"L’homme y passe
à travers des forêts de symboles
qui l’observent avec des regards familiers"

Le temple de Denderah
Les temples d'Abydos
Album Abydos/Denderah
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LA BELLE DEESSE HATHOR
Nous avons laissé derrière nous, la ville d’Abydos, la cité sainte qui honora la relique sacrée du dieu Osiris, sa tête divine retrouvée par son épouse Isis. Le fleuve devant nous opère une large boucle qui nous fait pénétrer un peu plus encore au cœur du désert arabique. Et, soudain, apparaît sur la rive gauche du Nil, quasiment juste en face de la ville de Qena, Denderah, la cité d’une des plus grandes déesses du panthéon égyptien, la belle Hathor.
Considérée comme l’une des nombreuses filles de , le Père de tous les dieux, la personnalité d’Hathor est extrêmement complexe tant les formes qui sont les siennes apparaissent multiples et toutefois complémentaires. Fille de Rê, donc, épouse du dieu faucon Horus, elle est considérée comme l’œil de l’astre solaire et doit repousser, au loin, les ennemis de celui-ci. Sous sa forme la plus sauvage, elle devient la Lointaine, et la splendide Hathor se transforme alors en la cruelle Sekhmet, la lionne terrible à la fascinante beauté. Elle intervient dans plusieurs domaines mais il en est un où elle excelle : déesse de l’amour et de la beauté, elle évoque les grandes festivités où ballets, danses, ivresse et joyeuses musiques se côtoient dans la liesse la plus torride. Tardivement, on fêtait sa grande beauté par des réjouissances et des chants nocturnes qui se prolongeaient tard dans la nuit, au sein des propylées des mammisis ou dans les cours des temples.
Protectrice de la nécropole thébaine, elle est chargée de régénérer les défunts et elle fut ainsi assimilée à la déesse Nout qui régénérait le soleil. On la voit aussi très souvent représentée en tant que nourrice de l’enfant royal, symbole qui la différencie, entre autres, de la belle déesses Isis. Maîtresse de la turquoise, Maîtresse des pays étrangers, Dame du Pount ou de Byblos, ses attributions sont diverses et les domaines dans lesquels elle oeuvre sont illimités.
Représentée en tant que vache ou, bien plus souvent, en tant que jeune femme coiffée du disque solaire qu’entourent deux cornes de vache, sa beauté rivalise avec celle d’Isis. Sa lourde perruque laisse parfois apparaître les oreilles de la vache sacrée qui lui était associée. Elle avait pour symbole un instrument de musique original, le sistre, dont le bruit particulier évoquait la joie émanant de la déesse. Le son de cet instrument rappelait aussi le bruissement des papyrus du marécage, appel lancé vers la Déesse afin que le défunt en attente de résurrection puisse la féconder.
Image ci-contre  : la déesse Hathor ici représentée sous les traits d’une vache. Elle surgit hors de la montagne thébaine. Vignette illustrant un chapitre du Livre des Morts. (Amours et Fureurs de la Lointaine)
Parée de ces impressionnants attributs et de ces qualités exceptionnelles, il était alors tout naturel qu’un temple en son honneur soit élevé en ce lieu de Denderah où l’animal sacré par excellence était la vache, l’une des formes d’Hathor. Bien que certains témoignages nous apprennent qu’un temple très ancien, datant probablement du Pharaon Khéops, ait déjà été construit, celui qui nous intéresse est largement postérieur à l’Ancien Empire puisque le sanctuaire dédié à la déesse Hathor date de l’ère ptolémaïque.

LE TEMPLE DE DENDERAH
Initialement, trois sanctuaires se partageaient le site de Denderah : le temple d’Ihy, fils d’Horus, dont il ne reste actuellement qu’une porte monumentale, le temple d‘Horus, presque complètement disparu et enfin le temple d’Hathor dont il reste, heureusement, d’excellents vestiges.
Pénétrons ensemble au cœur du temple
Nous avons vu, plus haut et nous pouvons le constater sur la carte, que le temple d’Hathor se situe sur une boucle du fleuve qui coule alors soudainement de l’Est vers l’Ouest ce qui a pour principale conséquence d’exposer la façade du temple vers le Nord et non vers l’Est comme le souhaite la tradition.
Après avoir traversé une vaste place ceinte par un mur d’enceinte, notre regard se pose sur une façade constituée de six colonnes dont les chapiteaux sont ornés du visage de la Maîtresse des lieux, coiffée d’une lourde perruque. Au-dessus de ce visage, se trouve la représentation d’un sistre-naos.
Derrière cette façade unique en son genre, se cache la Salle hypostyle soutenue par dix-huit majestueuses colonnes, elles aussi surmontées d’un chapiteau évoquant la tête d’Hathor coiffée du sistre. Le plafond de cette salle est décoré de figures célestes dont celle de la déesse Nout, la déesse régénératrice de l’astre solaire avalant le soleil au crépuscule pour le faire renaître à l’aube, tandis que les parois sont parées de scènes traduisant la fondation et la consécration du temple. Cette magnifique salle fut décorée à l’époque d’Auguste et de Néron. Puis nous débouchons sur une seconde salle hypostyle munie de six colonnes seulement appelée Salle des Offrandes ou Salle des Apparitions. Cette Salle est flanquée de six chambres destinées à la préparation des offrandes et sur les parois de l’une d’elles sont exposées des recettes expliquant le mode préparatoire des baumes et huiles saintes nécessaires à l’onction de la statue de la déesse.
Enfin, nous pénétrons dans le saint des saints, le sanctuaire qui contenait le naos et les barques sacrées. Ce sanctuaire remonte au deuxième siècle avant J.-C. et les bas-reliefs qui en ornent les parois célèbrent les différentes phases du rite. Autour de ce lieu saint, un couloir appelé Corridor des Mystères donne accès à onze chapelles munies de cryptes fort originales creusées dans l’épaisseur des murs pour y dissimuler les objets du culte et autres trésors.
Sur le côté droit de ce long corridor, on trouve une pièce caractéristique des temples de l’époque ptolémaïque appelée la Chapelle pure, la ouâbet (A) qui entrait en fonction à l’époque de la fête du Nouvel An et qui célébrait l’Union au Disque. A l’aube de cette journée festive, les statues divines étaient extraites des cryptes dont nous avons parlé un peu plus haut pour être portées dans la ouâbet où elles étaient lavées, purifiées, ointes et habillées. Les prêtres directeurs du culte empruntaient alors un escalier (B) qui les conduisait sur une terrasse du temple. Les statues déposées dans un pavillon prévu à cet effet et exposé aux rayons du soleil puisaient les forces nécessaires à leur régénération et s’unissaient ainsi symboliquement au Soleil. A l’issue de cette manifestation, elles regagnaient l’intérieur du temple.
Sur la terrasse, deux chapelles étaient consacrées à la célébration d’autres fêtes, les fêtes osiriennes du mois de Koyak. On confectionnait une statue du dieu des morts, Osiris, statue de sable déposée dans un moule spécial où l’on plaçait des graines dont la germination symbolisait la résurrection du dieu.
C'est de cette chapelle osirienne que provient l’un des plus célèbres zodiaques égyptiens actuellement conservé au musée du Louvre. Voir Photo (Amours et Fureurs de la Lointaine. C.D. Noblecourt).
LES AUTRES EDIFICES AUTOUR DU TEMPLE DE DENDERAH
Le temple d’Hathor était le centre d’un complexe nettement plus étendu qui comprenait d’autres bâtiments et d’autres sanctuaires.
Ainsi, derrière le temple d’Hathor, l’on peut admirer le Temple d’Isis (2) dont l’une des salles était consacrée à la naissance d’Isis. Dans l’angle Sud-Ouest s’étend le lac sacré (5) et, un peu plus bas, se trouve le sanatorium (6), agrémenté de quelques fontaines, au sein duquel les malades venaient chercher les prémices d’une guérison dans les eaux d’une vasque miraculeuse aux pouvoirs curatifs.
Enfin, entre le portail Nord et la grande cour du temple d’Hathor, deux édifices retiennent notre attention : le mammisi d’Auguste, ou lieu de naissance, commencé par Néron et décoré par Trajan. (juste à droite de l’église copte). Ce temple est entouré d’une colonnade du type hathorien et la décoration met en scène le dieu Bès, protecteur des femmes en couches. Certaines scènes expriment la naissance et l’allaitement du petit Horus, d’autres montrent Trajan présentant des offrandes à Hathor allaitant son enfant.
Un autre mammisi côtoie celui d’Auguste, le mammisi de Nectanebo (7) où l’on voit intervenir les dieux et Amon dans la création de l’Enfant divin. Ainsi l’on suit Hathor conduite à Amon par le dieu Khnoum et la déesse grenouille Keket. Khnoum façonne sur son tour de potier l’enfant divin, Hathor allaite le jeune enfant, Thot annonce la naissance divine et proclame l’arrivée du Maître du Double-Pays.
La présence de ces lieux de naissance qui affirment, en quelque sorte, la légitimité de Pharaon sur le trône d’Egypte se manifeste surtout à l’époque ptolémaique :
" La volonté la plus nette des Ptolémées a été de lier leur propre personne aux grandes divinités de l’ancienne Egypte, tant ils aspiraient à être considérés comme les héritiers des Pharaons." Posener
Ainsi s’achève la visite de Denderah, la cité sacrée de la belle déesse Hathor, figure divine extrêmement populaire et bien aimée de l’Egyptien antique.
Notre croisière reprend sa route vers le Sud. Nous voici aux portes de Coptos, ville portuaire sans charme particulier, point de ralliement des caravanes qui partaient courageusement vers les rives de la mer Rouge au terme d’une périlleuse traversée du désert arabique. De cette cité partaient aussi des expéditions vers le wadi Hammamat où l’on exploitait des carrières de schiste. Coptos tirait sa bonne fortune de l’exploitation des routes commerciales que la reine Pharaon Hatchepsout avait ouvertes vers le fabuleux pays de Pount. Le port attirait dans ses eaux le ballet incessant des navires gonflés de leur précieuses cargaisons : or, encens, ivoire, épices rares et gommes odorantes.
Glissons tranquillement vers le Sud.
Le crépuscule et ses ombres magiques qui nous ont accompagnés depuis notre départ d’Abydos
se sont effacés pour abandonner les rives égyptiennes à la nuit la plus douce où tous les rêves sont permis.
Quand l’aube poindra à l’Orient du Ciel et que Rê apparaîtra dans toute la splendeur de ses rayons solaires,
éternel vainqueur des forces obscures des ténèbres nocturnes,
notre felouque aura atteint les rives de l’opulente Louxor et du gigantesque Karnak,
Thèbes aux cent portes dont les charmes millénaires et les impressionnantes richesses n’ont de cesse de troubler,
encore et toujours, le visiteur des temps modernes.
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