Voici le plan d’ensemble de la cité sacrée, expliqua Imhotep.
Il faut affirmer ta volonté, Djoser, en l’appuyant sur un monument exceptionnel dont le monde n’a encore jamais vu l’équivalent.
Cette cité ne sera pas uniquement un tombeau,mais aussi le symbole de la puissance royale, et le lien entre le monde des hommes et celui des dieux…
Nous construirons en pierre, la brique n’est qu’une fabrication humaine.
Les vents du désert finissent par l’assécher.
La pierre qu’elle soit calcaire ou granit est issue des dieux.
Des dizaines, des centaines de générations se succèderont qui contempleront cette ville sacrée alors que l’on aura tout oublié de nous.
Cette cité sacrée sera le lieu saint où seront reliés le Nil terrestre et le Nil céleste,
Où se mêleront selon la Maât, le monde des neters et celui des hommes.
Tous les Egyptiens jusqu’au plus humble d’entre eux auront à cœur d’apporter leur contribution à sa construction.
Elle sera l’œuvre de tout un peuple porté par toi, Djoser, et par la foi qu’il accorde aux dieux..

Extrait de La cité sacrée d’Imhotep par Bernard Simonay

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LA PYRAMIDE, NAISSANCE ET SYMBOLE
La pyramide est le symbole le plus frappant de l’architecture égyptienne. Elle nous semble si familière et si parfaitement intégrée au paysage égyptien que l’on ne voit en elle, très souvent, qu’une prouesse architectonique hors du commun compte-tenu de ses imposantes proportions et des moyens techniques de l’époque qui ont présidé à sa construction. N’oublions pas que la pyramide est avant toute chose le tombeau royal, le sépulcre fastueux et à priori inviolable de Pharaon. Mais comment en est-on arrivé à cette forme parfaite ?
Le mastaba
A l’époque préhistorique, les tombes primitives étaient de simples fosses creusées dans le sol et souvent recouvertes d’un tertre de terre afin de protéger le corps du défunt des attaques des animaux sauvages. Progressivement, l’égyptien antique acquit la certitude d’une survie après la mort d’où la nécessité de protéger le corps physique, support des éléments constitutifs de l’homme, en pratiquant les rites de la momification et en protégeant la momie dans des tombeaux souterrains comportant plusieurs chambres destinées à recevoir le sarcophage et les provisions funéraires. (Voir Espérance et Résurrection)
Dès le début de l’ère dynastique, tout du moins pour les rois et les nobles, ces tombes initialement recouvertes de terre, se structurèrent pour offrir l’aspect extérieur de véritables maisons comportant sur la façade orientée vers le Nil une fausse porte que l’âme vagabonde du défunt pouvait franchir à son gré. Ces tombeaux construits dans un premier temps en brique crue (période thinite, dynasties I, II) puis, peu à peu, en pierre (dynastie III) furent appelés à l’époque moderne mastabas, mot arabe signifiant banc, par ressemblance, une fois recouverts par les sables, aux bancs de pierre placés devant les maisons arabes.
Simulacres de palais pour le roi ou de maison pour les nobles, ces mastabas étaient compris comme de véritables maisons d’éternité. Au contraire des maisons des vivants construites en matériaux périssables et appelées à être rebâties souvent, le tombeau devait durer pour toujours afin d’offrir au défunt et à sa momie les conditions parfaites de survie éternelle. C’est pourquoi l’on rechercha très tôt un matériau fait pour durer, en l’occurrence la pierre largement disponible en Egypte tant en quantité qu’en qualité.
En règle générale, le mastaba se présentait comme un vaste parallélépipède dont les murs étaient garnis de redans ou contreforts. Sur la face Est une fausse porte permettait à l’âme du défunt de sortir du tombeau. Cette niche était aussi le lieu où l’on déposait les offrandes. Un puits descendait du toit de la superstructure vers la roche dans laquelle il était creusé pour atteindre parfois de grandes profondeurs. Dans cette partie souterraine était installée la chambre funéraire qui accueillait le sarcophage. Un fois les funérailles achevées, le puits était comblé et l’ouverture dissimulée aux regard indiscrets.
Cette disposition évoluera quelque peu au fil du temps. La salle de la superstructure pourra être flanquée de nombreuses autres salles richement décorées de scènes de la vie quotidienne. Une de ces salles appelée serdab, inaccessible aux vivants, abritait la statue du défunt qui pouvait regarder à l’extérieur par une étroite fente pratiquée dans le mur. Sous les dynasties II et III, les superstructures des mastabas furent transformées en un massif de blocaille plein recouvert de briques. Les magasins et autres salles furent alors dirigés vers la partie souterraine de la tombe. On peut expliquer ce transfert par le souci de protéger un matériel funéraire de plus en riche, source de convoitise pour les pillards et autres voleurs
Les mastabas les plus anciens se trouvent à Saqqarah, Nagada et Abydos. Durant l’Ancien Empire les mastabas constituèrent les nécropoles de Guizeh, Abousir, Saqqarah et Meïdoum. C’est dans ceux-ci (dynastie IV) que l’on retrouva des têtes de rechange en pierre placées à l’entrée de la salle funéraire et destinées à servir de tête de substitution à la momie en cas de destruction de la véritable tête. Le mastaba sera utilisé jusqu’au Moyen Empire.
Un des plus anciens mastabas qui nous soit parvenu est celui du roi Aha (dynastie I). Il était composé d’une substructure peu profonde (1,35 m de profondeur) qui abritait vraisemblablement la momie et tous les biens qui avaient appartenu au défunt, et d’une superstructure en brique aux murs à pilastres et à redans. D’une superficie considérable, elle comprenait 27 chambres destinées à recevoir tout le matériel indispensable à la survie du roi dans l’au-delà.
Voir sur la Photo ci-dessous le mastaba de Ti à Saqqarah particulièrement apprécié pour la beauté de ses reliefs.
1. vestibule d'entrée
2. premier serdab
3. cour
4. chapelle des offrandes
5. chapelle
6. deuxième serdab
A partir de la dynastie III, le mastaba royal qui se veut toujours plus beau et plus fastueux va évoluer vers une forme plus élaborée en accord avec une certaine idéologie religieuse qui veut établir un lien indéfectible entre le roi-dieu et le Soleil. D’où l’idée de cette forme élancée vers le ciel à degrés dans un premier temps puis à faces planes : la pyramide.
LA PYRAMIDE : CONSTRUCTION ET ELUCUBRATIONS
Au fil de leurs recherches archéologiques et de leurs études épigraphiques, la voie royale des pyramides s’est ouverte peu à peu à la compréhension admirative des égyptologues qui nous ont enseigné leurs découvertes. Le symbolisme de ces mastodontes de pierre issus de l’imagination des hommes est apparu, clair et terriblement logique. Pourtant, il est un aspect qui reste encore dans l’ombre malgré la fascination qu’il exerce sur nous et le nombre "pharaonique" de thèses, d’affirmations et d'inventions qu’il a suscité, suscite et suscitera toujours : celui de la technique de construction qui a permis de réaliser ces géants gigantesques.
Malgré le haut degré de technicité que nous avons atteint aujourd’hui, malgré la somme de connaissances mathématiques que nous avons à notre disposition, comment expliquer qu’un travail a priori impossible pour cette époque donnée ait pu devenir réalité ? Comment éclaircir le mystère des pyramides, comment répondre à toutes les questions qui fusent lorsque, debout au pied de la Grande Pyramide, notre regard vacillant se perd vers la cime lointaine et quasi inaccessible de ce fabuleux escalier ?
Et, c’est à ce moment précis de mon propre travail de synthèse que les difficultés apparaissent. En effet, les techniques utilisées pour élever ces pyramides ont soulevé moult discussions, hypothèses et élucubrations, certaines sensées et logiques, d’autres nettement plus hasardeuses et fantaisistes.Je citerai donc celles qui me paraissent les plus plausibles et laisserai à nos éminents et néanmoins savants égyptologues le soin de livrer leur propre bataille conceptuelle sur le mystère des pyramides. En dernière analyse, je conseillerai à tout curieux de se lancer dans la lecture de deux ouvrages consacrés à la construction des pyramides et dont vous trouverez les références dans le lien bibliographie.
Par quel moyen surhumain près de trois millions de cubes de pierre, du poids de trois tonnes chacun ont-ils été apportés des carrières proches ou lointaines, installés et élevés jusqu’à une hauteur proche de 146 mètres à une époque où l’on ne connaissait ni la roue, ni le treuil, ni la poulie ? Il nous faut, pour tenter de comprendre, remettre en place les acteurs de cette merveilleuse aventure, dresser les décors et nous laisser emporter par l’idéologie fabuleuse qui transcenda les hommes des Deux-Terres et leur permit de dépasser les limites du concevable
Nous sommes en été. Les hautes eaux du Nil ont envahi les rives assoiffées après le terrible été de la saison chemou. Le lit du fleuve s’est gonflé des riches limons venus des plateaux éthiopiens, l’Egypte ressemble à un vaste miroir étincelant de mille feux sous la bienveillante chaleur des rayons de Rê. Les hommes, enfin libérés de leurs craintes ancestrales, impuissants devant la montée des eaux bénies, circulent en barque d’un bout à l’autre du pays. C’est la saison des visites où les parents, les neveux et les nièces, les cousins et les oncles se retrouvent pour fêter le Nouvel An. Les terres cultivées sont momentanément recouvertes, les paysans sont condamnés à l’inactivité durant quelques semaines.
C’est aussi le moment de se faire engager sur les grands chantiers des pyramides, de répondre à l’appel de la corvée lancé dans tout le Double-Pays afin de prêter main forte à tous les permanents qui œuvrent sur le vaste projet. En outre, les activités parallèles à ce chantier (extraction de la pierre, transport, déplacement des ouvriers) stimulent le développement économique du pays assimilant la construction des pyramides à une politique efficace de grands travaux publics.
Le roi V.S.F parle : "Que l’on construise pour moi un monument indestructible comme rien de pareil n’a été fait depuis le temps du dieu. Afin que l’on dise : Il a fait son monument d’éternité pour affirmer son identité avec la Grande Ennéade divine."
Puis, il ajoute :
" Ma pyramide portera le nom qui proclamera au monde éternellement et pour toujours : Khéops est celui qui appartient à l’Horizon."
Extrait Le secret des bâtisseurs des grandes pyramides. G. Goyon
Bien avant les ouvriers et les maîtres d’œuvre, ce sont les prêtres qui ont travaillé sur les ordres de Pharaon. Leur grand savoir a permis d’orienter parfaitement l’édifice dont les faces regardent exactement les quatre points cardinaux. Les astronomes vont déterminer le nord vrai en visant la Polaire, étoile fixe qui va les guider dans leurs mesures. Peu de textes égyptiens nous donnent des renseignements sur les moyens employés pour orienter les édifices, les témoignages sont souvent d'époque tardive et se rapportent aux cérémonies couvertes par Pharaon lors de la fondation d'un temple. Le roi traçait la ligne des quatre murs après avoir observé la Grande Ourse, il était secondé par un représentant du dieu Thot et avait à sa disposition un instrument appelé merkhet, l’instrument du savoir, l’indicateur.
"J’ai saisi le jalon et le manche du maillet en tenant la corde quand vint la déesse Sefhket-Aboui. J’ai observé le mouvement des étoiles et j’ai concentré mon attention sur la Constellation de la Cuisse. J’ai passé le temps à observer à l’aide du merkhet. J’ai déterminé les coins de mon temple." (Trad. Lexa)
Les spécialistes ont consulté le livre de la Fondation des Temples écrit par Imhotep lui-même. Ensemble, astronomes, astrologues et prêtres débattent de la conception de la future pyramide.
Les dieux eux-mêmes étaient présents sur les lieux : la déesse Séchat était présente aux côtés du roi lorsqu’il a fallu tendre le cordeau et la pyramide était placée sous la protection d’un dieu désigné par l’astrologue :
" Je prends le piquet et je tiens le manche du maillet. Je tiens la corde avec Sechat." Texte du temple d’Edfou
Puis, mathématiciens, géologues, géomètres vont définir l’endroit le plus approprié pour construire la demeure d’éternité royale.
L’espace choisi et qui doit accueillir le monument est aplani. Parfois, un noyau rocheux a été laissé en place, il est le cœur de pierre sur lequel viendra se blottir la pyramide.
La pyramide obéit à des impératifs tant funéraires que religieux. Il est donc logique qu’elle soit placée sous la direction des grands prêtres religieux du moment, ceux de Ptah et de Memphis, par exemple, pour la pyramide de Khéops. L’architecte royal, le medeh, entre en scène. Son rôle est de fixer les grandes étapes du projet et de coordonner toutes les énergies. Il étudie le projet, dessine les plans, fixe l’ordonnancement intérieur de l’ouvrage, définit le temple funéraire, la chaussée montante, l’emplacement du port fluvial qui permettra de faire transiter les matériaux. Les maîtres d’œuvre sont secondés dans leur tâche par des chefs de travaux qui réglent l’ordinaire du chantier et s’occupent des expéditions entreprises pour aller chercher les matériaux nécessaires.
Nous ne reviendrons pas sur les conditions de travail qui ont présidé à la réalisation des pyramides. Nous avons débattu du problème dans Organisation de la société et du pouvoir (Esclavage, mythe ou réalité). Certes, le travail a dû être pénible, éreintant sous le soleil implacable et suffocant. Des accidents de chantier ont sûrement endeuillé bien des familles mais nous sommes bien loin des conditions inhumaines décrites par Hérodote ou véhiculées par les films hollywoodiens à grand spectacle. L’esclavage de type romain n’ayant jamais existé en Egypte ancienne, il faut admettre que c’est l’amour et la foi de tout un peuple qui ont permis l’édification de ces tombeaux royaux, acte de foi inconditionnel qui se lit dans la perfection atteinte dans chaque étape de la réalisation, telle cette précision dans la pose des blocs de pierre qui ne permet même pas à une mince feuille de se glisser entre eux. La perfection, dans n’importe quel domaine des réalisations humaines, n’a jamais été atteinte sous la contrainte, la peur et la cruauté.
Perfection, parlons-en justement. Perfection d'autant plus étonnante que les ouvriers égyptiens de l'époque des pyramides, n'en déplaise aux grands fabulateurs, disposent d'un matériel d'une simplicité aussi désopilante que sont sophistiqués nos outils modernes. Sur le chantiers, équerres pour mesurer les angles droits, règles en bois, système du fil à plomb voisinent avec pics et marteaux, boules de pierre, petits forets et herminettes. Les outils en métal, ciseau ou scie, sont simplement en cuivre, le fer n'ayant fait son apparition en terre d'Egypte qu'au Nouvel Empire.
Le chantier que nous avons sous les yeux grouille d’une foule affairée et parfaitement au courant de la tâche qui lui est impartie. La pyramide n’est pas la seule en cause : une édifiante infrastructure a dû être mise en place : construction d’un canal de dérivation, d’un port, d’une route d’accès à la pyramide, d’ateliers divers sans compter toutes les expéditions qui sont lancées afin de réunir les matériaux indispensables : la pierre, bien sûr, mais aussi le bois, l’or, l’argent. Tous ces moyens mis en œuvre pèsent lourd sur l’économie et sont autant de tâches qui s’ajoutent au projet royal. Mais ils sont indispensables. Ils serviront à acheminer jusqu’au pied de la pyramide les tonnes de pierre venues de Tourah, d’Assouan ou du Fayoum. Et justement, comment ces mégalithes seront-ils portés jusqu’à la pyramide et, surtout, par quel moyen quasi miraculeux seront-ils hissés jusqu’en haut de l’ouvrage. Mystère et boule de gomme serions-nous tentés de dire, mais raisonnons un peu
L’Egypte, si elle a pu satisfaire la plupart de ses besoins a toujours manqué cruellement de bois. Le système des rondins de bois glissés sous les blocs de pierre n’était donc pas envisageable. Une fois de plus, c’est la terre d’Egypte qui va sauver ses enfants. En effet, les ingénieux Egyptiens feront glisser sur un sol lubrifié par le limon du Nil les lourds traîneaux chargés de blocs de pierre. Savamment mouillée en fonction des heures de la journée et de l’évaporation plus ou moins dense, la terre se révèle être un terrain parfait permettant le glissement des traîneaux.
Une fois arrivées à destination, et une fois la première assise en place, comment hisser les autres pierres aux niveaux supérieurs ? C’est là tout l’épineux et très controversé mystère de la construction des pyramides. A notre tour, étudions les différentes méthodes proposées et place à la logique !
De nombreuses théories ont fleuri sur ce sujet, certaines mettant en œuvre des technique de levage : sur chaque gradin, un système de poutres et de cordes, sorte de machines à balancier nommées chadoufs, ancêtres de la grue, auraient permis de soulever les blocs de degré en degré. Voir le témoignage d’Hérodote. Cette théorie est réfutée par bon nombre de chercheurs dans la mesure où aucun témoignage archéologique ne vient, selon eux, cautionner l’hypothèse. Il est communément admis que cette technique de machines faites de pièces de bois dont parle l'historien grec fait référence aux traîneaux utilisés pour le déplacement des blocs et non à des instruments d'élévation.
Voir photo ci-dessous d'une machine à contre-poids
D’autre part, certaines techniques faisant appel à des machines n’ont pas résisté à la logique de nos archéologues. Je citerai donc pour information, les procédés suivants : l’ascenseur oscillant, le procédé par suspension de Croon et de Strub-Roesslern, la technique de la chèvre ou de la sapine, autant de procédés qui n’ont pu faire leurs preuves et que l'on peut rejeter en raison de leur inévitable instabilité.
Il nous reste cependant un dernier espoir, le plus convaincant et universellement admis par tous : l’usage de la rampe de brique crue. De nombreuses preuves archéologiques tangibles nous sont parvenues de cette méthode, la plus connue étant la rampe que l’on peut encore voir de nos jours, accolée au Ier pylône du temple de Karnak (voir photo ci-dessous). Plus anciennement, des traces d’un tel procédé ont été relevées à Meïdoum, dans le temple funéraire de Mykérinos et sur le site de la pyramide d’Amenemhat à Licht.
Mais si le concept de la rampe semble attesté, encore faut-il se mettre d’accord sur le type de rampe utilisé.
En ce qui concerne la pyramide à degrés, le procédé qui semble le plus unanimement admis est celui d’Uvo Hölscher : le plan incliné latéral. Chaque gradin sert de plate-forme sur laquelle est construite une rampe, une sur chaque face, quatre au total, et qui servent à hisser progressivement les pierres jusqu’au sommet. Cependant cette méthode semble exclusivement réservée à la construction des pyramides à degrés (Djeser) compte tenu du problème soulevé, pour les pyramides à pentes lisses, par la pose du revêtement extérieur.
Il faut savoir, afin de mieux comprendre toutes les hypothèses envisagées, que la pyramide à faces lisses cache sous son parement extérieur, une structure interne faite de degrés superposés les uns sur les autres tels qu’ils peuvent apparaître en clair sur la pyramide de Saqqarah du roi Djeser. Comment se présente alors la rampe sur ce type de pyramide ?
La rampe enveloppante :
On a pu envisager la construction d’une rampe circulant autour de l’édifice. Surélevée en même temps que le monument, la pyramide ressemblait, une fois les ouvriers arrivés au sommet à une énorme montagne de briques crues. Cette méthode présentait l’avantage de permettre, au moment de démonter ce gigantesque échafaudage, le ravalement du haut vers le bas de l’édifice, opération finale qui allait lui donner son aspect définitif, lisse et parfait. C’est la méthode préconisée par N.F. Wheeler et retenue par G. Goyon. Outre la commodité du ravalement par le sommet, cette technique résout, selon ses partisans, de nombreux soucis : très peu d’encombrement sur le chantier, sécurité optimale pour les ouvriers, pente légère et rapide suivant la progression de l’édifice et ne subissant aucune modification (au contraire des pentes perpendiculaires à l’édifice), procédé économique et conforme au témoignage des auteurs tels Hérodote, Diodore, Pline. Pourtant, cette théorie ne fait pas l’unanimité, certains la jugeant trop peu commode.
Cette méthode a été expérimentée en 1951 par T.B Pittman pour le Musée de Boston et a abouti à l’élaboration d’une maquette représentant la pyramide de Mykérinos. Inspirée du concept de Wheeler, elle s’en éloignait cependant par le fait qu’une rampe partait en zigzag de chaque angle de l’édifice, autour des quatre faces. Cette méthode a, elle aussi, ses détracteurs qui lui préfèrent la méthode du plan incliné perpendiculaire.
Voir photo rampe hélicoïdale admise par la majorité des spécialistes.
Le plan incliné perpendiculaire :
Reste, donc, l’hypothèse d’un plan incliné perpendiculaire à l’une des faces de la pyramide. Il possède l’avantage de permettre la circulation d’un grand nombre d’ouvriers grâce à l ‘aménagement d’une chape de terre autour de l’édifice. Un fois le sommet atteint, le pyramidion est posé sur la cime du sépulcre. Deux problèmes cependant : au fur et à mesure de l’élévation de la pyramide, à chaque assise nouvelle, la rampe était à la fois élevée et, surtout, allongée afin de conserver une inclinaison raisonnable. Selon les opposants à cette méthode, cette rampe aurait demandé beaucoup de temps et de place disponible pour sa construction, chantier à lui seul presque aussi imposant que la pyramide. Et, enfin, placée contre une seule face de l’édifice, comment résoudre le problème du ravalement final ?
Ainsi les pyramides n’ont-elles pas livré encore tous leurs secrets ! Peut-être pourrions-nous envisager la conciliation de toutes ces hypothèses : rampe développée jusqu’à mi-hauteur de l’édifice et relais pris par des monte-charges à contrepoids ? Il est certain, en tout cas, que les techniques de construction furent différentes selon les édifices et leurs dimensions.
a. rampe unique (voir plus bas rampe perpendiculaire).
b. afin que cette rampe fût praticable, il aurait fallu l'allonger en fonction de la hauteur atteinte à chaque assise nouvelle. On peut mesurer la longueur de l'ouvrage à la fin des travaux.
c. les quatre rampes hélicoïdales (voir aussi explications plus bas) qui partent de chaque angle de la pyramide et qui s'élèvent parallèlement en reposant sur les pierres du revêtement inachevé. Inconvénients : les faces brutes de la pyramide doivent supporter le poids des rampes et cette rampe en colimaçon nécessite beaucoup d'efforts de la part des ouvriers pour faire tourner les blocs autour des arêtes.
d. méthode de M. Lehner, égyptologue américain, qui propose une combinaison des thèses précitées avec une rampe droite et une rampe tournante. Les avantages de cette théorie sont que la rampe aurait atteint le sommet par le chemin le plus court et que, sa plus grande partie posant sur le sol, elle n'aurait pas pesé sur les faces de la pyramide. Toutefois, il est alors difficile de contrôler tant les lignes que les angles.
Sources de ces théories : Au cœur de l'Egypte ancienne de D.P. Silvermann
Le débat reste ouvert, et cela pour longtemps encore.


Jean-Philippe Lauer, un de nos plus grands égyptologues mondiaux, qui, avec ferveur et passion, emprunta les chemins sacrés d’Imhotep pour faire revivre le fabuleux complexe funéraire du Pharaon Djeser, reste lui-même terriblement modeste malgré la somme inouïe de ses connaissances sur le sujet des pyramides. Les ouvrages qu’il a écrits patiemment et intelligemment sont des modèles sur lesquels il nous faut réfléchir et méditer :
"Quant à la manière dont ils ont procédé, malgré des siècles d’hypothèses et de conjectures, le mystère demeure entier. L’égyptologue Audran Labrousse qui travaille depuis des années sur les pyramides de Pepi à Saqqarah, a dit un jour cette chose très juste : Même si demain on trouvait une méthode qui permette de construire les pyramides, cela ne voudrait en rien dire que c’est cette méthode qu’employèrent les Egyptiens car aujourd’hui nous n’avons aucun élément qui nous en apporterait la preuve. »
La PYRAMIDE : FONCTION FUNERAIRE
Globalement, la pyramide se développe selon un ensemble associant trois monuments Photo
le temple funéraire qui repose à ses pieds
le temple en aval sur la rive du canal ou Temple de la Vallée
la longue rampe galerie qui relie les deux temples.
Actuellement, c’est grâce à la pyramide de Khephren que l’on arrive à reconstituer au mieux les caractéristiques du complexe funéraire qui entrait en fonction au moment des funérailles du souverain.
Dès la mort du Roi, son corps était rapidement transporté jusqu’au Temple de la Vallée dit Temple bas. C’est là que s’effectuaient les rites de l’embaumement et les purifications d’usage.
Puis, au jour choisi des funérailles, la momie devenue pure et couverte des amulettes propitiatoires entreprenait son voyage vers la pyramide en empruntant, à l’abri des regards profanes, la longue galerie, la chaussée montante dont le toit laissait filtrer un peu de divine lumière. C’est ce chemin qu’emprunteront régulièrement les prêtres du ka pour entretenir le souvenir de Pharaon par les offrandes et les prières.
Seuls quelques grands initiés et les héritiers de Pharaon parviendront jusqu’au Temple funéraire de la pyramide. C’est en ce lieu sacré que l’héritier royal procèdera à la cérémonie de l’Ouverture des yeux et de la bouche. Ayant ainsi récupéré toutes ses facultés, enfin prêt à être réuni aux dieux, le défunt était porté vers sa demeure ultime. Le précieux sarcophage, une fois scellé, était installé au milieu des trésors et des objets les plus chers du roi. Les prêtres faisaient alors le parcours en sens inverse, prenant bien soin d’obstruer le passage derrière eux. Une dernière cérémonie consistait à placer dans le serdab une statue du défunt qui permettait à Pharaon d’assister à toutes les cérémonies données en son honneur.
Enfin, il est important de souligner la présence au pied de presque toutes les pyramides, de barques royales qui avaient pu servir à Pharaon de son vivant et qu’il emportait avec lui dans l’Au-delà. Déjà, les mastabas de l’époque thinite avaient adopté cette coutume. Comme le dieu Rê qui se déplaçait sur sa barque céleste, celle du jour et celle de la nuit, il était naturel que Pharaon disposât, lui-aussi d’un tel équipage.
Inexorablement, le bel élan qui avait soufflé sur l’esprit des pyramides s’est éteint à la fin de l’Ancien Empire. Témoignages formidables et extraordinaires d’un peuple exceptionnel, les pyramides ont traversé les âges, ont résisté au temps qui passe mais, plus jamais, une telle expérience n’a pu voir le jour. Malgré les efforts des architectes qui ont eu à coeur de protéger par d'ingénieux systèmes la demeure d'éternité de leur Pharaon, pillages, profanation et dégradations malheureuses ont endommagé ces amulettes magiques et ont, peut-être, participé encore plus à leur mutilation que les outrages du temps. A nous de conserver ce patrimoine essentiel qui témoigne du prodige et du génie humains.
Avis aux amoureux des mathématiques, aux amateurs de migraine et à ceux qui aiment traquer la petite bête, je leur propose de se retrouver ici, à la recherche du nombre d'or. Les Egyptiens étaient de très fins astronomes, mais aussi de brillants mathématiciens. En voici un exemple :
La grande pyramide, par l'inclinaison de ses faces, obéit au nombre d'or.
Dans la demi-section médiane on trouve
entre l'apothème a,
la hauteur h,
le demi-côté c,
la relation a que divise h égale h que divise c, la valeur commune de cette proportion étant 1,272.
Il s'ensuit que le rapport de l'apothème au demi-côté est 1,272 x 1,272 = 1,618... le nombre d'or.
L'inclinaison des faces est donc de 51°83.
Le rapport 1,272 de la hauteur au demi-côté fut matérialisé par les géomètres égyptiens par le rapport des nombres 14 et 11.
Si vous avez tout compris, vous pouvez passer sans problème aux pages suivantes.
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