"Le but ultime d'une histoire de la Civilisation serait de faire approcher l'âme de ceux qui l'ont créée,
le foyer ardent d'où ont jailli les créations sociales, littéraires, artistiques d'un monde qui,
bien que disparu depuis deux mille ans,
nous fascine encore par ses réussites et ses prestiges."

François Daumas

Tableau historique des Périodes égyptiennes
STRUCTURES FONDAMENTALES
La première période historique égyptienne, celle où l’on commence à parler de dynastie est appelée période thinite du nom de la ville de This près d’Abydos et qui semble être le fief des premiers Pharaons. This fut la plus ancienne capitale de l'Egypte dynastique. Sa localisation exacte est encore incertaine. Cette lointaine période, riche d’apports nouveaux, est relativement mal connue. Elle demeure cependant la période charnière qui instaura, et ce pour toute la durée de l’Histoire pharaonique, les structures fondamentales égyptiennes tant sur le plan administratif que royal, religieux et architectural.
Institution royale
Dès l’aube historique, toute la société reposait sur Pharaon. Glorieux unificateur des deux pôles du pays, il devint Celui qui appartient au roseau et l’abeille, le roseau étant l’emblème de Haute-Egypte (Sud) et l’abeille celui de Basse-Egypte (Nord). Cette attribution lui valut le droit de coiffer les deux couronnes, la Blanche du Sud et la Rouge du Nord et, pour confirmer la jonction des Deux Terres, ces deux couronnes furent réunies en une seule, le Pschent. Pour parfaire cette harmonie, chacune des deux couronnes était placée sous la bienveillance de deux déesses tutélaires, Nekhbet, déesse vautour du Sud, et Outo, déesse cobra du Nord. Protégé par l’action de ces deux divinités, Pharaon fondait ainsi sa royauté sur le droit religieux. Mais la légitimité de Pharaon puisait ses sources dans des racines encore plus divinement célestes : celles qui avaient fait d’Horus, fils d’Isis et d’Osiris, l’héritier de droit de la terre de son père trahi, assassiné et enfin ressuscité. Descendant d’Horus, Pharaon avait non seulement reçu son pouvoir du dieu vainqueur, mais il en était la réincarnation terrestre. Devenu dieu lui-même, son royaume était la copie de celui d’Horus et, par conséquent, la dualité de la terre d’Egypte s’inscrivait dans ce double reflet. Le protocole royal se mit ainsi lentement en place. Il sera enrichi d’apports nouveaux au fil de l’évolution de la conception de la royauté. Voir Pharaon, fils de Rê, Maître du Monde
Organisation sociale
Si Pharaon était considéré comme chef unique de son peuple et de sa terre, si son ascendance divine ne faisait aucun doute, ses capacités physiques si extraordinaires qu’elles fussent ne pouvaient lui procurer le don d’ubiquité. C’est pourquoi, dès les origines, il s’appuya sur une administration extrêmement bien structurée, organisée et contrôlée. Vizir, indispensables scribes, fonctionnaires de tous ordres gravitaient autour de la toute puissante personne de Pharaon, soit dans le Palais Royal, centre du gouvernement, soit par délégation politique dans les provinces, les nomes, soit par délégation religieuse dans les temples. Cet effort de centralisation ne se fit pas sans heurt et sans débordement (notamment dans le Delta). Gestion de l’eau, évaluation des récoltes, exploitation des richesses minières, recensement, imposition, rien n’échappait au contrôle royal. La perte de cette omnipotence dans les moments de désagrégement interne, autorité habilement récupérée par quelques nomarques ambitieux précipitera la royauté affaiblie dans des périodes de troubles et de division comme ce sera le triste cas à la fin de l’Ancien Empire.
Architecture
Dans le domaine de l’architecture civile, la construction du Palais royal à Memphis devait répondre aux exigences royales et politiques de la souveraine fonction. Les tombeaux de cette époque, considérés comme les images décalquées de la maison des vivants, ainsi que les peintures des sarcophages des dynasties IV et V peuvent donner une idée de ce que pouvait être le Palais royal : un parallélépipède offrant une succession de saillies et de redans. Les matériaux utilisés, briques, pisé, bois, roseaux trop perméables à l’usure du temps n’ont laissé aucune trace, les détails ne nous étant connus que par l’étude des édifices funéraires. Sommet de la ville et du pays, siège de toutes les grandes décisions, le Palais se devait aussi de répondre à toutes les exigences administratives (locaux destinés aux finances, à l’armée, à la justice, archives, etc.) cérémonielles et familiales (salle du trône, d’audience, harem, etc.)
Dans le domaine de l’architecture religieuse, une volonté manifeste de perdurer vers l’éternité a incité les artistes égyptiens à concevoir, très progressivement, une architecture en pierre, matériau durable et inaltérable. Le souci de protéger les tombeaux des incursions des voleurs, le désir d’offrir au roi et aux dieux une demeure parfaite pour l’éternité ont conduit à faire progresser considérablement les techniques de la construction.
. Vie spirituelle
L’idéologie religieuse qui souffle sur la terre d’Egypte inspire l’architecte, anime la main habile de l’artiste dont les œuvres doivent être éternelles.
Dans le même esprit, deux cérémonies capitales seront élaborées pour Pharaon :
l’intronisation royale durant laquelle Pharaon coiffe la couronne Blanche, puis la couronne Rouge, réunit le Double-Pays et, enfin, accomplit symboliquement une course autour du mur de la capitale.
l’institution du heb-sed, sorte de jubilé trentenaire qui permet à Pharaon de prouver sa vigueur et son aptitude à régner sur son peuple. On a pu voir dans cette coutume une manière de renouveler la puissance royale. En tant que protecteur des Deux-Terres et garant de l'intégralité de la terre reçue par les dieux, il était essentiel que Pharaon fût en excellente santé physique et le prouve concrètement aux yeux de tous.
Dans les foyers religieux, dans les temples d’Héliopolis, de Memphis, des cosmogonies complexes mais patiemment élaborées se dessinent à force de tâtonnements et de réflexion. L’ingénieux système hiéroglyphique d’une extrême richesse permet à la bureaucratie rapidement tentaculaire de donner le meilleur d’elle-même et de coordonner les différents rouages de l’économie égyptienne.
Bien d’autres aspects de la millénaire Egypte sont activement élaborés, inventés durant l’ère thinite. Les nouveautés fusent, la pensée explose, les esprits sont en ébullition, le génie des artistes et des artisans s'épanouit dans la moindre des créations, la marmite égyptienne donne le meilleur d’elle-même. Quand s’achève cette géniale période, l’Ancien Empire des pyramides est prêt pour concrétiser ce foisonnement d’idées novatrices dont la finalité ultime est d’assurer à Pharaon, garant de l'Ordre Universel, une vie éternelle

PHARAONS THINITES
AHA / MENES (dynastie I) 3032/2982 – 3000/2950 * 3100/3075
Successeur de Narmer (son fils, sans doute), Aha ouvrit la voie dynastique et inaugura la première dynastie des Pharaons. Pourtant les documents égyptiens qui nous sont parvenus du Nouvel Empire précisent le nom de Ménès pour signaler ce premier souverain. Figure légendaire de cette période, les historiens ont longtemps identifié ce roi Ménès à Narmer. Quelques recherches archéologiques plus tard et quelques sceaux et plaquettes en plus ont permis d’écarter cette hypothèse afin de le rapprocher du roi Aha dont le nom d’Horus était Men.
Quoiqu’il en soit Aha/Ménès doit bien être considéré comme le responsable de l’unification politique du pays. Il était originaire de la fameuse ville de Hiéraconpolis (Nekhen) déjà à l’honneur grâce à ses prédécesseurs Scorpion et Narmer.
Aha/Menes ne manquait pas de cœur à l’ouvrage. Concernant ses prérogatives sur les pays étrangers, de nombreuses campagnes en Canaan, à Byblos, vers la Nubie et la Libye lui valurent l’insigne privilège d’être surnommé le Combattant. En Egypte, afin d’asseoir sa supériorité et confirmer ainsi son aptitude à régner sur le Double-Pays, il épousa une princesse venue de Basse-Egypte (Nord), la reine Neithhotep. Conscient des difficultés à gouverner un pays qui s’étend essentiellement sur une étroite bande du Sud jusqu’au Nord, il décida de symboliser cette unification de fraîche date par la fondation d’une capitale sise à Memphis, point stratégique entre la Basse et la Haute-Egypte. Appelée le Grand mur Blanc, cette ville, bâtie sur des terres marécageuses épurées, abritait le Palais royal sagement sécurisé par une forteresse voisine. Il s’occupa aussi d’édifier un temple en l’honneur du dieu Ptah et d’assainir une grande partie des marais du Delta.
Un fait très important caractérise cette première mise en place du pouvoir pharaonique : le nom du Pharaon Aha se voit précéder d’un titre, celui d’Horus. Horus Aha est le successeur de son père mais aussi le digne successeur du valeureux Horus à qui les dieux avaient donné la terre d’Egypte en héritage à la suite d’un interminable procès. Voir Mythes et Légendes. Et nous verrons que, peu à peu, durant cette période thinite, d’autres structures fondamentales de l’Egypte pharaonique seront mises en place.
D’après les textes qui offrent quelques variantes, Aha/Menes aurait régné trente, soixante ou soixante-deux ans et aurait donc succédé en tant que roi humain aux demi-dieux de l’époque pré-dynastique. Diodore rapporte que, lors d’une chasse malheureuse dans le Fayoum, le courageux Ménès aurait été poursuivi par ses propres chiens. Un crocodile qui passait par là l’aurait sauvé d’une mort assurément atroce en le transportant à l’abri, de l’autre côté des rives du lac Moeris. Reconnaissant, Pharaon aurait consacré à cet endroit la ville de Shedet, appelée Crocodilopolis par les Grecs.
Cependant, le fatal destin poursuivait Pharaon de ses assiduités et, toujours selon les textes, il aurait été tué par un cruel hippopotame. Il inaugura une nécropole à Saqqarah et fut l’instigateur du principe de la double sépulture royale, le cénotaphe, une tombe étant construite à Saqqarah, l’autre à Abydos.
La succession des Pharaons de la Dynastie I et de la dynastie II reste encore relativement mal établie et diffère selon les auteurs
DJER (dynastie I) 2999/2949 – 2952/2902 * 3075/3080
On a retrouvé deux tombes lui appartenant, l’une à Saqqarah, l’autre à Abydos. Dans celle d’Abydos, des bracelets (musée du Caire) ont été mis au jour, mais rien ne prouve encore que le corps sur lequel ils ont été prélevés soit bien celui de Djer. En effet, le principe du cénotaphe largement employé durant les toutes premières dynasties a longtemps soulevé des questions dont les réponses ont été récemment reformulées.
Il avait été communément admis, suite aux fouilles de Pétrie et d’Emery, que des deux sépultures, l’une était la tombe royale, l’autre un simple cénotaphe dont le but, suivant la symbolique égyptienne était de permettre à Pharaon d’être présent aussi bien au Nord (Saqqarah) qu’au Sud (Abydos). Dans les tombes d’Abydos, des stèles signalaient la fonction royale de l’occupant, tandis qu’à Saqqarah, des objets retrouvés au hasard des fouilles gravés au nom du roi pouvaient appartenir tout simplement à de hauts fonctionnaires ou dignitaires.
Le mystère n’est donc pas clairement élucidé. A suivre.
SERPENT /OUADJY (dynastie I) 2952/2902 – 2939/2889 * 3030/3025
Sa tombe fut retrouvée, elle aussi, à Abydos. On peut admirer au musée du Caire l’une des deux stèles qui en marquaient l’entrée. Le nom du Pharaon Serpent y figure dans un serekh sous le signe hiéroglyphique du cobra. Le dieu Horus domine l’ensemble.
DEN (dynastie I) 3025/2970
Anciennement appelé Oudimou
Dans la lignée de ses prédécesseurs, il maintint la paix dans le Double-Pays et guerroya activement en Syrie, au Liban ouest, au Naharina et soumit les tribus nomades du Sinaï. Tirant les leçons d’une terrible sécheresse qui s’était abattue sur l’Egypte, il entreprit la construction de canaux et de réservoirs, travaux poursuivis par ses successeurs.
NEFERKASOKAR / PERIBSEN (dynastie II) ?
Une petite révolution eu lieu à la fin de la dynastie II. Le Pharaon Peribsen réhabilita, pour un temps seulement, le culte du dieu honni Seth. Le nom d’Horus est provisoirement remplacé par le nom de Seth.
KHASEKHEMOUY (dynastie II) 2734/2684 – 2707/2657 * /2647
Le dernier roi de la dynastie II s’occupa à rétablir la paix troublée des derniers temps de son prédécesseur. Il tenta de trouver un compromis en proclamant que les deux dieux qui sont à l’intérieur du roi sont en paix. Son serekh offre la particularité de montrer l’image de Seth aux côtés de celle d’Horus. Outre son rôle pacificateur, Khasekhemouy inaugura, sans vraiment le généraliser, l’usage de la pierre dans la construction des édifices et c’est sous son règne que l’on vit apparaître la grande statuaire royale où il figure en costume jubilaire. Sa tombe, la plus vaste d’Abydos, fut découverte par Amelineau à la fin du XIXème siècle. De forme trapézoïdale, la chambre funéraire était entourée d’un réseau d’une cinquantaine de chambres et d’un grand appartement de huit salles.








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