Nous
avons vu que le temple de Louxor
était considéré comme le harem méridional du dieu Amon. Régulièrement, au moment
de la belle Fête d’Opet, Amon, accompagné
de sa parèdre Mout et de leur fils Khonsou, venait y faire séjour. Photo IPhoto 2 On accédait au temple par voie fluviale
notamment lors de cette fête renommée : les barques processionnelles débarquaient
dans un petit port dont les vestiges ont été découverts en 1991. Reconstitution Mais l’on pouvait aussi
s’y rendre par voie de terre et, dans ce cas, l’on cheminait, du temple de Karnak
jusqu’à Louxor, le long d’un dromos qui reliait les
deux temples sur près de trois kilomètres. Dans le cadre d’un projet de fouilles
et de restauration du site, le Service des Antiquités Egyptiennes a entrepris
le déblaiement de cette voie sacrée, mission rendue d’autant plus compliquée
par l’extension urbaine de la ville moderne de Louxor. Plusieurs tronçons de
cette allée ont été mis à jour et les travaux avancent lentement.
Les sphinx à tête humaine que l’on
peut actuellement admirer devant l’entrée du temple, face au pylône, sont, d’après
les inscriptions gravées, l’œuvre de Nectanebo (dynastie XXX). Photo
Le
temple de Louxor
(1)Obélisques
et colosses de Ramsès II Après avoir suivi le dromos, nous
parvenons devant un superbe pylône précédé de deux colosses et d’un obélisque.
Mais le compte n’est pas tout à fait juste puisque, initialement, c’étaient
deux obélisques et six statues qui gardaient l’entrée du temple.
La majestueuse porte du pylône est flanquée de deux
colosses en granit, représentations de Ramsès II assis sur son trône. Devant
chaque môle du pylône, quatre autres statues de Ramsès II debout, en granit
rose, se partageaient l’espace avec des mâts supportant des étendards. Seul
subsiste aujourd’hui un de ces colosses, les autres ayant été allégrement débités
aux époques ultérieures, quelques blocs épars gisant encore à proximité.
Chaque statue de Pharaon assis était flanquée d’un
obélisque de 25 m de haut dont la base atteignait les 2,50 m. Actuellement,
seul celui de gauche est encore en place. Son compagnon, offert à la France
par Mohamed Ali en 1836, domine la place de la Concorde à Paris.Photo1Photo 2Photo 3Photo 4 (2)Le
pylône de Ramsès II Tout comme dans le temple de Karnak,
nous allons retrouver, tout au long de cette visite, des marques du passage
du grand Ramsès II. Lors de la première année de son règne, il décida de construire,
en avant de la colonnade d’Amenhotep III, une grande cour qui porte son nom
précédée d’un pylône. Les travaux commencèrent la première année de son règne
pour s’achever deux ans plus tard. Quelques années ont passé et, en l’an V,
afin de commémorer l’inoubliable épisode de la bataille de Kadesh, il fit graver
sur les murs les récits du combat et de sa victoire. Bien sûr, outre les descriptions
« techniques » de la bataille, le fameux poème de Pentaour exalte
la valeur de Pharaon au combat, son courage immense et l’aide providentielle
d’Amon qui l’épaula lorsque tous l’avaient abandonné. Photo
1Photo 2 (5)La
grande cour de Ramsès II Après avoir franchi la porte du
pylône, nous pénétrons au sein d’une grande Cour, œuvre de Ramsès II. Les murs
qui ceignent cette Cour sont gravés des représentations de la Belle fête d’Opet.
Un bas-relief de la paroi sud montre une intéressante image : on y voit
une reproduction du pylône entouré de ses deux obélisques et flanqué des deux
statues de Ramsès sur son trône, statues dessinées de profil afin de respecter
les canons en vigueur du dessin égyptien, ces statues étant, bien entendu, de
face dans la réalité. Sur ses quatre côtés, cette cour
est bordée d’une double colonnade accompagnée de onze statues colossales dont
certaines datent d’Amenhotep III mais furent réutilisées par Ramsès II. Il en
conçut tout de même deux, en granit noir, qu’il plaça de part et d’autre de
la portemenant à la grande Colonnade. Photo
1Photo 2 (3)La chapelle reposoir de Hatchepsout Sur le côté droit de la Cour de
Ramsès II se dresse une chapelle tripartite destinée à recevoir les barques
sacrées de la triade thébaine. On l’attribue généralement à la Reine Hatchepsout
(certains penchent pour Thoutmosis III) qui en conçut l’architrave et les colonnes
en forme de papyrus mais l’on ne sait pas encore avec certitude si elle utilisa
les éléments d’un sanctuaire déjà en place. Toujours est-il que le Grand Ramsès
II y déposa encore sa marque en apposant son nom illustre sur les parois de
ce monument ! Mais en omettant, cependant, d’effacer certaines marques
du féminin composant le nom de la Reine Hatchepsout, oubli autorisant à croire
que la Reine participa à la construction de ce monument. Toutefois, respectueux
de la valeur symbolique de cette chapelle divine, il n’hésita pas à tracer de
biais les plans de sa cour ce qui lui donne cet aspect légèrement déviant.
Photo (4)La
mosquée d’Aboul el-Haggag Sur le côté gauche de la Cour de
Ramsès II se dresse, élément anachronique de ce temple, la mosquée d’Aboul el-Haggag
dont le minaret blanc côtoie les hautes cimes des colonnes de l’Egypte antique.
Photo (a)Les
colosses de Ramsès II De chaque côté de la porte du second
pylône d’Amenhotep III, l’on peut encore voir deux colossales statues de granit
noir représentant Ramsès II assis sur son trône. Ces statues sont intéressantes
car le socle qui soutient l’une d’entre elles offre la représentation du Sema-Taouy
ou Réunion des Deux terres. Cette scène symbolique que l’on voit généralement
sculptée sur le flanc des trônes royaux (on le rencontre dès la dynastie I)
est formée du signe hiéroglyphique Sema qui veut dire unir, lier autour
duquel s’entrelacent, de part et d’autre de la représentation de la trachée
et des poumons, les deux plantes héraldiques de la Haute et de la Basse Egypte,
le lis et le papyrus. On peut trouver aussi (dès le Moyen Empire) deux
génies au ventre rond et proéminent, symboles de l’Inondation miraculeuse. Photo
1Photo
2 (6) (7)Le pylône et la Colonnade d’Amenhotep
III Ce pylône qui est l’œuvre d’Amenhotep
III ouvre l’accès sur une majestueuse colonnade conçue aussi par ce Pharaon.
Elle est composée de deux rangées de sept colonnes campaniformes (colonnes papyriformes
imitant l’ombelle d’un papyrus) qui s’élèvent à près de 21,20 m de haut. Les
parois de cette colonnade sont illustrées des merveilleux reliefs commandés
par Toutankhamon et décrivant les fastes de la Belle Fête d’Opet. Ainsi, sur
la paroi nord on peut voir Pharaon effectuant libations et fumigations à Amon
tandis que la paroi ouest relate le transport des barques de Mout et Khonsou
du temple de Karnak jusqu’au débarcadère d’où elles partiront ensuite en direction
de Louxor. Photo 1Photo
2 (8)La
grande Cour d’Amenhotep III La grande colonnade conduit à une
magnifique cour à ciel ouvert, œuvre également d’Amenhotep III. Elle est ceinte
sur trois de ses côtés par une double colonnade d’éléments papyriformes. En
tout, l’on dénombre quatre-vingt-seize colonnes. C’est dans cette cour que l’on
découvrit, en 1989, inhumées dans une fosse relativement profonde vingt-six
statues datant du Nouvel Empire et de la Basse Epoque. On exhuma, entre autres,
une superbe statue d’Amenhotep III sur un traîneau : son originalité réside
dans l’unicité de l’image représentée car il faut y voir, non pas le Pharaon
lui-même ainsi transporté mais plutôt sa statue. Photo 1Photo 2
Photo
3Photo 4 (9)Première
salle hypostyle Après avoir traversé une salle soutenue
par trente-deux colonnes et qui est le prolongement de la Grande Cour, nous
arrivons au cœur d’une première salle hypostyle soutenue par huit colonnes.
Au sud de cette salle était prévue une chapelle au sein de laquelle l’on déposait
la statue du ka royal lors des fêtes processionnelles. (10)
(11)La
Chambre des Offrandes et le sanctuaire de la barque sacrée Puis, dans l’axe du temple, nous
débouchons dans la Chambre des Offrandes suivie du sanctuaire de la barque sacrée.
A l’est du sanctuaire de la barque, deux salles sont illustrées de l’épisode
de la théogamie ou Mythe de la Naissance Royale
où l’on assiste au déroulement de toutes les phases qui président à la venue
de Pharaon sur terre. Voir Pharaon(12)La seconde salle hypostyle Cette salle hypostyle soutenue par
un ensemble de douze colonnes symbolise le lieu précisde la course du soleil
dans le ciel. En arrière de cette salle, un sanctuaire formé de trois salles
abritait les statues de la triade thébaine Amon, Mout et Khonsou.
Et
voici achevée notre visite au cœur du temple de Louxor. Mais notre parcours
ne serait pas complet si l’on omettait de signaler la visite du musée de Louxor.
Bien loin d’être aussi vaste et riche que son confrère du Caire, ce musée abrite
cependant des pièces dignes de retenir l’intérêt du visiteur. Parmi les plus
intéressantes, il faut signaler la fameuse stèle de Kamosis (dynastie XVII)
où Pharaon relate les hauts faits de son combat victorieux contre les Hyksos : " Mon vaisseau en or filait
en tête des Egyptiens, j’étais devant eux comme un faucon divin… J’ai vu les
femmes du roi Hyksos sur les terrasses. Entre les créneaux, elles regardaient
vers le port. Elles ne bougent pas quand elles m’entendent, mais montrent le
bout de leur nez….Et ton cœur est brisé, vil Asiatique : me voici, je bois
le vin de ta cave, ce vin que les Asiatiques qui sont aujourd’hui mes prisonniers
ont pressé…" Mais la pièce la plus
significative reste la reconstitution de la paroi d’un temple d’Akhenaton/Amenhotep
IV. Ce mur a pu être reconstruit grâce aux talatates
trouvés en guise de matériau de remplissage dans le pylône IX du temple de Karnak. D’une
superficie avoisinant les 70 m2, ce petit bijou restitue des scènes terriblement
attendrissantes et d’une touchante vivacité, où l’on voit Pharaon et son épouse
Néfertiti adorant le Soleil Aton, ainsi que de nombreuses autres restitutions
de la vie dans les champs, dans les magasins du temple où officiaient les prêtres.
Suite à la retentissante découverte
de la cachette de la Cour de la Cachette, le musée s’est enrichi d’une fastueuse
collection des plus belles pièces exhumées.
Il
nous faut quitter, à regret peut-être, la rive des vivants où s’épanouit l’opulente
Louxor et où se régénèrent, au sein de leurs temples, les dieux de la triade
thébaine. La rive où se lève le soleil fait face à la rive où le soleil se couche,
la rive occidentale, la rive des morts. Et gardons bien présent à l’esprit (
comme nous l’avons déjà signalé dans le chapitre sur les pyramides) que l’égyptien
antique s’est toujours repéré par rapport au Sud d’où vient l’Inondation providentielle.
Ainsi plaçait-il l’Ouest à sa droite et l’Est à sa gauche. Par conséquent, la
droite devient une région qu’il fallait sans cesse surveiller bien qu’éminemment
respectable. C’est pour cette raison aussi qu’un porte flabellum protégeait
toujours la droite de Pharaon. Voir Carte Thèbes Est-Ouest Le passage d’une rive à l’autre
se faisait, incontournablement, par voie fluviale, sur un bateau ou sur une
barque, les ponts n’ayant pas beaucoup attiré les égyptiens et l’on comprend
pourquoi lorsqu’on visualise l’immensité du fleuve. On trouve quelques petits
ponts enjambant les canaux d’irrigation et encore n’ont-ils jamais été bien
nombreux. Le seul exemple de figuration d’un pont que l’on ait trouvé provient
d’un fragment de bas-relief relatant le retour de Seti I de Palestine. Chaque
Egyptien se faisait un devoir de faire passer le fleuve à son compatriote et
le vocabulaire égyptien ne manque pas de références au langage maritime :
Pharaon était le gouvernail de son peuple, et l’on naviguait à la
voile pour descendre le courant vers le Nord et l’on naviguait à la rame
pour remonter vers le Sud. Toujours est-il, qu’à notre tour,
nous devons emprunter le même chemin que l’Egyptien ancien. Traversons le Nil
à bord de notre felouque, nous sommes au cœur de la saison shemou, la chaleur est torride, les réjouissances battent
leur plein, nous suivons nos compagnons qui vont célébrer dans l’allégresse
la Belle fête de la Vallée. Visitons ensemble
les temples
des millions d’années que
les Pharaons ont fait ériger pour perpétuer leur nom et accomplir leur intégration
au sein des dieux.