"L’homme y passe
à travers des forêts de symboles
qui l’observent avec des regards familiers"
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Didoufri, Grande Excavation, Kephren et Mykérinos
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la pyramide et le temple solaire d'Ouserkaf

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mastabas de l'Ancien Empire
LA MERVEILLE DU MONDE
Notre bon roi Snéfrou, bâtisseur infatigable, maître supposé de quatre pyramides originales est allé rejoindre son Père, le dieu Rê. Son successeur et fils, le grand Khéops est monté sur le trône d’Egypte et se lance, à son tour, dans la construction de son tombeau devenu l’une des Sept Merveilles du Monde et l’un des monuments qui a fait, fait et fera travailler encore bon nombre d’imaginations, certaines rationnelles et logiques, d’autres, malheureusement, nettement plus fantaisistes.
Nous voici donc sur la plateau de Guizeh, remontons le temps en compagnie de Diodore de Sicile :
"Sur la rive qui regarde la Libye, à cent vingt stades de Memphis et quarante-cinq stades du Nil, celles-ci, les pyramides, frappent de stupeur et d’émerveillement celui qui les contemple par la majesté de l’ouvrage et l’éclat de son art."
Aujourd’hui, l’émotion qui étreint le touriste moderne n’est pas moins forte. Cependant, ces montagnes de pierre ne sont plus à leur place, comme elles ont pu l’être à l'époque fastueuse de l'Egypte des Pharaons, fièrement campées dans un espace taillé à leur démesure. La capitale moderne du Caire les a rejointes à pas de géants et semble les harponner pour les inclure dans ses constructions de béton.
Ensemble parfait de trois pyramides alignées sur un axe Nord-Est et Sud-Ouest, la pyramide de Khéops se trouve la plus au Nord, puis vient celle de Kephren et enfin, la plus petite, celle de Mykérinos
DES CHIFFRES QUI FONT REVER
Khéops inaugure un site nouveau pour implanter les fondations de la nécropole royale, au Nord du site élu par son père Snéfrou, entre Abou Roach et Zaouiêt el-Aryân, à la lisière du désert libyque. La pyramide de Pharaon, qu’on appelle modestement la Grande Pyramide, est la plus colossale, la plus parfaite des pyramides déjà construites et à venir.
Voici quelques mesures et quelques chiffres qui font rêver :
Hauteur d’origine 146 m (actuellement 139 m). Le sommet consiste actuellement en une plate-forme de 10 m de côté.
Superficie : 53 000 m2
Base : 230 m de côté
Résultats des recherches précises de Cole, du Survey Departement du gouvernement égyptien sur la longueur de chaque base :
Mesure de la face Nord à sa base : 230,253 m
Mesure de la face Sud à sa base : 230,454 m
Mesure de la face Est à sa base : 230,391 m
Mesure de la face Ouest à sa base 230,357 m
Mesure de l’angle Nord-Est : 90°3’2’’
Mesure de l’angle Nord-Ouest : 89°59’58’’
Mesure de l’angle Sud-Est : 89°56’27’’
Mesure de l’angle Sud-Ouest : 90°0’33’’
Volume : 2 600 000 m3
De nombreuses évaluations ont été faites pour illustrer le gigantisme d’une telle réalisation. Ainsi, Monge, mathématicien qui fit partie de l’expédition de Bonaparte calcula que les trois pyramides réunies produiraient un volume de pierre suffisant pour construire un mur de 3 m de haut et 30 cm de large tout autour de la France. D’autres études stupéfiantes affirment que la base de la Grande Pyramide contiendrait, à elle seule, le Parlement et Saint Paul de Londres tout en laissant encore de la place disponible (Somers Clarke et Engelbach) tandis que d’autres révèlent que la même superficie contiendrait les cathédrales de Florence, Milan, Saint Pierre de Rome, les Abbayes de Westminster et de Saint Paul (E. Baldwin Smith).
Mastodonte de pierre composé de près de 2 300 000 blocs pesant en moyenne 2,5 tonnes (15 tonnes pour certains), l’aspect qu’elle offre au regard médusé de ses admirateurs est celui d’une pyramide dont il manque le pyramidion, une douzaine d’assises et tout le revêtement en calcaire de Tourah dont il ne reste que quelques traces uniquement à la base.

LE COMPLEXE FUNERAIRE ET SES PRINCIPAUX ELEMENTS
La pyramide était le centre d’un complexe qui comprenait un mur d’enceinte haut de près de 8 m et un Temple funéraire placé sur le côté Est de l’édifice. Le mur d’enceinte n’est plus visible et du temple, il ne reste que le dallage en basalte noir de la cour (2) entourée, à l’origine, d’une galerie. Le plan de ce temple fut donné par J.P Lauer en 1947. Ironie de l’Histoire et des temps modernes, ce dallage était recouvert en partie par une route largement empruntée par les cars de tourisme. Dégagée sur ordre des autorités égyptiennes, elle livra, en 1992, une petite pyramide près de l’angle Sud-Est de Grande Pyramide, la petite pyramide satellite. Elle aurait atteint 14 m de haut et, tout comme la Grande, aurait eu sa descenderie et sa chambre souterraine
La chaussée montante qui menait du Temple funéraire au Temple de la Vallée (ou Temple bas) et au port d’accueil a exigé, selon les rapports d’Hérodote, dix ans de travaux, ouvrage aussi spectaculaire que la Pyramide et long de 825 m. Un tunnel avait été creusé au milieu de l’ouvrage pour éviter de faire un trop grand détour soit par le Temple bas soit par la Pyramide elle-même. Cette Voie Sacrée dont il reste encore quelques petits tronçons visibles aurait été sculptée et faite de pierres polies gravées de figures d’animaux (Hérodote). Cette rampe monumentale dont les restes ont été découverts dans les années 1990 et que l’on supposait tracée en ligne droite présentait une déviation de 32° par rapport au tronçon déjà connu et qui partait du Temple funéraire.
Quelques vestiges du Temple bas ont été découverts en mars 1990 à l’occasion de travaux conduits sur des canalisations du village de Nazlet al-Semman. Sous la direction de Zahi Hawass, les restes d’un mur en basalte noir d’environ 57 m de long ont pu être mis à jour et remontés sur place.
En 1954, le déblaiement du côté Sud de la pyramide a permis la mise à jour de deux fosses rectangulaires (trois fosses vides avaient été découvertes à l’Est de la pyramide) contenant deux barques entièrement démontées. Une seule des deux fosses a été ouverte et la barque en cèdre qu’elle abritait, immense puzzle de 1224 pièces dont la pièce la plus longue mesurait 22,80 m et la plus petite 10 cm, fut patiemment remontée (une quinzaine d’années furent nécessaires) par Hag Ahmed Yussuf et on peut admirer l’œuvre reconstituée dans un petit musée élevé au-dessus de la fosse d’origine (dont le style architectural laisse beaucoup à désirer), impressionnante barque de près de 43 m. Certaines inscriptions portent à croire que la réalisation et l’enfouissement de ces barques se firent sous le règne de Didoufri, successeur de Khéops. Ces barques qui avaient sûrement servi au roi pour ses déplacements de son vivant, devaient sûrement accomplir la même tâche dans l’Au-delà. Les travaux d’Hag Ahmed Yussuf révèlent tout de même que la barque qu’il avait reconstruite n’aurait été utilisée qu’une seule fois, d’où sa probable valeur essentiellement funéraire. La seconde barque non dégagée a pu être observée par un petit trou finement percé et l’on a pu constater qu’elle avait beaucoup souffert des dégradations dues aux conditions climatiques.
Enfin, trois pyramides satellites se succèdent sur le côté Est de la Pyramide et il est encore bien difficile de nommer leur propriétaire. La première serait celle de la reine et épouse de Khéops, Meritetes, la seconde serait celle de sa fille (voir Texte d’Hérodote), la troisième serait celle de la reine Henoutsen (autre hypothèse celle de Hetepheres ?). Par contre, fait certain, une expédition américaine dirigée par Reisner en 1925, a dégagé une chambre souterraine inviolée, sans superstructure apparente. La mission y découvrit une bonne partie du mobilier funéraire d’une exceptionnelle richesse de la reine Hetepheres, mère de Khéops et Grande Epouse de Snéfrou. Le sarcophage était malheureusement vide et à ses côtés reposaient les canopes en albâtre abritant encore les viscères de la Reine. On peut se demander pourquoi la Reine ne fut pas inhumée aux côtés de son époux à Dachour. Aucune tombe lui appartenant n’a encore été découverte jusqu’à présent sur ce site. Certains chercheurs (dont Reisner) pensent que des pilleurs auraient violé la tombe de Hetepheres, ce qui aurait obligé son fils Khéops à la ramener près de lui à Guizeh dans une tombe qu’aucune superstructure n’aurait pu révéler aux profanateurs. A suivre….

Plan du temple funéraire du complexe de Khéops. D'après J.P. Lauer

1 ouverture sur la façade Est
2 cour pavée de basalte noir
3 sanctuaire supposé par J.P. Lauer
Dans les pages précédentes (voir Univers des pyramides) nous avons tenté de comprendre comment ces édifices spectaculaires avaient pu être conçus puis construits et nous avons fait un petit tour non exhaustif des méthodes possibles qui avaient présidé à leur édification. Etudions maintenant les nombreux mystères qui planent sur l’infrastructure de la pyramide de Khéops et tentons de lever le voile sur certaines affirmations, aujourd’hui remises en cause.
L’entrée (1)
L’entrée se situe sur la face Nord de la pyramide à près de 17 m du sol.
Première descenderie et chambre souterraine (3) (2)
Un long couloir (3) descendant s’enfonce dans le corps de la pyramide puis dans le sol et, 103 m plus loin, on aboutit à une première chambre (2) a priori inachevée. Supposons, et nous verrons plus loin que cette théorie est largement remise en cause, un abandon du projet en raison, peut-être d’une impossibilité d'y faire accéder le sarcophage royal par une descenderie trop étroite.
Couloir ascendant et chambre intermédiaire (au départ du 3) (5)
A 18 m de l’entrée de la pyramide (3), dans ce même couloir descendant, une bifurcation a été opérée qui mène, grâce à un couloir ascendant long de près de 38 m, puis à un couloir horizontal à une chambre appelée improprement par les Arabes Chambre de la Reine (5). Située à mi-chemin entre la face Nord et la face Sud, son plafond s’élève à une hauteur de 6,75 m. Une niche était prévue, probablement pour y placer la statue du ka du roi. De nombreux indices portent à croire que cette chambre intermédiaire, elle aussi, n’a pas été achevée. Nous confirmerons ou infirmerons cette hypothèse plus loin On pense qu’elle n’a jamais contenu de sarcophage et il faut signaler la présence de deux petits conduits qui s’enfoncent, l’un dans le mur Nord, l’autre dans le mur Sud et qui, contrairement aux conduits de la chambre du Roi, n’aboutissent pas à la surface du monument.
La Grande Galerie et la Chambre du Roi (4) (6)
Nous voilà en présence de deux œuvres architecturales d’une grande complexité et de toute beauté.
La Grande Galerie (4) est longue de 46 m et sa voûte en encorbellement est l’un des chefs d’œuvre de la prodigieuse technique égyptienne. Chacune des sept assises qui la compose est décalée de 9 cm vers l’intérieur et compte tenu de la masse énorme qui pèse au-dessus d’elle, sa réalisation est d’une perfection rarement atteinte.
La Chambre du Roi (6) est exceptionnellement grande pour une chambre funéraire : 10,50 m de long, 5,20 m de large et 5,80 de hauteur. De plus, elle est construite entièrement en granit, pierre qui n’avait encore jamais été utilisée dans les pyramides précédentes. Sa position, presque au cœur de la pyramide, à une cinquantaine de mètres au-dessus du sol, devait sûrement revêtir une valeur symbolique et permettre à Pharaon de monter au ciel. Cinq chambres de décharge soutenues par des dalles pesant près de 40 tonnes absorbent la pression et l’on a retrouvé, gravés sur les parois de ces chambres, des graffiti mentionnant le nom de Kheops. Quatre de ces chambres présentent un toit plat tandis que la dernière offre un toit pointu. Tout comme pour la Grande Galerie, la prouesse architecturale atteinte ici dans le but d’éviter tout risque d’effondrement est colossale et a tenu son rôle à la perfection.
Si la construction des pyramides relève d’un exploit sans précédent, la construction de ces chambres de décharge n’en est pas moins spectaculaire compte tenu, là aussi, du poids des blocs de pierre utilisés variant entre 40 et 70 tonnes.
Tout comme dans la Chambre de la Reine, des couloirs factices (7) mènent vers les faces méridionale et septentrionale de la pyramide jusqu’à la surface de celle-ci. La question reste de savoir si ces conduits avaient une vocation religieuse, permettre à Pharaon de rejoindre les étoiles correspondantes, Sirius et Orion ou simplement technique, permettre l’aération de la Chambre.
Dans cette chambre, le sarcophage de granit du roi fut retrouvé, vide, le couvercle et la momie royale n’ayant jamais été retrouvés.
On a très longtemps assimilé la construction successive des deux premières chambres, la chambre souterraine, la Chambre de la Reine, à des abandons de projet qui auraient abouti, finalement, à la Chambre du Roi, chambre définitive. Certains chercheurs en quête de mysticisme ont même affirmé que ces trois chambres recelaient les trésors du savoir.
Ce serait bien méconnaître les architectes de génie qui auraient ainsi conçu cet édifice unique avec autant de perfection mais sans en avoir, au préalable, réfléchi l’agencement intérieur. Peut-être faut-il chercher une éventuelle réponse dans le domaine religieux qui présidait à cette époque. Nous avons vu dans Mythes et Légendes que les Egyptiens étaient passés maîtres dans l’art d’assimiler plusieurs conceptions, à priori contradictoires mais, en fait, complémentaires. La conception chtonienne du début des temps historiques qui plaçait l’Au-delà dans les profondeurs de la Terre a probablement déterminé la présence de la chambre souterraine. La montée d’une théologie solaire dès le règne de Snéfrou aurait alors suggéré la construction des deux autres chambres. D’ailleurs, aucun système de protection (herses) n’a été encore découvert dans les deux premières chambres, le seul connu étant celui protégeant la Chambre du Roi à vocation réellement funéraire. De grands chercheurs tels Vassil Dobrev ou Maragioglio ne pensent pas que ces trois salles aient répondu à des projets successifs :
" le système de chambres et de galeries construites dans le massif de la pyramide appartient à un seul et même projet."
L’île mystérieuse
"… à cela s’ajouteraient sur la colline où s’élèvent les pyramides, les chambres souterraines qu’il fit construire sur une île pour y être enseveli car il amena le Nil par un fossé…maçonné où l’on dit que Khéops est enseveli…"
Hérodote II.
Cette île mystérieuse et sa prétendue localisation sous la Grande Pyramide a fait bouillonner bien des imaginations. A 250 m de la pyramide de Khéops, sous la chaussée du Pharaon Kephren, l’égyptologue égyptien Zahi Hawass a fouillé plus profondément un puits découvert au début du XXème siècle. A quelque 30 m de profondeur, une grande salle inondée par les eaux souterraines de la nappe phréatique a révélé la présence d’un sarcophage en granit. Cependant, rien n’indique que ce tombeau soit celui de Khéops, Hérodote ayant été informé de la présence de cette île de Khéops dans un texte relatif à la pyramide Kephren.


Plan de la pyramide de Khéops. Coupe vers l’Ouest. D’après H.Vyse





















La grande galerie. D'après J.Capart et M.Werbrouck

La Grande Pyramide de Khéops n’a pas encore livré tous les secrets qu’elle détient jalousement depuis plus de 3000 ans. Hérodote accorda au règne de Khéops une mauvaise réputation qu’il ne mérite sûrement pas. Mettons cette probable mauvaise foi sur le compte de la jalousie grecque induite par un édifice qui, à l’époque, parfaitement lissé par le calcaire blanc de Tourah et arborant fièrement son pyramidion de lumière, a dû faire défaillir bien des regards.
La fascination de la Grande Pyramide n’est pas prête de s’éteindre. Les feux qui l’animent sont régulièrement entretenus par des nouvelles plus ou moins spectaculaires, plus ou moins dignes de foi. Le 18 avril 2001, deux égyptologues français auraient affirmé avoir localisé, au sein de la Grande Pyramide, des cavités inconnues et certainement inviolées qui pourraient bien abriter des tombeaux royaux. Affaire à suivre dans Egyptologie.
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