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![]() " Lorsque le ciel n’avait pas pris naissance, alors que les hommes n’avaient pas pris naissance, lorsque les dieux n’avaient pas été enfantés et que même la mort n’avait pas pris naissance." Ces eaux étaient le Noun, Père des dieux, l’ancêtre de tout ce qui allait devenir. Le terme de Noun pourrait se traduire par le non-être, le néant, ce qui préexiste avant toute chose et qui n’existe pas. C’est l’opposé du monde créé et organisé, c’est le chaos et le désordre. Mais le Noun abritait en son sein une formidable potentialité et il contenait en lui toutes les virtualités et les germes en attente de création. Cette force se matérialisait par un être, lui aussi inerte et inconscient : le démiurge, le un unique. Ce dieu créateur, mystérieusement, allait sentir la vie s’agiter en lui. Et logiquement, cette mutation allait entraîner la dissociation du Noun et du démiurge. Ayant pris conscience de cette vie qui s’animait en lui, le démiurge commença son acte créateur en se forgeant lui-même un corps tangible. En effet, n’ayant ni père, ni mère, sa naissance fut un peu brutale : il est venu à l’existence lui-même, sans père ni mère, disent les textes. Mais que devint le Noun une fois le monde créé ? Simplement, il fut repoussé aux lisières du monde et resta ce qu’il était avant : un espace inhospitalier, dangereux, agité par une multitude de forces malfaisantes qui menaçaient à tout moment de perturber le monde organisé. Hérodote rapporta une croyance à ce sujet : " Le Nil subit des crues parce qu’il naît de l’Océan qui, lui, entoure de ses eaux la terre entière." On disait que c’était dans le Noun que le soleil se plongeait chaque soir avant de renaître victorieux à l’aube. En effet, le Noun abritait le monstrueux serpent Apopis dont la tâche était de faire échouer la course de la barque solaire. Dans le Noun, encore, venaient échouer les âmes errantes qui n’avaient pu rejoindre le royaume d’Osiris. L’équilibre du monde était donc en perpétuel danger : le chaos pouvait à tout moment reconquérir le monde organisé. Les textes eux-mêmes étaient très clairs à ce sujet : " La plaine sera endiguée, les deux extrémités du monde seront réunies et les rives se rejoindront, les routes deviendront impraticables aux voyageurs, les pentes seront détruites pour ceux qui voudront partir." Nous verrons, plus loin, que cette possibilité latente d’une extinction du monde va façonner le mode de pensée égyptien et que leurs croyances seront empreintes de rituels, d’actes et de symboles dont la finalité sera de préserver, à chaque instant, cet équilibre voulu par le démiurge. Toutes les conceptions religieuses qui vont naître en Egypte se fondent sur un concept unique et commun : l’existence du Néant qui abrite une force créatrice. Dans des régions qui vont acquérir, chacune à leur tour, une notoriété essentielle, des prêtres vont enseigner une cosmogonie qui leur est propre. ![]() ![]() ![]() ![]() |
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![]() Progressivement Atoum sera assimilé par les théologiens à la forme de Rê, de sorte que l’on parlera volontiers de Rê-Atoum, dieu créateur par excellence qui présida la Grande Ennéade constituée de neufs dieux principaux. (Au fur à mesure des siècles, ce syncrétisme sera repris par de nombreuses autres divinités qui, pour développer leur propre culte, auront besoin de cet appui solaire). Bien que cette Ennéade se résumât à la participation de neuf dieux principaux, quelquefois les textes mentionnèrent une Ennéade de seulement cinq dieux, ou au contraire vingt et plus, ou encore plusieurs Ennéades. Il faut comprendre que les Egyptiens entendaient l’Ennéade comme une désignation collective de dieux essentiels plutôt que comme un groupe de neuf dieux. On dit qu’Atoum est apparu à Héliopolis sur une pierre pyramidale, le ben-ben, évocation d’un rayon de soleil pétrifié. Ainsi matérialisé, il put amorcer le processus de création : " Alors mon esprit se montra efficace, le projet de création se dessina devant moi, et, étant seul, je fis ce que je voulais faire." La création du monde fut donc bien une volonté intellectuelle du démiurge doublée d’un acte purement physique et concret puisqu’il fallait bien expliquer la venue du premier couple à partir duquel il serait naturel d’établir toute la génération des dieux. Donc, par le crachat ou la masturbation, il mit au monde le premier principe féminin et le premier principe masculin. La main d’Atoum en vint à être considérée comme la contrepartie féminine de la création : " Je m’unis à mon propre corps, de manière à ce qu’ils sortent de moi-même après que j’eus produit l’excitation avec ma main, et que mon désir se fut réalisé par ma main et que la semence fut tombée de ma bouche." On disait aussi que Rê-Atoum avait ouvert les yeux et que le soleil et la lune avaient pris forme. Puis il avait pleuré et les hommes, de ses larmes, étaient venus à l’existence. Ainsi donc, Rê-Atoum avait mis au monde le premier couple divin Shou, l’atmosphère lumineuse, l’air, la lumière et Tefnout, sa jumelle qui incarnait l’humidité mais aussi la chaleur. Shou et Tefnout étaient indissociables et complémentaires. Shou représentait l’espace aérien dans lequel devaient se diffuser les rayons du soleil et Tefnout apportait la chaleur et l’ordre cosmique. Par leur seule présence, ils assuraient l’épanouissement de l’astre divin. Les textes eux-mêmes disaient, en parlant du démiurge, que de un il est devenu trois. Chaque matin, Shou et Tefnout devaient mettre au monde le soleil Rê qui ne pouvait donc exister sans l’action de ses enfants et c’étaient eux qui permettaient à leur Père de se révéler et de s’épanouir. D’ailleurs, Shou et Tefnout deviendront les lions, gardiens de l’univers. Puis, par un procédé de reproduction tout à fait naturel, Shou et Tefnout vont s’unir et mettre au monde le second couple divin : Geb, la terre et Nout, le ciel. Ainsi étaient mis en place les acteurs d’une très longue histoire riche en rebondissements. Si vous désirez connaître la suite de cette histoire divine aux multiples rebondissements, je vous propose de cliquer ICI, les enfants terribles vous attendent... |
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![]() Tatenen, la terre qui se soulève occupait, à Memphis, la fonction de démiurge. Comme dans tous les récits mythologiques, l’histoire débuta avec le Noun. Alors que rien ne l’y préparait, le Noun sentit une vie s’animer en lui et cette puissance surgit sous la forme d’une butte émergeant des eaux originelles. Cette force, le Tatenen était l’endroit ou allait s’installer le monde. Tatenen peu à peu fut absorbé par Ptah qui de dieu local devint dieu créateur. La pensée memphite de loin la plus intellectuelle de toutes ne nous propose que très peu de références. En effet, un seul document, relativement tardif, évoque la cosmogonie de Memphis. Ce document, sous forme de stèle, évoquant la création du monde, remonte au règne de Chabaka, Pharaon de la XXVème dynastie. De plus, il s’agirait comme l’introduction le précise, d’une copie d’un papyrus beaucoup plus ancien : un vieux manuscrit mangé des vers et qu’on ne pouvait plus lire du commencement à la fin. La conception des prêtres de Ptah selon laquelle le dieu avait créé les dieux et les hommes par la parole après les avoir conçus grâce à son intelligence dénotait de leur part une analyse très fine du mécanisme de la pensée. En effet, il faut savoir que, pour les Egyptiens, le cœur était le siège de l’intellect. Celui ci élaborait un désir et le verbe matérialisait l’ordre donné. Ainsi, Ptah par l’action de son Verbe avait-t-il pu donner naissance aux premiers dieux et aux premiers hommes. De même il avait conçu dans son cœur les villes, les arbres, les animaux et tout ce qui vivait sur terre et, par la parole exprimée, il les avait mis au monde. Comme le sculpteur exécute une statue à l’aide de la matière première, la pierre par exemple, Ptah à partir de la matière qui était son intelligence avait exécuté les êtres et les multiples formes de l’univers. Le simple fait de nommer les choses les faisait exister, d’où l’importance capitale du nom dans la vie des Egyptiens. Cela revenait un peu à dire que les choses n’existaient que parce qu’elles avaient un nom qui leur était propre. Et il est vrai que le nom apparaissait pour tout Egyptien comme une seconde création, une seconde naissance qui lui permettait d’exister, par le simple fait de l’énoncer, dans la vie terrestre comme dans la vie de l’Au-delà. Un être vivant qui n’avait pas reçu de nom à sa naissance n’était rien au regard des autres et le pire des châtiments que l’on pouvait infliger à une personne qui n’avait pas respecté la Maât était de supprimer son nom ou tout simplement de le modifier ou de le mutiler. Cependant, une des idées majeures de la pensée égyptienne, et qui contribua certainement à ce que cette civilisation dure aussi longtemps, fut sa capacité d’intégrer à des idées anciennes, des notions nouvelles qui, au lieu de les anéantir, les enrichissaient au contraire sous bien des aspects. L’Egyptien antique n’abandonna jamais les idées que ses prédécesseurs avaient patiemment élaborées et qui étaient le fruit d’une patiente et judicieuse réflexion. Toutes les spéculations précédentes qui avaient bâti l’Egypte ne devaient pas être balayées inconsidérément. C’est pourquoi, le clergé memphite s’appliqua à trouver des analogies plus propices, plus tangibles pour exprimer une réalité qui était au-delà des images. Ainsi comme l’on avait imaginé la création à partir de la semence d’Atoum produite par sa main, l’on imagina que les dents et les lèvres de Ptah avaient un rôle identique. Finalement, les deux clergés se rejoignaient puisque tous deux s’entendaient sur le fait que le dieu créateur avait tout créé de lui-même : " Son Ennéade est devant lui en tant que dents et lèvres, c’est-à-dire semence et main d’Atoum. L'Ennéade d’Atoum était venue auparavant à l’existence au moyen de sa semence et de ses doigts. Or, l’Ennéade, c’est les dents et lèvres dans la bouche même qui a nommé toute chose par son nom, d’où sont sortis Chou et Tefnout et qui a créé l’Ennéade. " Afin de lui donner encore plus de crédibilité, les prêtres de Memphis lui constituèrent une famille : Sekhmet fut sa parèdre et Nefertoum fut leur enfant, le petit dieu lotus. La création de cette famille fut cependant assez tardive, chacun bénéficiant auparavant d’un culte propre et indépendant. Ptah avait donc concurrencé le grand dieu Rê d’Héliopolis mais plus encore, à l’époque ramesside, il s’imposa aux côtés d’Amon le caché. En effet, à Abou Simbel, une stèle érigée par Ramses II énonce tout ce que le dieu memphite a fait pour lui : « Je suis ton père qui t’a engendré parmi les dieux, de sorte que ton corps entier est celui des dieux. » Sans doute, le roi voulait-il par ce décret, en dehors de toute théologie purement religieuse, remettre un peu à sa place le clergé d’Amon devenu un peu trop envahissant. Un manuscrit qui provient de Thèbes et actuellement conservé au musée de Berlin, chante les louanges de Ptah. Cet hymne qui devait être psalmodié dans un petit temple de Karnak prouve que les prêtres ont bien tenté d’accorder leur pensée avec d’autres théologies a priori complètement différentes. Cet effort de syncrétisme qui nous apparaît à nous, rationalistes occidentaux, comme impossible, est une démarche égyptienne très originale. Toute une série d’actes généralement attribués à Rê ou à Amon sont mis au crédit de Ptah :
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![]() Ainsi, Thot avait appelé à l’existence tous les êtres et toutes les choses grâce à l’entremise de huit dieux qui furent regroupés sous le terme d’Ogdoade. Chacun des quatre dieux mâles qui la composaient était pourvu de sa contrepartie féminine ce qui simplifia nettement le processus de création. On donna aux mâles une tête de serpent, aux femelles une tête de grenouille. Il y avait donc : Noun et Nounet, l’élément liquide, Heb et Hebet, l’infini, Kekou et Keket, les ténèbres et Amon et Amonet, l’élément mystérieux. Un texte d’Edfou raconte cette naissance : « Au sein de l’océan primordial apparut la terre émergée. Sur celle-ci, les Huit vinrent à l’existence. Ils firent apparaître un lotus d'où sortit Rê, assimilé à Shou. Puis il vint un bouton de lotus d’où émergea une naine, auxiliaire féminin nécessaire, que Rê vit et désira. De leur union naquit Thot qui créa le monde par le Verbe. » Les théologiens hermopolitains concevaient ces dieux comme des images en négatif du monde créé. Ces contrastes entre le monde d’avant la création, monde humide et inerte, infini, obscur et caché, créait une tension nécessaire avec le monde d’après la création, monde sec et actif, limité, lumineux et connu.Ici encore, l’on constate la superposition de théologies apparemment différentes et contradictoires. Mais les différents temples qui s’étaient consacrés à l’histoire de la création n’avaient jamais entendu ces systèmes comme antagonistes. Même si la conciliation était parfois difficile, Thot et l’Ogdoade étaient conçus essentiellement comme les créateurs de la vie. |
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![]() L’origine d’Amon est mystérieuse. Pour les uns, il serait l’un des huit dieux de l’Ogdoade dont sa parèdre serait Amaunet. Pour d’autres, il serait un dieu des vents et de l’air originaire de Moyenne Egypte. Enfin, pour certains, il serait natif de Thèbes ce qui expliquerait la diffusion de son culte à partir de cette ville. L’originalité de la pensée thébaine vint du fait qu’elle combina des éléments issus des différentes cosmogonies qui l’avaient précédée : héliopolitaine, memphite et hermopolitaine. On disait, qu’à l’aube du monde, le serpent ailé Kematef, celui qui accomplit son temps, émergea du Noun à l’endroit même de Thèbes. Il mit au monde Irta, celui qui a fait la terre. Irta entreprit donc de forger l’univers : il engendra la terre et les huit dieux principaux. Ceux-ci se rendirent à Héliopolis (pour certains à Hermopolis) pour faire venir au monde le Soleil, Atoum et Ptah. Epuisés, ils retournèrent à Thèbes où ils s’endormirent à jamais aux côtés de Kematef et d’Irta. Elargissant leur pensée, les prêtres thébains déclarèrent qu’Amon, en tant que dieu créateur se manifestait sous les traits de Kematef. La personnalité d’Amon allait évoluer au fil du temps et son culte allait s’enrichir de différents emprunts. Dès la XIIème dynastie, sous l’influence héliopolitaine, il devint Amon-Rê. Mais les prêtres thébains lui donnèrent aussi les traits extérieurs de Min de Coptos accentuant encore un peu plus le caractère générateur du Dieu devenant ainsi Min-Amon-Rê-Kematef. A la XIXème dynastie, Amon-Rê était devenu le grand dieu de l’Empire et régnait sur toutes les autres divinités. Représenté sous la forme d’un bélier, sa toison dorée évoquait la lumière. Mais il pouvait aussi revêtir la forme d’un autre bélier sacré, celui qui règne sur Eléphantine, le dieu Khnoum, ordonnateur de la crue et voilà Amon devenu Khnoum-Rê. De son nom Amon qui voulait dire Le Caché, le dieu thébain en tirait l'expression de sa personnalité. La nature même d’Amon était d’échapper à l’entendement et cette caractéristique empêchait pour quiconque de connaître l’essence du dieu. Mais si sa personne était unique, ses apparences, elles, étaient multiples selon le caractère que l’on voulait mettre en avant : aspect solaire, il devint Amon-Rê, aspect fécond, il devint Amon-Min, aspect générateur il devint Khnoum-Rê. Ce jeu subtil permit à Amon d’imposer son caractère universel dans l’Egypte entière. A la XVIIIème dynastie, les prêtres thébains, comme l’avaient fait les prêtres memphites pour Ptah, créèrent une famille à Amon : une triade vit ainsi le jour composée de Mout, sa parèdre et de Khonsou leur enfant. |
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![]() L’événement primordial de la création ne fut pas l’apparition de l’humanité mais plutôt le premier lever du soleil sur la butte primordiale qu’on le nomme ben-ben ou Tatenen. L’arrivée des hommes n’est qu’une des conséquences de cette création essentielle. Par la connaissance approfondie de ces dieux, par le souci des offrandes rituelles et par le respect de la Maât, les hommes peuvent alors participer à cet univers. Par delà les superpositions et les images empruntées dans tous les courants religieux qui ont balayé l’Egypte ancienne, il faut admirer et féliciter ce souffle commun qui plongea le pays dans une communion spirituelle d’une grande sensibilité et d’une extrême tolérance. Et ceci jusqu’à ce qu’elle fut plongée dans la nuit obscure où la montée d’un christianisme arbitraire et coercitif la précipita en l’an 535 quand l’empereur Justinien ferma le dernier bastion de la résistance égyptienne qui avait résisté sur l’île de Philae... |
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![]() Les Entités divines intellectuelles, que nous venons d’étudier, créées par les théologiens, communes à tout le pays, mais plus particulièrement destinées aux temples. Les Seigneurs divins, patrons de villes ou de villages. Les Dieux des fonctions vitales, gardiens de la fertilité du sol, des récoltes, protecteurs de la famille, de la naissance. Communs à toute l’Egypte, ils étaient très proches de l’humble égyptien qui n’hésitait pas à leur demander assistance et en qui il pouvait facilement se reconnaître ayant très peu à faire, dans sa vie de tous les jours, aux grands dieux trop éloignés de ses simples préoccupations quotidiennes. Je vous invite à les découvrir répertoriés dans le glossaire annexe. |
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