Vous
êtes à l'ankh 
* La redécouverte de Deir
el-Medineh
le miracle d'une passion...
La nécropole de l'Est
*
Bientôt, la suite des aventures...

Très
occupés à creuser la demeure d'éternité de Pharaon,
les artisans du petit Village n'ont pas oublié pour autant leur propre
devenir post-mortem. Ne sont-ils pas les mieux placés, les plus expérimentés
aussi, pour mettre à leur profit les compétences qu'ils ont acquises
au fil du temps et que les pères ont léguées aux fils afin
que jamais ne périsse leur savoir-faire ? Ainsi, durant leurs jours de
repos, les Serviteurs de la Place de Vérité ont-ils aménagé
de chaque côté de
pa demi des cimetières pour abriter
leurs défunts.

Le cimetière de l'Est blotti contre le flanc du massif de Gournet Mouraï
peut être daté de la dynastie XVIII et plus précisément
des règnes de
Hatchepsout
et Thoutmosis III. Très probablement, cette nécropole fut-elle
en priorité réservée aux familles les plus pauvres et aux
enfants, l'autre, celle de l'Ouest étant réservée aux plus
nantis. Mais de nos jours, il ne reste plus grand chose d'apparent de ces premières
tombes orientales qui, pour la plupart, sont de simples fosses creusées
dans la colline.

La nécropole est divisée en trois étages : la partie basse
pour les enfants en bas âge, voire même pour les ftus, la
partie médiane pour les adolescents et, enfin, la partie supérieure
pour les adultes et les personnes très âgées. De facture
très simple, les parois de ces "puits" ne présentent
aucun décor, aucune peinture que l'on trouvera par contre très
bien représentée au sein de l'autre cimetière, de l'autre
côté du Village, cimetière étagé sur les flancs
de la montagne thébaine. La richesse de ces tombes est en fait due à
l'important matériel funéraire que l'on retrouva à côté
des sarcophages, matériel d'une très grande simplicité
mais hautement intéressant par les marques d'usure qu'il présente,
preuve qu'avant d'être mis à la disposition du défunt, il
avait largement contribué au confort du vivant. Grâce à
ces objets que les archéologues ont eu le bonheur de trouver en grand
nombre, les égyptologues ont pu révéler les grands lignes
du quotidien de ces Egyptiens partagés entre travail et loisirs. Ce sont
ainsi des éléments du mobilier, chaises, chevets, tabourets, nattes,
coffres, de la vaisselle sous toutes ses formes, jarres, coupes, pots mais aussi
des objets de toilette, vases à onguents, pots à khôl, peignes,
miroirs, des instruments de musique que l'on a retrouvés soigneusement
déposés près du défunt.
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La nécropole de l'Ouest

Conséquence
probable de l'extension du Village, notamment sous Ramsès II, priorité
fut donnée, peu à peu, à l'autre nécropole, celle
de l'Ouest située sur le flanc occidental de la montagne thébaine.
Son aspect est bien curieux, elle semble dominer le Village et ses tombes s'étagent
les unes au-dessus des autres meublant la pente de la montagne à la manière
de terrasses successives. Les fouilles ont dénombré cinquante-trois
tombes datant presque toutes du règne de Ramsès II.
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Sept autres tombes datent de la dynastie XVIII dont celle de Sennefer et celle
de l'ouvrier Khâ, Chef des travaux dans la Grande Place et Scribe royal
sous Amenhotep II, Thoutmosis IV et Amenhotep III et dont le décès
est survenu sous le règne de ce dernier Pharaon. Bien malheureusement, la
chapelle fut retrouvée pillée mais la tombe par contre fut retrouvée
intacte. Les deux sarcophages, celui de Khâ et celui de son épouse
Meryt reposaient l'un à côté de l'autre come au premier
temps de leur inhumation. Celui du défunt avait conservé son suaire
protecteur tandis que des guirlandes entouraient le cercueil. Son épouse,
quant à elle, avait conservé son masque funéraire doré.
Les deux époux ainsi que tout l'important matériel trouvé
à leurs côtés (oushebtis, vases, chaise, coffres, étoffes,
) furent transportés au musée de Turin.
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Les tombeaux de la dynastie XIX, les plus importants et les plus significatifs,
sont presque tous décorés, chacun présentant leur propre
particularité mais obéissant à un schéma d'ensemble
identique. Contrairement aux tombes plus anciennes, le caveau est désormais
destiné à l'ensemble de la famille, ce sont tous les membres du
clan qui sont invités à y prendre place et il est probable que
ces demeures sont considérées comme des biens mobiliers à
transmettre de père en fils. Ainsi une des tombes les plus célèbres,
celle de
Sennedjem abrite-t-elle
non seulement le défunt et son épouse mais aussi son fils, sa
belle-fille et d'autres parents.
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Nakhtamon,
essoufflé, accablé par la chaleur qui se fait de plus en plus
oppressante malgré l'air dispensé par le large éventail
de plumes balancé au-dessus de sa tête, arrête là
son discours. Il lève les yeux sur la personne de Pharaon : Ramsès
le regarde toujours, son air attentif et intéressé rassure le
jeune homme sur la qualité de ses propos ! Soudain le Roi parle, sa voix
porte haut, ses paroles résonnent, amplifiées par le silence qui
s'est abattu sur l'assemblée au moment même où il a ouvert
la bouche :
" Jeune homme, ne crois-tu pas qu'il est temps que tu me fasses visiter
ces tombes mystérieuses, ma patience est mise à rude épreuve
! Sais-tu ce que l'on dit au Palais royal à propos de vos tombeaux ?
Non, tu ne le sais pas, bien sûr, mais je puis t'assurer que la réputation
de tes collègues est arrivée jusqu'à mes oreilles et que
je ne suis pas resté insensible aux compliments qui fleurissent sur vos
ouvrages. On dit que vos demeures d'éternité sont encore plus
belles que celles de mes hauts dignitaires, ces rumeurs sont-elles fondées,
la beauté, l'unicité de la tombe royale aurait-elle à souffrir
d'une telle concurrence ? Je demande à voir, mène moi à
ces merveilles que je juge par moi-même ! "
Du coup Nakhtamon a chaud, très chaud, et cependant il tremble ! La chaleur
serait--elle vraiment en cause ? Il a cru discerner dans les propos de Ramsès
une petite pointe d'agacement. Qu'à cela ne tienne, il le conduira sur
place
Ramsès se lève, Nakhtamon ouvre la marche, c'est une troupe entière
qui se déplace et qui franchit la porte du Village. Sur les flancs montagneux,
les chapelles attirent immédiatement l'intérêt sur elles,
leur petit toit pyramidal accroche le regard. Ramsès fortement intéressé
n'a encore jamais vu un paysage aussi curieux...

Description
d'une tombe
Comme dans tout monument funéraire égyptien, la tombe se décompose
en deux éléments : la chapelle
(A) et le caveau
(B).
Mais avant d'accéder à la chapelle, il faut franchir un petit
pylône
(C) fait de briques, réplique miniature des grands
pylônes de Karnak. Une fois franchie cette porte, on pénètre
dans une cour
(D) ceinte d'un mur lui aussi fait de briques
(E)
et, au fond de cette cour, s'élève la fameuse chapelle.

Cet
édifice est la partie visible de la tombe et sa façade principale
est tournée vers l'Est. Sa fonction est d'accueillir les membres de la
famille ou les amis venus rendre hommage à leurs disparus, les bras chargés
d'offrandes de toutes sortes.
Selon le type de roche qui la reçoit, la chapelle est soit creusée
à même la pierre si celle-ci est résistante, soit construite
en brique si la pierre est trop friable.
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Le long de la façade principale, une sorte de véranda soutenue
par des colonnes peut abriter de chaque côté de la porte une statue
du défunt.
(1)
La chapelle creusée dans le roc peut comprendre plusieurs pièces
dont les parois sont décorées et très souvent sculptées
avant d'être peintes sur un enduit de limon recouvert de stuc. Par contre,
lorsqu'elle est construite, la chapelle est le plus souvent composée
d'une salle voûtée décorée mais simplement peinte
sur un enduit de limon.
Le plan d'ensemble ne varie guère : un couloir qui fait face à
la porte d'entrée, une ou plusieurs salles
(2)
et, au fond, la niche
(3) qui peut abriter
une statue du défunt ou celle d'une divinité destinée à
accueillir la momie pour la conduire sur les chemins de l'au-delà. Tout
comme dans les temples, le niveau du sol peut s'élever en même
que temps que celui du plafond peut s'abaisser pour conduire au
naos.
Au-dessus de la chapelle se dresse la petite pyramide faite de briques qui intrigue
tant Pharaon
(4) ! Sa face principale est
percée d'une petite niche
(5) qui
abrite une stèle dédiée à
Rê-Horakhty.
Tout comme ses grandes surs qui se dressent sur le plateau de Guizeh,
la petite pyramide est surmontée d'un pyramidion
(6)
de pierre, généralement de calcaire, parfois de grès (et
non plus d'électrum comme les grandes !) décoré sur ses
quatre faces de scènes se rapportant au cycle solaire, allusion faite
au voyage que l'astre effectue de son lever à son coucher.
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Le puits
(7) qui mène au caveau
(B),
la partie cachée, peut être creusé soit directement dans
la cour ou dans une des pièces de la chapelle. Il semble que le fait
d'avoir privilégié le puits creusé dans la cour ait protégé
certaines tombes du vandalisme et du pillage de la tombe dans la mesure où
il est bien sûr plus difficilement repérable.
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La chambre souterraine, parfois précédée d'une antichambre
(8), se présente comme une salle
voûtée et sa fonction est d'abriter bien évidemment le cercueil
du défunt mais aussi ceux des autres membres de la famille, épouse
ou enfants
(9).

Que
peut-on lire sur ces murs décorés, quels sont ces ornements dont
la beauté remonte jusqu'aux oreilles de Pharaon ?
La plupart de ces tombes, une vingtaine ainsi recensées d'époque
ramesside, sont décorées de scènes monochromes. Très
souvent sur un fond blanc, les contours et les textes sont noirs tandis que
les figures balancent entre ocre rouge et ocre jaune. Très peu de couleurs
vives donc, certains auteurs pensent que cette absence de couleurs (bleu, vert
ou rouge) compensée par la large palette des ocres dorés aurait
pour finalité d'évoquer la couleur de l'or, la
chair des dieux.
Et pourtant l'extrême vivacité des tons proposés alliée
à leur remarquable état de conservation frappe le visiteur qui
ne peut que rester admiratif devant ces scènes tapissant entièrement
le caveau.
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et Album à venir.
Les sujets traités sur ces parois n'ont rien à voir avec ceux
que l'on peut admirer dans d'autres nécropoles. En effet, ici, point
de scènes de la vie quotidienne, point de figures bucoliques ou champêtres
(exception faite de la tombe d'Ipouy), les artisans de Deir el-Medineh ont préféré
s'inspirer des textes religieux qu'ils connaissent bien pour les avoirs dessinés
dans les hypogées royaux tels le
Livre
des morts et le Livre des Portes. Ainsi vignettes et formules
magiques tapissent les murs du caveau, les plafonds s'ornent de motifs et de
textes religieux illustrés par de nombreuses divinités funéraires.
La tombe de
Sennedjem est
très représentative de ce type de décor.


Coupe d'une chapelle et du caveau.
La confrérie des bâtisseurs de Pharaon. Bierbrier
Coupe
d'une chapelle et du caveau
Catalogue du Louvre 2002. D'après Siliotti
A
A
C
C
D
D
E
1
1
2
3
4
4
5
5
6
6
7
7
8
8
9
9
Les sanctuaires, chapelles et oratoires
La station du Col
Le grand puits

Les
artisans de Deir el-Medineh ont accordé une très grande place
au sentiment religieux. Leur vie quotidienne est ponctuée non seulement
de rites en l'honneur des défunts dont ils perpétuent le souvenir
au cur des chapelles de la nécropole ou simplement dans leurs demeures,
mais aussi de rites en l'honneur de nombreuses divinités. Voir
Piété
et religion.
Plusieurs temples se sont alors dressés peu à peu au Nord du Village
tandis qu'une multitude de petites chapelles votives, de sanctuaires, d'oratoires
sont creusées au pied de la montagne thébaine.
Le
temple d'Hathor
Au Nord du Village se dressent encore de nos jours, les ruines du temple dédié
à la déesse des lieux, la belle
Hathor,
la Souveraine de l'Occident. Ce monument d'une très grande finesse est
encore mal connu mais son importance théologique ne fait pas de doute.
La construction est relativement récente, son exécution remonte
aux temps des Lagides, plus précisément ce fut Ptolémée
IV Philopator qui en ordonna la construction, le culte en l'honneur de cette
divinité étant encore extrêmement vivace à cette
époque. Edifié dans un matériau d'éternité,
le grès du Gebel Silsileh mais aussi grâce à l'emprunt de
pierres récupérées sur des sites voisins, ses fondations
reposent probablement sur les arasements de l'ancien temple de Ramsès
II qui avait lui même construit ce temple sur les vestiges arasés
de celui de son père Seti I ! La conception de ce temple aux formes élégantes
alliée à la remarquable conservation des peintures polychromes
que l'on peut encore admirer font de cet édifice une véritable
petit bijou d'architecture. Globalement, on pénètre d'abord dans
une sorte de vestibule dont le plafond est soutenu par deux colonnes, puis l'on
accède au cur d'une antichambre au fond de laquelle sont alignées
trois salles, trois chapelles dédiées de gauche à droite
ou du Sud au Nord : à Amon-Sokaris-Osiris
(A) puis à Hathor-Maât
au centre
(B) et enfin à Amon-Rê-Osiris
(C).
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L'oratoire
de Ptah et Meretseger.
Sur la route menant à la Vallée des Reines, à mi-chemin
entre cette nécropole royale et le Village des artisans se dresse un
curieux éperon rocheux dont la forme rappelle la tête d'un serpent
prêt à cracher son venin. Les villageois, grands amateurs de symboles
comme tout bon égyptien antique, ont voulu voir sculptée naturellement
dans la pierre l'image de la déesse
Meretseger.
C'est ici que se trouve, creusé dans le roc, un oratoire très
simple consacré à la déesse serpent et à un autre
dieu, le grand
Ptah
de Memphis. Ce lieu de piété est très fréquenté,
s'y rendent non seulement les artisans qui y font une halte avant d'atteindre
la Vallée des Reines mais aussi tous les habitants du Village qui viennent
porter aux oreilles des divinités leurs désirs, leurs peines et
leurs espoirs.
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Sur
le chemin qui mène cette fois-ci au Grand Lieu, à la Vallée
des Rois, se dressent les ruines d'un bien étrange petit hameau dont
les maisons semblent comme agglutinées les unes aux autres. Nous avons
atteint ici la station du Col, ce lieu intermédiaire entre la Vallée
des Rois et pa demi conçu par les ouvriers qui, trop fatigués
après une journée de dur labeur dans la chaleur des tombes, rechignent
à descendre jusqu'au Village. C'est une sorte de campement hâtif
fait de soixante-dix-huit petites cabanes très sommaires destinées
à recevoir les ouvriers de façon temporaire. L'architecture est
simple, le confort est très rudimentaire, nulle trace de cuisine dans
le plan de ces maisons ce qui laisse à penser que les épouses
viennent elle-mêmes du Village porter leurs repas à leurs maris.
Le temps doit leur paraître bien long à ces artisans, loin de leur
famille bien-aimée. Aussi ont-ils trompé leur ennui en gravant
sur le roc de la montagne qui les entoure des graffiti révélant
leur nom, leur fonction, autant de témoignages sensibles et touchants
venus alimenter les archives de la communauté. C'est ici que Bernard
Bruyère trouva de nombreux sièges marqués au nom de leur
propriétaire ainsi qu'une cabane attribuée au fameux scribe Kenherkhepechef.
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Et
la rumeur affirme qu'en ces lieux mystérieux, on aurait aperçu,
un jour, un magnifique linteau de calcaire orné d'un soleil d'or,
flanqué d'ailes multicolores.
A l'extérieur du Village, au Nord du temple ptolémaïque les
explorateurs des temps modernes firent, un jour, une découverte quelque
peu déroutante, une profonde et mystérieuse fosse. Deux longues
années de fouilles furent nécessaires pour entrevoir quelque lumière
au fond de ce grand trou béant, profond de cinquante mètres et
dont le premier creusement fut probablement entamé dès la dynastie
XX dans le but illusoire, malheureusement, de trouver un peu d'eau. Cet essai
fut tenté de nouveau durant la période ptolémaïque
toujours dans le même espoir, trouver le liquide vital nécessaire
à l'autonomie du temple. Mais en vain. Le puits fut abandonné
et, peu à peu, il devint la décharge du temple où
les prêtres entassèrent tous les déblais qui les encombraient.
Une aubaine pour monsieur Bruyère qui, au crépuscule de son existence,
toujours aussi alerte, curieux et consciencieux, n'hésita pas à
remuer près de six mille mètres cubes de terre pour exhumer, enfin,
un véritable trésor non point composé d'or et de bijoux
mais de milliers d'ostraca (près de cinq mille !) datant de l'époque
ramesside.


Sources
Les artistes de Pharaon. Catalogue du Louvre 2002
La confrérie des bâtisseurs de Pharaon. M. Bierbrier
Les Créateurs d'éternité. J. Romer
B
B
A
B
C