansion de la culture nagadienne et sa fusion avec la culture du Maâdi participèrent très largement au fondement de l'unification politique de l'Egypte. L'apparition de grands centres proto-urbains comme celui de Hiéraconpolis au Sud de Louxor, considéré comme le berceau de la royauté, constituent des plaques tournantes, facilitent les échanges locaux et inter-régionaux. Ces villes voient l'émergence d'une élite sociale qui détient les richesses et n'hésite pas à engager de grosses dépenses dans l'aménagement de ses tombes. La nécropole des riches apparaît ainsi à Hiéraconpolis, Nagada et surtout à Abydos (cimetière de la ville de This). Dans la phase du Nagada III (appelée aussi pré-dynastique), cette répartition de chefferies locales et de cimetières se réduira peu à peu à Hiéraconpolis et Abydos pour se réduire au site d'Abydos qui accueillera les premiers rois de l'Egypte unifiée.
Au terme de la période néolithique du Nagada II, les premiers rudiments de la civilisation pharaonique sont mis progressivement en place, peaufinés ensuite durant l’ère thinite : la nécessité de stocker les cultures, l’évolution des villages qui deviennent des agglomérations de plus en plus structurées ayant à leur tête un chef de tribu, une population sans cesse croissante, l’accroissement des richesses et la nécessité de les gérer au mieux lancent les rouages d’un état centralisateur, bureaucratique, fortement hiérarchisé et tout-puissant.
Sources : La civilisation de l'Egypte pharaonique. F. Daumas



© Reproduction interdite sans le consentement de son auteur.