Il
était une fois, il y a trois mille ans, an VI, deuxième mois d'akhet...
...le
13, sous la Majesté du Roi de Haute et de Basse Egypte, Ouser Maât Rê Setepen
Rê
Nakhtamon roula soigneusement la natte qui avait fait office de matelas en cette
douce nuit d’akhet. L’air frémissait de la fraîcheur nocturne,
fraîcheur qui agissait encore comme un baume tant la journée avait été épuisante
à creuser sans relâche au plus profond des entrailles étouffantes de la montagne,
antre sacrée qui cachait aux yeux des profanes les secrets de la tombe royale.
Et la journée qui s’annonçait, la sixième de la semaine, promettait d’être
encore éprouvante quoique plus excitante. Toute la petite famille dormait encore,
Merit sa jeune épouse, Hori et Neferou ses deux enfants, surtout ne pas les
réveiller, pour eux aussi la journée serait fort riche en préparatifs. Sa natte
sous un bras, son appuie-tête en bois poli sous l’autre, il dévala la
volée de marches qui le menait de la terrasse vers la cuisine à ciel ouvert.
Il n’avait vraiment pas le temps de prendre sa collation du matin, il
se dirigea directement vers une seconde pièce où trônait un petit coffre en
bois peint délicatement orné de motifs floraux, un des rares éléments du mobilier
ayant quelque valeur. Il ouvrit le battant et dégagea, plié avec soin, un pagne
de lin fin d’une blancheur éclatante. Le jeune homme noua l’étoffe
autour de ses reins, l’ajusta convenablement, il pouvait être fier, sa
carrure, inhabituelle pour un égyptien, le ferait certainement remarquer de
Pharaon. Car en effet, la rumeur qui avait circulé dans le petit Village depuis
quelques jours s’avérait très bien fondée : Pharaon Ramsès II se
déplaçait en personne pour venir constater l’avancée des travaux lancés
en l’an II de son règne pour le creusement de sa tombe. Nakhtamon se souvenait
très bien encore, un peu ému par tant de faste, terriblement impressionné par
la cérémonie qui l’avait couronné, du premier coup de burin qui avait
entaillé la roche de la montagne à l’emplacement précis qu’avait
choisi le Roi. Pharaon ne venait pas seul, loin s’en faut, et parmi les
hauts dignitaires qui devaient l’accompagner, figurait le vizir Paser,
celui-là même qui l’avait choisi, lui Nakhtamon pour faire visiter à Ramsès
ce lieu unique appelé La Place de Vérité. Bien lourde responsabilité pour un
si jeune garçon car Pharaon, avait-on murmuré, était exigeant et très curieux,
le scribe Ramose, si actif et si diligent lui ayant confirmé le souhait royal
de tout connaître sur ce curieux petit Village à nul autre pareil sur la Terre
de Kemet.
Mais
avant d’écouter Nakhtamon, avant de le suivre, comme une ombre anachronique
aux côtés du Grand Ramsès, nous qui ne sommes que des touristes modernes perdus
dans l’immensité de la Vallée Occidentale, quelques repères s’imposent.
Localisation
de Deir el-Medineh
Deir
el-Medineh est le nom actuel d’un site nommé aux temps anciens de Nakhtamon
La Place de Vérité, la Set Maât. En arabe Dayr al-Medina signifie précisément
le couvent de la ville, toponyme évoquant l’occupation chrétienne
du site conquis un peu plus tard par les Musulmans.
Situé
sur la rive occidentale, la rive des morts, à quelque 730 km du Caire, quasiment
en face de l’ancienne Thèbes
orientale mais séparé de la rive des vivants par le fleuve sacré,
niché au cœur d’un vallon de la montagne thébaine, voici notre petit
Village, pa demi pour les anciens égyptiens, comme enclavé entre les
contreforts de la chaîne Libyque à l’Ouest et la colline de Gournet Mouraï
à l’Est. Il faut presque marcher un bon kilomètre pour atteindre les premières
terres cultivables et découvrir l’alignement des temples funéraires de
Medinet-Habou,
le petit temple d’Amenhotep, fils de Hapou, celui d’Amenhotep
III, du Ramesseum
et de Deir
el Bahari, le plus décalé dans la montagne. Bien caché,
difficile d’accès, à priori construit en un lieu inhospitalier, ce petit
Village dont les habitants sont favorisés par Pharaon, est protégé par l’imposante
Cime, cette montagne en laquelle on a voulu voir une pyramide naturelle et par
un curieux éperon rocheux naturel s’élevant entre le Village et la Vallée
des Reines, personnifiant par son aspect de cobra dressé, la déesse serpent
Meretseger, la grande déesse de la nécropole, gardienne des tombes royales et
protectrice de la communauté. Photo
Photo
Il
est vrai que l’on peut se demander quelles furent les bonnes raisons qui
incitèrent des hommes, des femmes et des enfants à venir s’établir en
ces lieux désertiques, accablés tous les jours de l’année par une chaleur
torride, éloignés de toute vie et donc tenus à la plus grande discrétion, dominés
par des tons qui se déclinent du rouge au marron le plus foncé en passant par
l’ocre le plus jaune sans jamais s’attarder sur le vert tendre d’un
palmier aux larges ramures. C’est que les hommes de ce lieu ont été choisis
pour leur grand savoir- faire et pour la maîtrise parfaite de leur art, ils
sont investis d’une mission capitale : oeuvrer pour le devenir post-mortem
de leur Pharaon en construisant son ultime demeure
et servir, par le biais de leur art, la Maât fondamentale qui guide leur
talent infaillible. Photo
Les
origines de Deir el-Medineh
Au
plus lointain que se souvienne Nakhtamon, la naissance de son petit Village
est étroitement liée au nouveau mode d’inhumation des Pharaons défunts.
En effet, jusqu’à la fin du Moyen Empire, le tombeau royal se présente
sous la forme d’une pyramide,
plus ou moins importante selon les Pharaons et les époques mais nettement visible
tant sa silhouette impressionnante barre l’horizon désertique de la Basse
et de la Moyenne Egypte. Peu à peu, sous la pression des pillages répétés, probablement
aussi sous le couvert d’une nouvelle vision religieuse développant plus
largement le culte d’Osiris, la tombe royale se déplace vers la Haute-Egypte
pour être creusée à même la montagne de la rive Ouest qui fait face à Karnak/Louxor.
A
l’aube de la dynastie XVIII, Amenhotep I, fils et successeur d’Ahmosis
considéré comme le libérateur du joug hyksos et le fondateur de la dynastie,
décide de construire sa tombe au cœur de la Vallée occidentale (certainement
la tombe connue sous le sigle AN B de Dra Aboul’Nag), tombe dotée d’un
temple funéraire indépendant, probablement la plus ancienne tombe de ce type
répertoriée sur le site et la première à être séparée de son temple funéraire.
On peur supposer qu’il "créa" alors la confrérie d’ouvriers
chargés de creuser son hypogée, hypothèse qui peut être rendue valable par le
fait qu’Amenhotep I et sa mère Ahmès-Nefertari furent révérés tout au
long de l’existence de la communauté comme les saints patrons fondateurs
du village. Régulièrement et durant près de cinq siècles, la statue du Pharaon
divinisé fut portée en procession vers la Vallée des Rois lors d’une fête
qui se déroulait le onzième jour du troisième mois de la saison shemou
(d'autres sources avancent la date du quatorzième
ou quinzième jour du troisème mois de shemou ?) C'est l'occasion,
alors, pour le saint Pharaon de rendre des
oracles très appréciés et très attendus. Par respect
pour sa personne, il est aussi de coutume pour les familles d'éviter
de nommer leur rejeton du prénom sacré d'Amenhotep ! Voir aussi
Piété
et religion Photo
Photo
Les
premières preuves tangibles apparaissent sous le règne du successeur d’Amenhotep
I, Thoutmosis I qui fait élever un mur d’enceinte autour des maisons du
Village. De nombreuses briques composant ce mur furent retrouvées, frappées
au nom royal de Thoutmosis I. Et c’est ce même roi qui inaugure la première
tombe dans un lieu qui allait devenir la fameuse Vallée des Rois.
Bien sûr, le Village connut de nombreuses modifications
au moins douze phases de constructions successives (Valbelle) :
Dynastie XVIII :
Le règne de Thoutmosis III vit l’agrandissement du Village au Nord et
le règne de la reine Hatchepsout
livra les premiers vestiges, notamment les premières tombes du cimetière
de l’Est près de la colline de Gournet Mourai. Il ne semble
pas que sous la dynastie XVIII le petit Village soit soumis à l’autorité
du Vizir mais plutôt supervisé par le maire de Thèbes. Ainsi, sait-on que ce
fut Ineni, Grand Maître d’œuvre de Karnak, architecte entre autres
réalisations des deux obélisques de Thoutmosis I, qui supervisa l’organisation
des travaux pour la tombe de ce même Pharaon. Plus tard, Hapuseneb supervisa
le creusement de la tombe de la Reine Hatchepsout. Mais tous les documents relatifs
à l’organisation du Village à cette époque sont rares, tout au plus peut-on
supposer que les ouvriers sont enrôlés de manière traditionnelle, venant de
régions différentes, distincts cependant des ouvriers commandés pour la construction
des Châteaux
des Millions d’Années, et obéissant aux ordres d’un
ou plusieurs contremaîtres.
Le règne d’Amenhotep
III est peu prolixe à ce sujet, la seule preuve un peu plus bavarde que les
autres est la tombe du contremaître Khâ. La chapelle de celle-ci fut malheureusement
pillée mais le tombeau souterrain fut découvert vierge de toute intrusion.
Dans un double sarcophage entouré d’une guirlande de fleurs, reposait
le défunt Khâ encore recouvert de son suaire, tandis qu’à ses côtés reposait
son épouse, la défunte Meryt. Les deux personnages coulent une éternité tranquille
au musée de Turin et de nombreux examens ont révélé qu’ils étaient encore
parés tous deux de leurs bijoux et amulettes. Photo
Photo
Quelques bouleversements significatifs perturbent l’évolution
du Village qui est abandonné durant la trouble période amarnienne. Sous la férule
d’Amenhotep
IV/Akhenaton, les ouvriers du Village sont déplacés à
Akhetaton
en Moyenne Egypte, la nouvelle capitale fondée par le Pharaon hérétique. Là,
un village presque semblable à celui de Deir el Medineh est
bâti à la hâte et les importants vestiges restitués actuellement par ce site
sont autant de témoignages capitaux qui aident l’archéologue à mieux comprendre
Deir el-Medineh. Certes, les plans sont quelque peu différents mais
ils sont intéressants à étudier
et à comparer dans la mesure où les deux villages sont tous deux
des structures planifiées par l'Etat.
Un
peu moins d’un vingtaine d’années plus tard, les ouvriers déplacés
reviennent à pa demi et à partir du règne d’Horemheb qui réorganise
le site, le Village adopte sa structure plus ou moins définitive. Sous le règne
de ce Pharaon militaire, le maire de Thèbes, Djoutmosé commence à mettre en
place une véritable organisation du travail des ouvriers des tombes royales,
le Village commence une lente structuration à tous les niveaux.
Les différentes
phases d'agrandissement du Village
Illustration
Les artistes de Pharaon Catalogue du Louvre
Dynastie XIX et
dynastie XX : Peu d’éléments nous sont parvenus du règne de Seti I mais
l’on suppose que la communauté est dès lors bien établie. Désormais La
Place de Vérité est sous l’autorité directe du Vizir plaçant les ouvriers
de la nécropole royale encore plus près de la personne de Pharaon, ce dont ils
ne sont pas peu fiers, se nommant avec emphase les hommes du roi et devenant
les artisans exclusifs des hypogées royaux. L’organisation se fait plus
précise sur les chantiers (voir Organisation
du Village), les moindres actes de la vie communautaire sont
enregistrés, vérifiés, archivés et c’est ainsi que sont parvenus jusqu’à
nous de nombreux éléments archéologiques ou épistolaires ressuscitant la vie
quotidienne du Village.
Sous
le règne du Grand Ramsès II, La Place de Vérité s’agrandit vers le Sud
et la lignée des différents Ramsès offre un épanouissement complet au Village.
Sous la dynastie XX, elle fonctionne parfaitement, exceptionnellement elle comptera
une équipe opérationnelle de 120 ouvriers mais elle connaît aussi sa première
rébellion, la première grève de l’Histoire,
en l’an 29 du règne de Ramsès III avant de s’éteindre lentement
sous le règne de Ramsès XI (fin de la dynastie XX), victime des pillages qui
affectent la Vallée des Rois et de l’insécurité latente liée à l’invasion
des Peuples
de la Mer. Les ouvriers déménagent donc une dernière fois
et s’installent dans l’enceinte du temple de Ramsès III à
Medinet-Habou. Jusqu’aux époques chrétienne
et musulmane, le site conservera une notoriété religieuse certaine avant de
s’éteindre peu à peu. Son silence traversera les siècles, il faudra attendre
le XIXème siècle de notre ère et les premières fouilles
aléatoires, dans un premier temps, des fellahs soucieux de s’enrichir
en pratiquant un trafic d’antiquités de plus en plus florissant pour que
l’on réalise l’importance du site de Deir el-Medineh. Puis en 1811,
arrive sur les lieux un homme ambitieux, désireux de monter une collection d’antiquités
destinées aux grands musées, le consul français Drovetti. Peu à peu, les fouilles
s’organisent, de nombreux chercheurs se penchent sur les sables antiques,
La Place de Vérité dévoile ses secrets consignés sur des centaines d’ostraca,
de tessons, de papyri, et la lecture des tombes privées de la nécropole des
artisans livre les aspirations émouvantes d’un petit peuple en quête d’éternité.
Mais
revenons sur nos pas, Nakhtamon nous attend sur le seuil de sa petite maison,
il piaffe d’impatience, au loin résonnent les pas des chevaux et les cris
des hommes qui acclament l’arrivée du Soleil de l’Egypte, le ton
monte, femmes et enfants se pressent joyeusement à l’unique porte de l’enceinte,
dans leurs mains ils tiennent précieusement les fleurs qu’ils jetteront
sous les pas de Pharaon. Mentalement, Nakhtamon se remémore le plan qu’il
a concocté des nuits durant pour que la royale visite soit la plus parfaite
possible, il s’embrouille, les mots lui échappent, la sueur monte à ses
tempes. Que Thot lui rende la mémoire qui lui fait défaut, déjà Pharaon s’installe
sous le grand dais aux châtoyantes couleurs dorées, installé en
son honneur dans l'unique rue. Mais par Imhotep, les villageois ont eu bien
du souci à tendre la toile de lin tant l'allée est étroite
! Ramessou attend son petit maître de conférence, courage Nakhtamon, Thot guide
tes paroles !

Plan
du village de Deir el-Medineh
Le
village
Le
tout premier Village construit sous Thoutmosis I est protégé par un mur d’enceinte
s’élevant à cinq ou six mètres de haut puis il est agrandi vers le Nord
par Thoutmosis III avant de prendre son allure définitive sous Ramsès II qui
le prolonge vers le Sud. A son apogée, le Village occupe une superficie de
5600 m2.
Toutes
les voies d’accès qui mènent au Village sont consciencieusement surveillées
et gardées par une police spéciale, les medjayou,
répartie dans cinq fortins. La confrérie qui "se cache" en ces lieux
bénéficie de toute l’attention du roi régnant et de sa puissante protection.
Toutes les mesures les plus efficaces sont prises pour que les ouvriers de
Pharaon créent le royal hypogée loin des yeux et des oreilles. Seuls
les habitants de la communauté ont le droit de franchir l’unique porte
(1) d’accès située au Nord de l’enceinte du Village.
Une
fois cette porte dépassée, une longue rue (2) partage le Village en
deux et s’achève à l’autre extrémité, au Sud près de 140 m plus
loin, seules deux rues perpendiculaires (3) à cet axe médian permettent
d’accéder à l’Ouest et à l’Est du Village (50 m d’Est
en Ouest). La "grande rue" est toutefois très peu large, certains
pensent qu’elle était peut-être couverte mais il est certain que la
circulation doit y être bien difficile au vu de son étroitesse.Photo
Actuellement on a dénombré 68 maisons (probablement 70 sous Ramsès II) presque
toutes bâties selon le même plan à quelques variantes près. Les murs sont
faits de petits blocs de pierre reliés entre eux par de la mouna
et peints en blanc, ils s’élèvent à près de 2,50 m et leur partie supérieure
est faite en brique. La hauteur d’une maison peut varier entre 3 et
5 m et le toit est plat afin de pouvoir être utilisé comme terrasse. Pour
contrecarrer les mauvais esprits, il n’est pas rare de voir certains
montants de porte peints en rouge tandis que les linteaux sont gravés au nom
du propriétaire des lieux, les hiéroglyphes pouvant eux aussi être tracés
en rouge (il arrive aussi de trouver le nom du propriétaire sur une colonne
ou sur un di pinto décorant le mur d’une pièce). L’accès
à la demeure se fait par deux ou trois petites marches en contre bas. Le seuil
peut être en bois ou en pierre mais une fois à l’intérieur, le sol est
de terre battue sauf, bien sûr, dans les maisons les plus nanties où le plancher
peut être de bois peint. La porte qui protège l’accès à la maison peut
être soit à un vantail unique soit à deux vantaux symétriques toutes deux
condamnables par un verrou (voir un bon exemple dans le jeu l’Enigme
de la Tombe). Conçue en longueur, cette demeure offre une surface
habitable allant de 40 m2 pour la plus modeste à 120 m2 pour la plus luxueuse,
la moyenne se situant dans les 72 m2. Les célibataires occupent des
demeures modestes, les chefs d'équipe ou les scribes ayant droit, vu
leur position, à une maison plus spacieuse.
Nakhtamon
se prosterne devant son Roi, il n’ose porter les yeux sur Pharaon, son
regard vacille, ses yeux s’embrument d’une émotion à peine contenue,
le voilà qui présente pa demi :
Deir
el-Medineh est composé de plusieurs éléments : le Village proprement dit
ceint d’une muraille de briques,
un cimetière situé à l’Est, une nécropole située à l’Ouest Photo,
un poste de contrôle, de nombreux sanctuaires, chapelles votives et temples
dont au Nord du Village le temple dédié à Hathor Photo.
Mais bien au-delà encore du Village, les ouvriers et artisans laissent des traces
visibles liées à leur activité : le bel oratoire de Ptah et Meretseger Photo,
le fameux puits et la station du Col Photo.
Une
maison de Deir el-Medineh

La
première pièce
(1) couvre entre 8 et 24
m2, la première curiosité qui s’offre au regard est une structure
(a)
en brique de forme généralement rectangulaire et s’élevant jusqu’au
plafond évoquant ainsi l’aspect d’un lit à baldaquin muni de quelques
marches.
Photo
La fonction de cet élément reste encore incertaine, on pense qu’il pourrait
s’agir d’un lit rituel utilisé par les parturientes, élément symbolique
pouvant participer par sa présence physique à la perpétuité des générations
futures. La décoration tend à prouver cette éventuelle possibilité dans la mesure
où le dieu
Bès,
ce petit nain difforme associé à la sexualité, à la naissance
et à la famille a souvent été représenté sur les parois de l’édifice.
Six maisons du Village ont livré des images de cette divinité
porteuse d'une force symbolique très puissante. Mais peut-on y voir,
selon certains auteurs, une sorte de petite chapelle consacrée au culte des
ancêtres car la pièce est aussi munie de petites niches destinées à recevoir
les statues des dieux familiers ou des aïeux de la famille. La confrérie
apporte un grand soin à honorer le
culte
de ses ancêtres, ceux qu'on nommait les
esprits lumineux
et efficaces et à qui l'on réserve des stèles ou des
statues spécifiques. Destinée aux dévotions à caractère familial, cette
pièce est une manifestation primordiale de la piété développée par les anciens
égyptiens.
Illustration
Les artistes de Pharaon Catalogue du Louvre
Illustration M. Bierbrier.
La confrérie des bâtisseurs de Pharaon
A
ce moment du récit, Nakhtamon reprend son souffle, il ose un regard vers Ramsès.
Celui-ci le scrute d’un œil amusé mais fleurant la bienveillance
la plus rassurante. Enhardi, Nakhtamon continue :
Ces
demeures ne sont pas habitées pas plus de quatre ou cinq personnes, le père,
la mère et deux ou trois enfants. (Certains auteurs ont tendance à supposer
que la cellule familiale est nettement plus complexe comprenant parfois six
ou sept enfants mais il faut tenir compte de la mortalité infantile très
importante). Parfois, un membre de la famille plus éloigné rejoint le clan,
soit acculé par un divorce qui l’a mis à la rue, soit endeuillé par un
décès qui le laisse démuni. La solidarité et la cohésion familiale ne sont pas
de vains mots. Voici ce que l'on peut lire sur un fragment de calcaire retrouvé,
un message de réconfort écrit par un père soucieux du devenir
de sa fille et peut-être inquiet pour son ménage :
"Si ton mari te chasse de sa maison, tu peux aller vivre dans une pièce
de ma resserre, car c'est moi qui l'ai construite."
Le
mobilier qui décore ces maisons varie, bien sûr, selon les moyens de la famille
mais dans l’ensemble il est restreint et se limite à quelques meubles
de facture très simple mais de bonne qualité :
Le
tabouret est le siège le plus commun, comme le tabouret bas composé d’un
siége canné ou le tabouret pliant en X dont on a trouvé un exemplaire dans la
tombe de Sennefer Photo.
Mais l’on trouve aussi des chaises aux pieds décorés ou simples dont le
dos peut-être dessiné et dont les éléments sont assemblés par un ingénieux système
de tenons et de mortaises. Le mobilier de rangement se résume à des coffres
plus ou moins grands, à un ou plusieurs compartiments et souvent munis d’un
couvercle à glissière. Ils permettent de ranger linge de toilette, vêtements,
articles de beauté ou bijoux. Photo
Mais
l’élément capital du mobilier reste toutefois ce fameux appuie-tête qui
nous intrigue tant il peut sembler inconfortable comparé à nos doux oreillers !
Fait de bois, de calcaire ou d’ivoire, il est légèrement surélevé afin
de protéger la tête du dormeur des insectes malvenus et l’on a retrouvé
un très grand nombre de chevets de toutes sortes dans les tombes Photo.
Indispensable et attachée à plusieurs usages, la natte est incontournable
: elle peut servir de matelas pour la nuit, on peut la fixer sur un porte pour
faire office de rideau, parfois aussi, on l'étend pour servir de nappe.
L'Egyptien la transporte partout avec lui et l'expression veut qu'il la porte
sur ses épaules lorsqu'il se déplace.
Photo
Les
éléments pratiques de la vie quotidienne comme la vaisselle de métal
ou de pierre, les instruments de cuisine nous sont parvenus en grand nombre :
des poteries diverses, des jarres de stockage, des jarres à bière, des gobelets
pour boire, des bouteilles dont le type étranger, cananéen ou mycénien, traduit
les rapports étroits que les égyptiens entretiennent avec leurs voisins, des
vases à onguents
Photo,
des amphores à vin inscrites de manière très détaillée et qui nous livrent une
foule de renseignements sur la provenance du liquide, le domaine qui l’a
produit, le type de vignes dont il est issu et le nom du propriétaire, des coupes,
des spatules ou des cuillères.
Très
pratiques, largement utilisés et pas si éloignés de leurs modernes reproductions,
les paniers, corbeilles et autres objets de vannerie ont été retrouvés en grand
nombre. Les matériaux employés varient du jonc robuste en passant par la paille
d’alfa la plus économique pour arriver au papyrus le plus précieux. Photo
En
tant qu’ouvriers spécialisés, on peut penser que les artisans de Deir
el-Medineh ont tout fait pour rendre leur cadre de vie le plus agréable possible.
Tous les instants qui ne sont pas accordés au creusement de l’hypogée
royal sont sûrement réservés, d’une part à l’élaboration de leurs
propres sépultures comme nous le verrons un peu plus loin (nécropole
de l'Ouest) mais aussi à l’amélioration constante
de leur habitat.
On
a pu constater que les maisons avaient subi au hasard des fluctuations et des
besoins de leurs propriétaires des modifications, des agrandissements
propres à leur apporter un plus grand confort. N'étaient-ils pas
les mieux placés pour de tels travaux et probablement devaient-ils s'aider,
échangeant leurs compétences et leur savoir-faire :
"An 3, troisième mois de shemou,
jour 16. Ce que l'ouvrier Paneb a donné au dessinateur pour le travail
de construction accompli chez moi : une salle de tavail et un autre mur..."
(Trad. Varille)
Nord
1
a
2
La
seconde pièce (2) est accessible par une volée de deux ou trois marches
montantes cette fois-ci et c’est, de loin, la pièce la plus grande de
la demeure d’une superficie allant de 14 à 26 m2. Là aussi, des niches
peuvent être aménagées dans les murs, souvent dédiées au saint patron Amenhotep
I. On peut y voir aussi une stèle
fausse porte tandis qu’une colonne (parfois plusieurs)
occupe le centre de la pièce, posée sur un socle de pierre, faite en calcaire
ou bois et supportant le toit. Celui-ci est constitué de feuilles de palmier
posées sur des troncs d’arbre et d’astucieuses petites ouvertures
percées entre le toit et le mur laissent passer la lumière et surtout l’air
frais lorsqu’il souffle avec bonheur du Nord. C’est un peu ce système
de fenêtre a claustra que l’on retrouve dans la Grande
Salle Hypostyle de Karnak. Une petite banquette court le long
d’un mur faisant office de "canapé" pour recevoir les invités
ou de lit, la nuit. Sous ce divan, dans certaines demeures, notamment au nord-ouest,
une petite cave-cellier (b) est creusée afin d’entreposer
vaisselle ou denrées diverses. Dans cette seconde pièce, on peut trouver
aussi, selon les moyens de la famille, des coffres destinés à recevoir les vêtements
ou les articles de toilette nécessaires à une bonne hygiène quotidienne.
Puis un petit couloir mène à une ou deux autres
pièces assez exiguës pouvant servir de débarras ou de chambre à coucher, probablement
pour les femmes (3).
Enfin,
tout au fond de la maison, la cuisine (4) se présente comme une cour
à ciel ouvert. C’est à cet endroit que l’on fit les découvertes
les plus significatives : four, poteries diverses, petit silo à grains, etc.(c).
De cette pièce s’élève l’escalier qui mène au toit-terrasse (5),
peut-être l’un des endroits les plus utilisés par les membres de la famille.
D’ailleurs, l’Egypte moderne a conservé cette ancestrale coutume
et la terrasse est toujours un lieu où l‘on aime venir se reposer, se
détendre après une journée de dur labeur, se réunir entre amis ou en famille
ou tout simplement dormir lorsque les nuits sont trop étouffantes. Cet espace
en plein air peut aussi servir de salle à manger, d’entrepôt pour faire
sécher le grain ou d’étendoir pour faire sécher le linge. Peut-être même
sert-il de moyen pour se déplacer, de toit en toit, de maison en maison dans
la mesure où chaque terrasse doit à peu près être au même niveau que ses voisines
! Un excellent moyen de faciliter les communications, de faire circuler les
nouvelles ou tout simplement d’éviter une rue principale trop étroite
et un peu trop engorgée !
Photo
Photo
b
3
4
c
5
Emporté
dans son élan, animé par la passion qui toute entière enflamme
son récit, Nakhtamon ne peut endiguer le flot de paroles qui déferlent
de sa bouche bavarde. Ramsès semble sous le charme et, soudain, il réalise
combien l'exercice du pouvoir l'éloigne de ce petit peuple si attachant.
Pharaon est encore un jeune roi plein d'ambition, nourri des expériences
de son père, le défunt Seti I. Très précocément
associé à tous les faits tant guerriers que diplomatiques de celui-ci,
le futur Pharaon a suivi son modèle dans ses campagnes à l'étranger,
a présidé à ses côtés de nombreux conseils
mais jamais encore, il n'avait côtoyé d'aussi près ces hommes
qui font la terre de Kemet, ces hommes et ces femmes qui vouent à leur
Pharaon un tel amour, une confiance si absolue que la mission qui lui a été
confiée par les dieux au moment de son intronisation lui paraît
bien lourde maintenant !
Vous
êtes à l'ankh 
* La redécouverte
de Deir el-Medineh
Le miracle d'une passion...
Sources
Les artistes de Pharaon. Catalogue du Louvre 2002
La confrérie des bâtisseurs de Pharaon. M. Bierbrier
Les Créateurs d'éternité. J. Romer
*
En construction, bientôt, la suite des aventures..
Ces
pages sont offertes à ma petite nubienne, la joyeuse
Nefercoco qui fut privée injustement du colloque sur Deir el-Medineh.
Puisse-t-elle retrouver dans ces lignes tout le plaisir qu'elle me procure
lorsque nous MSNons dans notre fenêtre quotidienne...